L’échec de la centralisation des soins aigus à Neuchâtel et du CTR à La Chaux-de-Fonds s’explique en partie par les grandes erreurs de communication de HNe et du Conseil d’Etat, leur pensée unique et leur logique technocratique. Deux ans de manque d’humanité (jamais on n’a parlé de « personnes » mais de « patients » ou de « clients« ), d’absence de conscience critique et de prise en compte de la position inverse dans les discours. Deux ans que leur hypothèse a été posée en dogme, que l’initiative n’avait que des défauts. Je reviens sur la chronologie de ces erreurs qui coûtent cher aux pilotes de l’avion à l’aile cassée. Ils savaient pourtant qu’ils seraient dans ce blog talonnés sur ce qu’ils diraient.
C’est le 24 janvier 2015 que Mme Pauline de Vos Bolay, nouvelle présidente du Conseil d’administration, transfuge de l’Hôpital fribourgeois, est intronisée dans le journal local. Elle s’y confie avec une arrogance coupable, expliquant que la « situation actuelle est douloureuse mais salutaire » et en comparant les Montagnes avec Châtel-Saint-Denis. C’est l’annonce du refus de prendre en compte la décision populaire de 2013 et en particulier de continuer à rénover le site de La Chaux-de-Fonds.
Le 28 janvier 2015, les deux exécutifs de deux villes des Montagnes neuchâteloises s’expriment devant la presse. Ils ont choisi la salle la salle du Conseil général de la Métropole horlogère. Tout un symbole: c’est le lieu de la première rencontre des Autorités cantonales en 1848. Notre république est bafouée dans ses fondements et il faut le dire fortement et solennellement ! En même temps est lancée l’initiative pour le retour de la maternité dans le Haut, qui sera suivie par celle qui a gagné dimanche 12 février 2017. En substance, les deux exécutifs disent : soit vous créez ce que le peuple a voté le 24 novembre 2013 (site opérationnel avec urgences et blocs opératoires ouverts 24h/24), soit vous créez un nouveau site mère-enfant, soit vous nous rendez notre hôpital au niveau où il fonctionnait en 2007. Fabien Fivaz, candidat au Conseil d’Etat, relevait aussi ce jour-là dans son blog le problème de gouvernance de HNe.
Le 5 février 2015, dans une séance qui fera date, l’ensemble des éluEs et des partis politiques du législatif chaux-de-fonnier appuient leur Conseil communal sur l’avenir de l’hôpital. A l’exception du PLR, ils apportent aussi leur soutien à l’initiative du « Haut veut vivre » pour le retour d’une maternité. En fait, le PLR penchait déjà pour lancer l’initiative que nous avons votée dimanche passé. Mais l’une n’empêchait pas l’autre : le Haut veut vivre n’a toujours pas retiré la sienne … C’était une bonne stratégie.
Le 7 février 2015, sous un éclatant soleil d’hiver, a lieu sur le Pod, une grande manifestation servant à lancer l’initiative du Haut veut vivre et à demander le respect des décisions démocratiques du 28 novembre 2013. Le lendemain, Jean-Claude Péclet, du Matin Dimanche, annonce que le Haut de « entre en résistance« . C’est également pour moi l’occasion dans ce blog de donner la parole à Giovanni Spoletini dans un article qui sera lu plus de 3000 fois.
Le 11 février 2015, à la Salle de Musique, entouré de ses médecins chefs dont certains devaient venir pour la première fois de leur vie dans cette salle, Laurent Kurth tente de se justifier devant la population. Il le fait avec courage mais aussi avec maladresse quand il dit qu’il aime sa ville. Il se fait huer alors que la Présidente de la Ville d’alors, dans une harangue vraiment populiste, remercie la foule qui est si « formidable« . Ce ne fut pas une soirée glorieuse.
Le 28 mars 2015, à l’aula de l’Ester, le docteur Yves Strub, médecin et conseiller général PLR, démontre, chiffres à l’appui, que les patients du Haut du canton vont être en plus grand danger que ceux du Bas, ce qui se vérifiera fin 2016 avec le rapport de la Société suisse d’anesthésiologie qui n’a convaincu aucun élu du Conseil général.
Le 25 juin 2015, avec Robin Erard et Armin Kapetanovic du Haut veut vivre, ainsi qu’avec mon camarade du Locle Gérard Santschy, nous allons déposer au Château les 4629 signatures de l’initiative demandant la réouverture d’une maternité et d’un centre pédiatrique dans le Haut. Cette initiative avait au moins le mérite d’être un pare-feu face à un projet du gouvernement qui n’était pas encore mûr. Elle n’est toujours pas retirée !
Au début juillet 2015, Mme de Vos Bolay commet à nouveau de graves erreurs de communication en profitant de la torpeur de juillet pour instiller son dogmatisme. Elle renvoie les Montagnons à leur émotionnalité, les dévalorisant par ce que j’appelle un sophisme de l’émotionnel. C’est aussi l’arrivée, toutes pattes de velours, du futur chargé de communication de HNe, Pierre-Emmanuel Buss, ancien journaliste au Temps, homme que je respecte et qui a dorénavant les mains encore davantage liées à son nouvel employeur. Bref, dès l’été 2015, c’est la raison délirante qui s’installe à HNe, dont il ne sortira pas indemne.
Réponse à Mme de Vos le 14 août 2015 du président de la Ville, Théo Huguenin-Elie, dans un long entretien dans L’Impartial. Cette indispensable prise de position, rejoint, en termes plus mesurés, mes propos de juillet sur l’arrogance de HNe adoubé par Laurent Kurth. Et aussi, elle marque une immense différence politique entre la majorité du PS des Montagnes neuchâteloises et celui-ci, un centralisateur forcené qui déteste les particularismes.
Le 16 septembre 2015 à La Chaux-de-Fonds, à l’aula de l’Ester, « Pages de gauche » organise un débat sur l’avenir de HNe, avec notamment Pauline de Vos Bolay et Théo Huguenin-Elie. C’est courtois mais Mme de Vos Bolay commet une autre erreur. Celle d’attaquer l’hôpital du Jura bernois. Le directeur de ce dernier, Dominique Sartori, lui envoie une lettre ouverte dans laquelle il se demande si elle est de mauvaise foi, ignorante ou désireuse de nuire.
Le 28 septembre 2015, encore une autre erreur, l’entretien-déjeuner dans Le Temps avec Serge Jubin. Il se déroule à Genève, lieu où « ce vendredi (…) elle est restée déjeuner et travailler« . Devant un « copieux crémeux de lentilles » dans « la verdure du parc des Bastions, de son ancien kiosque transformé en restaurant« , elle marque la distance infinie qui la sépare des Montagnes.
L’automne 2015 est aussi le moment choisi par le Conseil d’Etat pour lancer son idée de circonscription unique, du pain sec jeté aux pigeons selon moi.
Le 5 novembre 2015, vote au Grand Conseil sur les nouvelles options stratégiques pour Hôpital neuchâtelois : abandon des soins intensifs à CDF, gel des investissements à CDF. SeulEs les députéEs POP et PS de CDF sont unanimes à avoir voté NON à ce démantèlement ! Les autres partis révèlent des … grands écarts déchirants ! A noter que Jean-Charles Legrix, alors conseiller communal, s’abstient lors de ce vote.
Le 17 décembre 2015 paraît une lettre ouverte envoyée au conseil d’administration d’Hôpital neuchâtelois, aux autorités médicales et politiques, ainsi qu’à la population par d’anciens médecins et un Professeur de l’hôpital de La Chaux-de-Fonds, les docteurs Wacker, Indervildi, Kocher et de Torrenté. Avec leur expérience, ces derniers avaient, notamment, rendu possible que cet hôpital soit un des meilleurs sites de formation de médecins en Suisse. Ils dénoncent les mauvaises conditions de sécurité sur le site.
Le 6 janvier 2016, je publie un article répondant au directeur médical de Hne, Bernard Vermeulen. Dans un entretien à Canal Alpha, il rendait responsables les gens du Haut (notamment les docteurs de Torrenté et Inderwildi) de la difficulté de recrutement du personnel hospitalier pour l’hôpital de La Chaux-de-Fonds. Il franchissait là un cap dans l’arrogance et la mauvaise foi.
Le 4 février 2016, je préside pour la première fois le Conseil général de La Chaux-de-Fonds qui adopte à l’unanimité une motion demandant au Conseil communal d’étudier si la sécurité sanitaire est assuré sur le site du Haut.
Le 19 mars 2016, avec ma collègue Françoise Casciotta, présidente du Conseil général du Locle, nous participons à la grande manifestation sur le Pod et la place de la Gare, la plus importante dans les Montagnes depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les 4000 concitoyenNEs étaient-ils habités par des « considérations régionalistes étroites » pour défendre leur hôpital? Non, car à leur large dignité, leur grande colère, leurs vastes attentes depuis 15 ans, on répondait depuis une année par l’étroitesse d’esprit unilatérale qui caractérisait le dogmatisme et la suffisance !
Le 23 mars 2016, dans une stricte neutralité, j’accueille, lors d’une séance d’information aux éluEs, les directeurs général et médical de Hne, ainsi que les médecins chefs responsables des soins intensifs, de l’anesthésiologie, des urgences et des soins infirmiers. A posteriori, je peux affirmer que ces personnes ne nous ont pas du tout convaincus.
Le 7 juillet 2016, Laurent Kurth, première grave erreur avant celle du 10 janvier 2017, fait une conférence de presse apparemment adroite qui révèle, en fait, sa faiblesse de communication. Dans un article qui sera partagé de nouveau intensément au mois de janvier, je note qu’il il développe une position proche des casuistes, ces ecclésiastiques, souvent jésuites, qui justifient le mal par les bonnes intentions avec lequel ils le font. Cette légèreté sera prise pour de l’arrogance ou de la maladresse de communication.
Le 7 septembre 2016, ne voilà-t-il pas que Jean Studer, président du Conseil de la BNS et ex-conseiller d’Etat neuchâtelois, vient faire le ponte dans Forum sur La Première, à propos de « ce » canton qui traverse une période difficile, notamment en raison de ses finances. Il y critique son conservatisme, son régionalisme et son clientélisme. Il aurait mieux fait de se taire car cette interview a crispé les positions et même mis mal à l’aise le gouvernement selon mes sources.
Le 9 septembre 2016, c’est le dépôt de l’initiative qui a gagné le 12 février 2017. Intitulée « Pour deux hôpitaux sûrs, autonomes et complémentaires » elle demande que le canton de Neuchâtel assure la présence d’un site hospitalier de soins aigus, associé à un CTR, dans chacune des deux agglomérations du canton, soit sur le Littoral et dans les Montagnes. Chacun des sites devra être autonome d’un point de vue financier, décisionnel et stratégique. Les deux hôpitaux devront travailler en synergie mais comprendront au minimum des urgences médico-chirurgicales 24h/24, un service de médecine avec soins intensifs, un service de chirurgie, des blocs opératoires ouverts 24h/24 et une équipe d’anesthésie disponible en permanence.
Le 29 octobre 2016, Bernard Vermeulen refait des siennes. Le médecin-chef de HNe invite les médecins-cadres de HNe à manifester devant le Château mardi avant la session parlementaire. C’est comme si mon directeur de lycée m’invitait à manifester pour défendre la formation, avec consignes de déguisement ! Il y a confusion des rôles et transgression de la fonction de la part de cet homme qui a manque de clairvoyance communicationnelle tout au long de ces deux années.
Le 2 novembre 2016, le Grand Conseil vote sur le contreprojet. Après des amendements, il y a l’assurance que la nouvelle planification hospitalière commencera par la construction d’un centre de traitement et de réadaptation à La Chaux-de-Fonds. Le Haut devrait pouvoir mieux vivre, pensé-je un peu naïvement avant de tomber sur l’image filmée par Canal Alpha, que beaucoup trouveront maladroite, voire indécente : Laurent Kurth et Pauline de Vos Bolay qui s’embrassent de joie après la séance-marathon.
Le 5 décembre 2016, c’est la monumentale bourde de Philippe Bolla, directeur général de HNe. On tombe à la renverse quand on apprend qu’il a informé vendredi 3 décembre la conseillère communale chaux-de-fonnière Katia Babey, en charge de la santé, pour la déclarer persona non grata en vue de l’inauguration du sapin de Noël de trois associations d’entraide, le vendredi 9 décembre, à l’Hôpital de La Chaux-de-Fonds. Mon article demande sa démission, qui sera annoncée plus tard pour fin février…
Le 10 janvier 2017, par la voix de Laurent Kurth, les autorités cantonales présentent leur campagne sur l’avenir de l’hôpital neuchâtelois. Le discours de mon camarade ministre est sa seconde grande erreur de communication après celle de juillet 2016. Il repose sur une question de fond : « revenir à l’hôpital de notre enfance » ou « construire l’hôpital de nos enfants » ? Une fois de plus, la rhétorique utilisée renvoie les partisans de deux sites de soins aigus à des passéistes, des nostalgiques et des attardés. Je lui réponds par une lettre ouverte qui se demande si ce n’est pas, au contraire, sur les fleurons de notre enfance qu’on peut construire l’avenir.
Le 16 janvier 2017, le grand débat sur la Radio romande sur l’avenir hospitalier : deux partisans de l’initiative très convaincants, Théo Bregnard, conseiller communal et Claude-André Moser face à un emprunté Laurent Kurth et un spécialiste sur orbite, difficilement compréhensible, Bertrand Kiefer. C’est le débat qui devait faire prendre aux citoyens du Bas, notamment, que le contreprojet du gouvernement n’est pas si fort qu’il le proclame. Ce fut un moment clé de la campagne.
Le 20 janvier 2017, je publie un article qui aura un fort retentissement, avec près de 1500 lectures. Je donne la parole à des collaborateurs de Hne partisans de l’initiative pour deux hôpitaux de soins aigus et muselés par leur employeur. Ils ont l’interdiction de s’exprimer publiquement à visage découvert. C’est pourquoi je les ai invités chez moi, sous le sceau du secret.
Le 22 janvier 2017, une bonne centaine de personnalités politiques du Haut posent pour une photo de soutien à l’initiative qui paraît dans le journal local le 27 janvier. Nous étions contents d’être sur cette photo. Nous étions pour l’instant minoritaires en personnes, en moyens et en réseaux d’influence. Mais je le disais aussi, l’argument d’autorité est le pire : « c’est vrai parce que des personnalités le pensent ». Les citoyenNEs de notre République sont assez grandEs pour trancher par eux-elles-mêmes ou eux-mêmes sur deux projets, deux visions du monde : proximité-mesure VS concentration-gigantisme ! Il restait 15 jours pour bien réfléchir.
Le 29 janvier 2017, je publie pour celles et ceux qui hésitent encore, un dernier article avec deux arguments rationnels puissants pour faire pencher le vote en faveur de l’initiative, l’argument social et l’argument économique. Ma synthèse est tirée, souvent aux mots près, de deux récents articles de Nicolas Babey et Armin Kapetanovic, député socialiste dépité notamment par l’attitude son propre parti. Il a démissionné et se représentera le 2 avril sous les couleurs du POP.
Le 9 février 2017, dernière tuile pour Hne : le médecin engagé l’été dernier pour diriger le service de gastro-entérologie est dans l’incapacité de pratiquer. En cause: la difficulté à faire reconnaître ses diplômes étrangers.
Finalement, le 12 février 2017, c’est le vote qui amène une surprise et une grande joie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : d’habitude les Chaux-de-Fonniers votent 5 points en moyenne de moins que le canton. Ce jour-là 3 points de plus ! Et des écarts tellement spectaculaires qu’ils ont mis à terre la pensée unique. C’est le prix à payer pour deux ans d’arrogance technocratique que nous avons inlassablement mise en évidence et dénoncée depuis janvier 2015 dans ce blog. C’est aussi un vote-sanction contre la volonté d’assécher le Haut de ses infrastructures et de déséquilibrer les investissements cantonaux.
Terminons par un florilège des meilleurs moments de l’après-midi vécue dans l’attente des résultats à la Brasserie de la Fontaine à La Chaux-de-Fonds, suivi du sujet du 19 30 à la RTS.
Le 29 novembre 2016, j’avais publié sur Facebook, cette phrase aujourd’hui prémonitoire de Antonio Muñoz Molina : « Rien n’est si solide qu’il ne puisse s’évaporer dès demain. Rien n’est si invraisemblable qu’il ne puisse survenir, et nous n’avons pas la moindre idée de ce que l’avenir nous réserve dans les prochains jours, pas plus que nous n’avons confiance dans l’idée que s’en font les prétendus experts qui vaticinent sur tout et se trompent sur tout, mais qui pourtant continuent de prophétiser avec la même assurance. Je veux aujourd’hui témoigner de ce qu’est le présent pour savoir avec certitude, quand un certain temps se sera écoulé, combien de choses j’avais comprises alors qu’elles survenaient, pour ne pas projeter sur ce passé une connaissance qui n’appartiendra qu’à celui que je serai demain, non à celui que je suis aujourd’hui » .
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