Giovanni Spoletini, gynécologue, député socialiste de La Chaux-de-Fonds toujours le mieux élu depuis trois législatures, représente ce que devrait être un vrai socialiste chaux-de-fonnier : une mémoire et une conscience sociales. Je lui donne amicalement la parole dans mon blog, lui qui fut depuis le début au coeur de toutes les errances d’Hôpital neuchâtelois.
Quelques remarques et considérations à propos des derniers développements et prises de position du Conseil d’État, concernant la réforme hospitalière
« Hôpital neuchâtelois »
Je ne conteste pas que la question soit délicate et difficile à résoudre, dès le début, pour tout le monde indépendamment même de notre orientation politique. Je ne peux que constater, tout de même, les contradictions gigantesques du PS sur le fond et la forme de cette restructuration.
Procédant ainsi, il trahit toute sa base sur laquelle il prétendrait encore s’appuyer !
Le Parti socialiste est né d’une rupture et d’une lutte de classe collective, et non pas d’un cénacle élargi d’oligarques professionnels paternalistes et soi-disant bienveillants envers un petit peuple constamment besogneux d’un tuteur. L’ère de l’illettrisme et de l’ignorance de masse remonte à l’époque prérévolutionnaire !
Les leaders socialistes du 19ème et du 20ème siècle ont construit en agissant et en luttant avec, et en faveur, des masses déshéritées des humbles, parfois durement, contre les tenants nantis et exclusifs de l’ancien régime. Il a fallu une révolution pour changer la donne et instaurer un régime républicain au Pays de Neuchâtel. Les idéaux de cette révolution, à plus d’un siècle et demi, ne sont pas encore parfaits.
On était loin, alors, des embrassades et des tutoiements hypocrites que nous vivons aujourd’hui dans le parlement neuchâtelois (ainsi que dans tous les parlements de l’Europe démocratique, d’ailleurs).
Le parti socialiste, à force de jouer cette politique consensuelle, a fini par y laisser son âme.
Selon leur « moderne » méthode de travail, nos ministres agissent en pure autarcie, pour ne pas dire en catimini, avec une élite de « conseillers » de leur choix, sans la moindre consultation préalable des militants les plus concernés et parfaitement inconnus aux membres de base du parti ; ceci, sans jamais en référer aux assemblées des camarades, sinon à décisions arrêtées. Quel gâchis, dans le seul parti qui a la chance de compter encore de nombreux représentants de milice pure, de diverses professions et corps de métiers, du secteur public et privé, engagés par passion et convictions politiques désintéressées.
C’est le cas, et particulièrement le cas, dans le secteur de la santé publique !
Comment ont agi nos ministres de la santé depuis plusieurs législatures ? Seuls, ou presque : les conseillers spécialistes « embarqués », que ce soit dans les lignes directrices fondamentales des réformes et/ou dans leurs mise en application pratique, ont été pour la plupart des professionnels libéraux, gourous des réformes, souvent étrangers au domaine médical, sans dire étrangers au territoire même. Des économistes prescrivant au monde hospitalier les lois du marché financier, des doctes pseudo-spécialistes imbus de leurs doctrines, « techniciens » désireux d’appliquer leurs théories et leurs modèles stéréotypés, clairement inadaptés à notre espace démographique et géographique et hors du contrôle des pouvoirs politiques, dont nous socialistes, en particulier, avons assumé la responsabilité, par mandat du peuple, dans le canton de Neuchâtel.
Nous étions pourtant nombreux, et depuis longue date, à [très] bien connaître notre secteur hospitalier, et ses problèmes, et ses raisonnables aspirations d’avenir ! J’en cite quelques un/e/s : Marina Giovannini, le Dr Souhail Latrèche, Marianne Guillaume-Gentil, Christine Fischer, Sylviane Méreaux, Jean-François Beraneck, votre camarade ci-soussigné, docteur sans valeur ajoutée, et ceux que j’ai omis de citer me pardonnent.
Durant ces longues années d’interminables discussions, se révélant trop souvent stériles, ou contreproductives, pour ne pas dire aux issues désastreuses, c’est tout juste si on nous a, parfois, concédé la grâce d’avancer la moindre petite suggestion [qualifiée ] à nos ministres !
Presque toujours la grande majorité des décisions a été prise en dehors de notre milieu. Pire encore, on a politiquement décidé de confier un des secteurs fondamentaux de l’État et du secteur public, à un Conseil d’administration et à une Direction générale qui se sont comportés comme au sein d’une entreprise privée, ne devant rendre de comptes à personne. Ce système managérial, politiquement inacceptable sous le label de « socialiste », a pu se produire parce qu’une considérable part de ce parti a été d’accord et a même largement contribué à cette façon de procéder !
On a graduellement et sciemment démantelé, sans sérieuse programmation, de façon fourbe et malhonnête, un ancien système solidement structuré, celui de l’Hôpital de La Chaux-de-Fonds, parfaitement viable, améliorable et perfectible, certes, comme toute chose, mais économiquement rentable, ce qui n’est pas secondaire, dans l’air du temps…
Le Canton de Neuchâtel a réussi à démanteler un des meilleurs hôpitaux de Suisse romande : son hôpital des Montagnes !
Un incompréhensible sabordage obtenu par le véritable lynchage moral de dizaines de vaillants collaborateurs, hommes et femmes, avec des méthodes indignes d’une démocratie, au vu et au su de notre parti qui, honteux et complice, n’a pu réagir qu’en sourdine, du bout des lèvres ! Et quand certains camarades ont tenté d’intervenir, en affirmant au moins le misérable résiduel des principes socialistes, en dénonçant enfin ces méthodes délétères dans une conférence de presse (sic : une conférence de presse ! c’est ce qu’il a fallu, pour donner de la voix !) en 2009, le parti s’est brisé en deux ! En deux ! Comme les deux régions, du Haut et du Bas, que le projet du Réseau Urbain Neuchâtelois voulait mettre en valeur, en réunion synergique, sans en effacer les caractéristiques propres à chacune.
Qu’en savaient donc, du RUN, les irresponsables du Conseil d’administration et le Directeur général, le docteur ès sciences, Pascal Rubin ? Lui, le timonier offensé par la tenue des “Quartiers généraux de la santé“ voulus par le Parlement neuchâtelois, faisant suite à la gestion opaque des réformes dont il assumait la conduite avec le premier Conseil d’administration présidé par M. Jean-Pierre Authier. Il a quitté en premier le bateau lorsqu’il a commencé périlleusement à tanguer. Que comprenaient-ils du RUN ? Strictement rien : pour eux, ce projet n’a été qu’une source de continuels ricanements. Pourtant ce projet socialiste a mobilisé nos énergies pendant plus de deux législatures.
Echec après échec et, surtout, après les graves erreurs de cette restructuration ratée, notre secteur public perd des centaines de patient/e/s au profit du secteur privé, en remarquable essor, tendance qui s’affirme de plus belle !
Une partie de la maternité et gynécologie des Montagnes neuchâteloises s’est transférée à St-Imier, vers l’aire géographique d’échanges rapprochés cohérente et naturelle qui est celle du pôle urbain des villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle. De même a été transférée vers l’hôpital de St-Imier une partie de la chirurgie, car certains médecins en charge, à La Chaux-de-Fonds, n’étaient pas une valeur ajoutée pour Hôpital Neuchâtelois ! Texto.
Cette justification officielle a été publiée, à l’époque des différends, dans un communiqué de presse émis par M. Pascal Rubin, ancien directeur général et M. Jean-Pierre Authier, ancien président du Conseil d’administration. Ces deux déplorables personnages ont encore de nombreux admirateurs et chers amis dans notre parti.
L’ophtalmologie a, presque toute, migré dans le secteur privé.
Camarade Kurth, il n’est pas vraiment opportun de mettre en concurrence deux pôles privés : la Providence et une nouvelle clinique ophtalmologique en pleine ville de Neuchâtel ! Un pôle privé suffit amplement, avec au moins, et en tout cas, un pôle dans le secteur public !
Il y aura certainement des raisons régissant tel choix peu édifiant, selon le point de vue qui devrait être le nôtre ; raisons que probablement nous ignorons, mais justement là : concertation et intelligence collective, devraient indiquer la meilleure voie en faveur du secteur public, à éviter des décisions hâtives et trop souvent bâclées.
Après la série de péripéties plus ou moins annoncées, nous aboutissons à la décision et au communiqué du Conseil d’État, le 20 janvier. Si je me souviens bien, en janvier 2008, le Conseil d’État avait bien décidé l’implantation du secteur mère-enfant à La Chaux-de-Fonds, à l’horizon de 2015 !
On a dit réforme difficile ; certainement. Hôpital en crise et sans le sou ; certainement.
Beaucoup d’argent gaspillé à vide, aussi. Les décisions prises il y a juste quelques mois qui confirmaient les options stratégiques pourtant discutées au Parlement et validées en votation populaire sont déjà remises en cause. Cette réalisation, non idéale, même provisoire, c’est à dire à moyen terme, mais le moyen terme en stratégie médicale c’est 15 à 20 ans, a été discutée par des médecins sérieux attachés au secteur public, serait possible. Elle permettrait de garder dans ce secteur une structure fonctionnelle qui risque aussi de partir vers le secteur privé et de garder l’hôpital de La Chaux-de-Fonds debout. Tout autre choix bloque tout projet pour au moins les 20 prochaines années.
L’erreur fondamentale a été le transfert de la pédiatrie, de la maternité et de la gynécologie à Pourtalès. L’hôpital de la Chaux-de-Fonds possédait trois bons services, en nette croissance pour la maternité et la gynécologie. Le service de pédiatrie aurait pu être maintenu et amélioré. Ce choix a été fait hâtivement, sans profonde et nécessaire réflexion. La Direction a exclu des groupes de travail qui ont pris cette décision, les médecins les plus attachés au maintien et développement du secteur public ; comme tous les pédiatres adjoints du service et pour la maternité et gynécologie les deux seuls médecins licenciés par Hôpital neuchâtelois, le Dr Patrick Cornu et moi-même. Le jour avant d’avaliser moi-même cette décision par discipline de parti, ce que je regrette aujourd’hui, j’ai appelé M. Laurent Kurth, alors Conseiller communal de la Ville de La Chaux-de-Fonds pour lui faire part de mes craintes et profond malaise de réunir, à ce moment-là, les deux maternités cantonales restantes dans un centre mère-enfant unifié. Cette réalisation allait priver un des deux hôpitaux de soins aigus d’un des 4 piliers fondamentaux, garants de la meilleure cohérence médicale possible ! La réponse de Laurent a été celle de rester attentifs et finalement d’aller de l’avant. Ce que d’ailleurs je ne lui reproche pas. Par la suite constatant le démantèlement appliqué sournoisement à tous les services de l’hôpital, par la Direction, j’ai demandé d’être reçu par le groupe de travail interpartis qui essayait de défendre le site chaux-de-fonnier et j’ai proposé la maintien de la gynécologie et de maternité, proposition non retenue par ce groupe, ni par les autorités communales qui y participaient. Je reste persuadé que la décision de réunir les services de la maternité et gynécologie ainsi que la pédiatrie aurait du faire part de la réflexion globale sur la réalisation d’un site unique et non réalisée en premier. Cette restructuration n’a d’ailleurs, à mon avis, amené à aucune économie financière. Nous sommes depuis cette décision hâtive dans une impasse médicale pour les prochaines 20 années. Nous avons une solution intermédiaire acceptable, non idéale, mais aucune ne peut être idéale actuellement. Il fallait un effort d’investissement qui de toute façon serait utile, même pour la transformation de l’hôpital de La Chaux-de-Fonds en unique site de réadaptation ! Le problème aussi fondamental qui se pose au gouvernement et donc à notre ministre Laurent Kurth, c’est la totale opposition à l’application de la solution intermédiaire, d’une partie importante des médecins de Pourtalès.
La plupart d’entre eux sont resté en place, au contraire de nombreux médecins de l’hôpital de la Chaux-de-Fonds, dégoûtés ou licenciés par les méthodes de travail de la Direction d’HNe sont déjà partis. Ces raisons doivent aussi être évoquées. Malheureusement il n’y a aucune solution à ce problème si la Direction actuelle reste en place.
Les dernières propositions relatées dans la presse de collaborer avec les cliniques privées renforcent ce secteur au détriment de celui public. Je constate que notre gouvernement, à majorité socialiste, cède avec une certaine désinvolture à cette tendance.
Sans vouloir [encore, je l’espère] mettre en doute la volonté sincère de bien faire, ces méthodes de travail adoptées conduisent le PS tout droit à sa perte. Plus rien ne nous différencie dans la pratique politique des partis de droite que nous avons la prétention de contrer.
Et ce canton qui, avec le projet du RUN mal soutenu auprès de la population, aurait pu enfin devenir une république plus équitable, reste désespérément boiteux. Et le PS soi-disant progressiste, encore et toujours tributaire d’une mentalité conservatrice de retour, jamais extirpée, et à ses pratiques d’Ancien régime.
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