Oui, Laurent Kurth, on peut construire l’avenir avec les fleurons de notre enfance !


Par la voix de Laurent Kurth, les autorités cantonales ont présenté le 10 janvier leur campagne sur l’avenir de l’hôpital neuchâtelois. Le discours de mon camarade ministre repose sur une question de fond : « revenir à l’hôpital de notre enfance » ou « construire l’hôpital de nos enfants » ? Une fois de plus, la rhétorique utilisée renvoie les partisans de deux sites de soins aigus à des passéistes, des nostalgiques et des attardés. Et si, cher Laurent, c’était sur les fleurons de notre enfance qu’on devait construire l’avenir ?

 

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Ta vision est d’ailleurs assez semblable à celle de ton prédécesseur aux finances, Jean Studer, qui du haut de sa très grande expérience, voyait le 8 septembre trois maux dans notre canton : le conservatisme, le régionalisme et le clientélisme.

Vous avez les deux un art des formules qui, je le crains, ne produise l’effet inverse qu’on devrait rechercher dans notre République. Comment la construire sans penser que vous avez la vérité infuse et que les citoyens sceptiques n’activent que leur émotionalité ?

Sur toute une série de thèmes de débats cantonaux, je m’avoue « conservatiste » et « régionaliste ». Tant pis pour les centralisateurs jacobins ! Certains autres de mes camarades et moi sommes même traités en sous-main de participer à des débats « de droite » en défendant en particulier les autorités des villes de notre région qui s’opposent à tes projets. En privilégiant dans notre vision du monde et de la République ce que j’appellerais les « fleurons de notre enfance ».

Les fleurons du passé, ce sont les éléments multiples qui tissent, avec leur excellence propre, les liens de proximité entre nous et notre espace géographique et social.

L’hôpital de La Chaux-de-Fonds a ainsi été le fleuron « de notre enfance« . Beaucoup y sont nés, y ont été opérés ou ont vu leur vie sauvée in extremis ; encore récemment en juin 2015, la présence des soins intensifs de proximité a permis de sauver un de mes proches qui serait mort avec 20 minutes de plus d’attente. Je tombe très vite, diras-tu, dans l’émotionnel de bas étage ; d’autres que moi ont pourtant mieux dit comment notre hôpital a été démantelé depuis 10 ans.

Notre espace commun à tous est d’abord, conviens-en, la République « de notre enfance« . Si nous en sommes de surcroît ses enfants, c’est parce qu’elle ne peut naître et se régénérer sans son socle fondamental, sa Constitution. Celle-ci, dans son article 5, stipule que « Dans les limites de leurs compétences et en complément de l’initiative et de la responsabilité des autres collectivités et des particuliers, l’Etat et les communes assument les tâches que la loi leur confie, notamment la protection de la liberté des personnes; le maintien de la sécurité et de l’ordre public; l’instruction et la formation, scolaire et professionnelle, ainsi que la formation des adultes; l’accueil et l’intégration des étrangères et des étrangers, ainsi que la protection des minorités; la promotion et la sauvegarde de la santé; le développement de l’économie, ainsi que le maintien et la création d’emplois; l’équilibre entre les régions, ainsi que la collaboration et la péréquation financière intercommunales.” Je crois que la sauvegarde de la santé peut s’effectuer mieux avec deux hôpitaux équilibrés. Tu penses le contraire mais je refuse le reproche du retour à l’enfance sur ce point. Sinon alors il n’y aurait qu’une manière de comprendre la constitution.

 

Et je pourrais te parler des liens sociaux « de notre enfance » qui font de nos villes du Haut des laboratoires de tolérance, d’ouverture sans chichis et de franc-parler. L’arrogance technocratique de l’équipe de Hne ne cassera pas l’esprit de ces milliers de citoyens qui ont défilé par deux fois sur le Pod.

De l’horlogerie de “notre enfance”, fleuron du patrimoine industriel vivant parce qu’il conserve les gestes et les techniques ancestraux avec l’aide des technologies les plus pointues.

Des villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds “de notre enfance” qui, fleurons urbanistiques, sont inscrites, par ton action notamment, au patrimoine mondial de l’Unesco. Et ainsi protégées d’un développement qui les dénatureraient et leur feraient perdre le plaisir que nous éprouvons tous les jours à y vivre.

Des crêtes et de la rivière “de notre enfance”, fleurons de nos loisirs et nos espaces de liberté, hélas avec un Doubs pollué et un Mont-Racine qui se couvrira d’éoliennes. Altération de la belle proximité des promeneurs avec la nature préservée.

De l’école de “notre enfance”, fleuron de l’humanisme, qui peine aujourd’hui à combattre l’idéologie utilitariste. Une école où on n’apprend par seulement à lire, écrire, calculer et s’insérer dans le tissu économique mais aussi à penser, créer et rêver.

Des petits commerces de “notre enfance”, fleurons du fragile tissu de proximité locale. Par exemples, les librairies Wille, Luthi et Coopérative de mon enfance à moi, maintenant relayées par la Méridienne et Apostrophes pour résister contre les amazones fnaquiennes. Ou les marchands du mercredi et samedi sur la place du Marché, grâce auxquels nous luttons contre la malbouffe industrielle.

Des théâtres, musées, salles de musique, fleurons culturels de “notre enfance”, résistant, justement, contre la pensée unique tant qu’on ne calculera pas leur nécessité d’exister en fonction de leur unique rentabilité.

 

Tu l’as compris, je ne suis pas le seul à être “conservatiste” et “régionaliste”, tout de gauche que je pense être. Le danger qui me guette, concluras-tu, est le “syndrome du trou”, l’esprit de clocher qui refuse l’ouverture à un monde qui lui fait peur. Certes mais je refuse de m’ouvrir à n’importe quel monde, celui nous arrache aux mondes « de notre enfance”. Qui nous déracine, nous uniformise et nous globalise, qui nous dépossède de la maîtrise de notre avenir.

Qui, paradoxalement, nous fait moins nous ouvrir aux autres comme nous savons si bien le faire dans nos Montagnes …

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