Nommé plus intéressant musée européen 2020 pour la qualité de ses expositions, le Stapferhaus de Lenzburg nous fait découvrir de manière rigoureuse et ludique la problématique du genre à laquelle j’ai consacré plusieurs articles depuis 2016.
Celui-ci est dédié à mes camarades socialistes neuchâtelois qui se sont en vain battus pour une conception étriquée de la parité sur les listes électorales du Grand Conseil. Leur sidérant argument l’an passé, dans une réponse publique à mes critiques, était que « revendiquer le statut de binaire est impossible car l’état-civil ne reconnaît pas le statut de personne transgenre ». Le POP proposait de laisser un 10 % de marge destiné à favoriser l’accès de personnes se définissant ainsi.
Cette position socialiste, philosophiquement conservatrice et habitée par l’opinion qu’il n’existe que des hommes et des femmes, va de pair avec plusieurs décisions survenues depuis 2016 dans notre bonne Métropole horlogère « de gauche ».
Organiser le bal de fin d’études 2016 pour des « demoiselles » et des « messieurs », choisir plusieurs hommes plutôt que des femmes comme responsables de services communaux mis au concours depuis 2018, se retrouver en 2020 avec un Conseil communal flanqué d’un chancelier et d’un communicateur tous masculins, semble incongru, surtout ces toutes dernières années où les questions de genre sont devenues sensibles. Le corps électoral des Montagnes a heureusement rectifié le tir en avril 2021 par l’envoi au Château de nombreuses députées.
Comment ne pas tomber à la renverse à l’écoute de femmes candidates à certains postes de chef.fe.s de service ! « Comment voyez-vous votre avenir familial ? » a-t-on demandé à l’une, finalement non retenue. « Vous avez trop d’idées », a-t-on expliqué à une autre après son second entretien et en compétition avec un candidat « posé » qui a décroché la timbale.
Ces anecdotes d’un autre âge auraient pu figurer dans la grande salle circulaire du Stapferhaus qui décrit l’histoire des rapports hommes-femmes depuis la Préhistoire dans une exposition intitulée Geschlecht – jetzt Entdecken (Sexe-genre, découvrir maintenant ). Pouvoirs économiques, politiques, sociaux, sexuels et amoureux tracent des dizaines de siècles « genrés ». Chaque thème est traité sur le modèle des images ci-dessous, avec des cercles textuels en trois langues accompagnés de quelques objets ou images significatifs.



Avant de pénétrer dans cette salle à la remarquable muséographie moderne, pointue mais accessible, on aura vu un film explorant la problématique sous l’angle biologique et passé par une salle toute bleue remplie d’objets et d’images pour les garçons ou une autre toute rose…

Autour de la grande salle, des alvéoles interactives permettent d’écouter des universitaires spécialistes de domaines spécifiques (dont le sport), de mesurer les écarts hommes-femmes dans différentes statistiques, d’entendre des réponses à des questions sexologiques, de jouer à s’asseoir, marcher ou se vernir les ongles. Et surtout de se confronter visuellement à sept témoignages poignants de personnes racontant leurs parcours de vie : une mère de famille maintenant mariée à une compagne, une autre transgenre, un drag-queen septuagénaire, un homme qui assume seul l’éducation de son enfant, et d’autres.



Au sous-sol, un montage filmique subtil nous confronte à des réponses de multiples personnes sur leur genre.

Trois heures au moins sont nécessaires pour vivre cette expérience muséale d’un nouveau genre, dont, en son temps, le musée d’ethnographie de Neuchâtel avait tracé les voies. Les différences entre l’esprit romand (parfois superficiel et verbeux) et l’esprit alémanique (rigoureux, vivant et accessible, voire ludique) est patent. Les meilleures expositions historiques de ces dernières années (Mai 68 et 50 ans de femmes sous la Coupole au Musée d’histoire de Berne; et celle-ci à Lenzbourg en Argovie !) nous viennent d’Outre-Sarine pour notre plus grand bonheur intellectuel et émotionnel.
Et si, chères et chers camarades, vous passez aux toilettes après votre visite au Stapferhaus, vous ne devrez pas entrer dans l’espace « femmes », l’espace « homme » ou l’espace « für alle » avec votre carte d’identité mais selon le choix libre que vous aurez de vous définir comme femme, homme ou ni homme ni femme !
