Toute sa vie Aldo a contemplé de sa tour un des paysages les plus emblématiques de l’Occident, la baie de Naples. La terre, la mer et le ciel ont été le miroir de cet homme, dans lequel il se voyait, sans s’en glorifier, comme l’héritier de deux millénaires de civilisation. Réciproquement, ce paysage, telle une pellicule de film, garde pour l’éternité les images de ceux qui l’ont contemplé.
De l’autre côté de la baie, en face de la tour d’Aldo, Pline le Jeune a décrit, du cap Misène, l’éruption du Vésuve le 24 août 79 :
C. Plinius Tacito suo s.
Nec multo post illa nubes descendere in terras, operire maria : cinxerat Capreas et absconderat. Miseni quod procurrit abstulerat. Tum mater orare, hortari, jubere, quoquo modo fugerem : posse enim juvenem, se et annis et corpore gravem bene morituram, si mihi causa mortis non fuisset. Ego contra (dixi), salvum me nisi una non futurum. Dein manum ejus amplexus adderre gradum cogo. Paret aegre incusatque se, quod me moretur. Jam cinis, adhuc tamen rarus. Respicio : densa caligo tergis imminebat, quae nos torrentis modo infusa terrae sequebatur.
« Deflectamus » inquam « dum videmus, ne in via strati comitantium turba in tenebris obteramur. » Vix consederamus, et nox, non qualis illunis aut nubila, sed qualis in locis clausis lumine exstincto. Audires ululatus feminarum, infantium quiritatus, clamores virorum : alii parentes, alii liberos, alii conjuges vocibus requirebant, vocibus noscitabant ; hi suum casum, illi suorum miserabantur : erant qui metu mortis mortem precarentur…
« Pline à son cher ami Tacite, salut !
Peu de temps après, la nuée descendait sur la terre, couvrait la mer : elle avait enveloppé et dérobé Capri, caché la pointe qui s’avance à Misène. Alors ma mère se mit à me prier, à m’exhorter, à m’ordonner de fuir à tout prix ; un jeune homme pouvait le faire, mais elle était alourdie par l’âge et l’embonpoint ; sa mort serait douce si elle n’était pas cause de la mienne ; je lui répondis que je ne me sauverais qu’avec elle. Puis je saisis son bras et je la force à doubler le pas. Elle le fait difficilement et s’accuse de me retarder. À ce moment, de la cendre, mais encore peu serrée ; je me retourne : une traînée noire et épaisse s’avançait sur nous par derrière, semblable à un torrent qui aurait coulé sur le sol à notre suite.
« Quittons le chemin, dis-je, pendant qu’il fait encore clair, de peur de tomber sur le passage et d’être écrasés sous les pas de nos compagnons dans les ténèbres. » À peine étions-nous assis et voici la nuit, comme on l’a, non point en l’absence de la lune et par temps nuageux, mais bien dans une chambre fermée, toute lumière éteinte. On entendait les gémissements des femmes, les vagissements des bébés, les cris des hommes ; les uns cherchaient de la voix leur père et leur mère, les autres leurs enfants, les autres leurs femmes, tâchaient de les reconnaître à la voix. Certains déploraient leur malheur à eux, d’autres celui des leurs. Il y en avait qui, par frayeur de la mort, appelaient la mort…
Ce texte célèbre, lu au cours de latin vers quinze ans, témoigne de cette tragédie. Le Vésuve garde ainsi en lui la mémoire de Pline, la baie de Naples celle de Goethe, la cité parténopéenne celle des mille peintres, musiciens, poètes, femmes et hommes qui l’ont chantée ou simplement eue chaque jour devant les yeux.
Vivre devant ce paysage, la tête haute, rend fier d’être homme, heureux d’être le sujet d’une harmonie et d’une douceur de vivre qui ont tant plu aux Romains. Pompéi, Herculanum et Baia, la cité balnéraire, témoignent, comme nuls autres vestiges, de cette civilisation aucunement disparue puisqu’elle se perpétue dans les hommes d’aujourd’hui qui vivent quotidiennement dans ces territoires ancestraux.
Ils s’en imprègnent dans toutes leurs actions, leurs paroles, leurs loisirs et leurs passions. Ils cultivent la terre fertile, sont des hôtes exquis, se baignent dans la mer et connaissent leur histoire et leur culture qu’ils aiment à faire découvrir.
Aldo était de ceux-là quand il servait le petit déjeuner sur sa terrasse mythique, quand il nous faisait monter sur sa tour pour embrasser le monde.
Il cultivait ses citrons et ses oliviers dans son paradis, aimait à se baigner le 1er novembre dans la baie de Ieranto, chérissait la chanson napolitaine, le Caravage et les fresques de la villa des Mystères.
Mais surtout sa tour du seizième siècle conçue pour se protéger des Sarrasins et qui a appartenu depuis à sa famille, la Torre Cangiani. Il l’avait, avec sa femme Matilde et ses enfants, réaménagée de manière simple mais sophistiquée, notamment pour les hôtes de leur agritourisme. Cette tour qu’on voit à la jumelle de toute la baie de Naples, de Pompéi, de la Chartreuse de San Martino, de Baie, de Capri…
Disparu le 17 juillet, Aldo ne reste pas seulement dans nos mémoires. Il s’est inscrit pour toujours dans le paysage qu’il contemplait chaque jour, paysage qui garde en lui la trace éternelle de ceux qui y vivaient.
Traduzione Google :
Aldo nella sua torre