Dans le quartier le plus populaire et le plus vivant du centre de Naples hors du centre historique, la Sanità, se trouve une inégalable pizzeria-friggitoria, celle de Ciro Oliva, un jeune chef qui travaille avec les meilleurs produits de la région.
Manger Da Concettina ai Tre Santi ne se conçoit pas sans être sensible à l’histoire du local et du quartier. Dans ce borgo de la Sanità toujours très populaire, au nord du Musée archéologique, se trouve la basilique de Santa Maria della Sanità d’où l’on visite les catacombes paléochrétiennes de San Gaudosio. Certains fameux palais napolitains de l’architecte baroque Sanfelice s’y trouvent dans un état de conservation précaire.
La vie actuelle dans cette partie de Naples est particulièrement rendue difficile par la détérioration des services publics : des écoles sans moyens d’investissements, suppression récente des urgences dans l’hôpital le plus proche !
Après la guerre de 39-45, Concettina Flessigno Oliva, l’arrière-grand-mère, arrondissait les fins de mois de la famille en proposant aux habitants du quartier des fritures et pizzas qu’elle façonnait dans son basso, son appartement au niveau de la rue, tout à côté d’un édicule votif consacré à San Vicenzo, Santa Anna et Sant’Alfonso, les Tre Santi. Un petit commerce s’ouvrit dont Ciro est le successeur de la quatrième génération.
Du respect du passé naît le futur, telle pourrait être sa devise. La rue ne paie pas de mine mais à Naples du commun naissent les miracles.
Une partie du commerce est consacré à la vente à l’emporter : tranche de Margherita à un euro et demi, croquettes de riz aux petits pois (arancino) ou aux pommes de terre à cinquante centimes. La pizza entière à l’emporter coûte trois euros.
L’intérieur sur lequel veille Ciro, constamment branché sur son smartphone (on peut d’ailleurs être son ami Facebook), est allongé avec au fond une très belle crèche napolitaine. Tables en marbre, panneaux acoustiques pour atténuer le bruit, caisse tenue par l’encore jeune mamma de Ciro.
Les fritures et pizzas se préparent dans des installations ultra-modernes autour desquelles travaillent trois à quatre personnes.
Si l’on dit fritture à Naples, on plonge dans la tradition la plus antique de la cuisine de rue. Chez Concettina, chacune d’elles est un poème de goût, élaborée avec des produits artisanaux savamment choisis chez les meilleurs producteurs du Sud. Par exemple, cette Montanarina baroque qui ressemble à un baba : la pâte frite bombée est garnie de ricotta fumée de Fuscella, de mortadelle et de pistaches de Bronte, récoltées près de l’Etna.
Vous n’aurez jamais vu une carte de pizza comme celle-ci. Les traditionnelles à cinq euros sont à la tomate et/ou au fromage de base.
Les « historiques » utilisent des produits admirables, tels, sur cette Cetarese à sept euros sans fromage, un sugo de tomates San Marzano, des tomates cerise de Piennolo, au pied nord du Vésuve, des olives noires de Caiano, des câpres de Salina et des anchois de Cetara.
À jeter aux orties toutes les médiocres « pizzas napolitaines » qu’on ingurgite pour dix-huit francs dans des gargotes italo-suisses avec une insipide « mozzarella » de vache, des olives farineuses, des anchois sursalés et des câpres vinaigrés.
Les pizzas typiques à huit euros seront pour la prochaine fois, mais un client sur deux mangeait la Borgo Vergini, en référence à la rue des Vierges plus bas, avec de la scarole et du provolone.
Dans un précédent article sur la pizzeria Capasso, toute proche, j’avais commis la bêtise d’affirmer qu’à Naples on ne boit pas de vin en mangeant une pizza. Au contraire Ciro propose des bouteilles de Falanghina ou d’Aglianico à neuf euros. Le limoncello coûte deux euros et c’est à grand peine qu’on dépassera trente euros pour deux tout compris.
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