En amateur curieux qui ai vu Liverpool – Queens Park Rangers le 2 mai à Anfield, j’ai oscillé entre réalité et mythe. Oscillation qu’on ressent à la lecture de Rouge ou mort de David Peace, grand livre sur le football et sur l’entraîneur de Liverpool Bill Shankly : entre la rudesse de la vie à Liverpool dans les années 60-70 et le charisme illuminant de ce saint homme qui a sa statue devant l’entrée du kop.
Le 7 mai, pas l’ombre d’un doute que le député travailliste de la circonscription d’Anfield, Steve Rotherham, sera élu aux élections législatives. Il a fait 72 % en 2010 contre 6% au conservateur. C’est un quartier populaire au nord-ouest du centre où se trouvent les deux grands stades du Liverpool F.C, Anfield, et du F.C. Everton (créé en 1872), Goodison Park.
En haut, la rue longeant la tribune ouest de Goodison Park; en bas, une petite rue à réhabiliter à côté du stade, visible au fond
Le stade se trouve au milieu d’un quartier quasiment sinistré alors qu’il abrite un des clubs les plus riches, connus et aimés. Face au kop, un pub mal en point; le long de la rue menant au stade, des magasins fermés, des terrains vagues : là autour habitent des gens qui payaient dans les années 80 quelques shillings pour voir un match. Aujourd’hui, c’est au minimum 50 livres à condition d’acheter par internet au moins des billets pour 15 matchs. Dans ce sens, le mythe du football populaire s’effondre devant la réalité d’un sport de riches destinés aux riches. Lisez Rouge ou mort pour comprendre ce qu’était le public des années 60-70.
D’un autre côté, le quartier d’Anfield, comme d’ailleurs le centre de la ville, est en train de sortir du gouffre à travers un intense programme municipal de réhabilitation urbanistique. De nouveaux ilôts d’habitation, simples et espacés, naissent à moins de 300 mètres du stade et l’ensemble du quartier va y voir plus clair dans les prochaines années : « a brighter Anfield is coming ».
Mythique stade d’une équipe mythique, Anfield n’est qu’un banal espace de jeu sans grand confort, rafistolé au fil des temps pour obéir aux normes de sécurité. On va bien agrandir de 10’000 places la grande tribune, on le voit sur la photo ci-dessus. On se contente de couloirs d’accès serrés, de toilettes douteuses, d’espaces de restauration longs comme des boyaux. La visibilité est par contre parfaite et le public d’une sportivité à faire pâlir les continentaux râleurs et siffleurs.
Reste-t-il alors, lors d’un match banal comme Liverpool-Queens Park Rangers (2 mai 2015, 15 heures, 2 à 1 pour LIV, 44707 spectateurs), une quelconque magie introuvable ailleurs qu’en Angleterre ?
Sûrement ! même lors de cet après-midi froid et pluvieux, qui commence au pub Dodd’s, le rendez-vous d’habitués, comme un ami chaux-de-fonnier qui suit tous les matchs et a ses habitudes. Il y reconnaît d’ailleurs l’homme aveugle qui boit quatre pintes avant de se faire accompagner dans les tribunes, la jeune fille aux dents cariées, le couple sexagénaire à l’accent impossible.
De plus en plus sûrement ! quand on est saisi par les 40’000 spectateurs chantant, certes comme dans un karaoké, le fameux hymne You’ll never walk alone, juste avant le coup d’envoi.
Et à coup sûr, oui absolument ! à la fin de ce match moyen quand on admire une légende vivante, Steven Gerrard, dont c’est l’avant-dernier match de championnat à Anfield. Il a lui-même oscillé entre sa réalité de forme actuelle en ratant un penalty (à 1-1 à la 79e minute) et sa réalité mythique en marquant tout même de la tête sur corner à la 87e minute. Ovationné et chanté par un public debout, il est sorti une minute avant la fin comme une légende vivante. « Smiles and euphoria« , dit le commentateur de la BBC dans cet extrait vidéo exclusif mêlant mes propres images (un beau coup-franc, le penalty, et l’ovation chantée après le but) à celles de The Match of the day.
Derrière la réalité crue de cet après-midi pluvieux se sont donc bien profilées les effluves encensées du mythe, en tous cas pour les croyants anglophiles au football comme moi !
Très bel article. Fan de foot anglais comme tu le sais.
Bravo. de l’info assez réaliste! Chapeau! Acheter en Espagne