Le bar Eslava ne prend pas en pitié


Hilarion Eslava est un compositeur espagnol du dix-neuvième siècle auteur notamment d’un Miserere traditionnellement joué à la cathédrale de Séville le samedi avant les Rameaux. Il a donné son nom à une rue de la capitale andalouse à côté de la place San Lorenzo. Là tient le restaurant Eslava dont le bar à tapas très étroit est le meilleur de Séville. Pas seulement pour le Michelin…

 

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La qualité d’un bar à tapas, sévillan en particulier, repose sur quatre indéfectibles piliers liés les uns aux autres : sa localisation dans l’espace urbain, son espace intérieur, son service et bien sûr sa cuisine. Dans un bar sévillan, on se restaure mais on est aussi au spectacle !

Eslava fait face à l’église San Lorenzo dont la façade latérale rouge brique se voit du bar, qu’on soit à l’intérieur ou sur le trottoir. Un azulejo y signale la présence de la Vierge de la Soledad, une image du seizième siècle dont la procession clôt la Semaine Sainte.

 

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Les vidéos ci-jointes montrent la sortie de la Vierge à la fin de la journée du Samedi Saint et sa rentrée dont l’obscurité nocturne est illuminée par des fusées de saetas.

 

 

C’est mémorable comme l’est le bar dont l’espace intérieur est un défi au bon sens puisqu’il n’y même pas deux mètres entre le mur et le comptoir en bois.

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On trouvera bien à s’y attabler à moins qu’on reste dehors sur le trottoir dès les beaux jours, de janvier à décembre. A gauche les clients et à droite le « couloir » de service où s’activent dans une chorégraphie les huit serveuses et serveurs. Car être serveur à Séville est une offrande au client dont les Suisses n’ont pas idée : l’efficacité alliée à la précision, l’amabilité et la grâce dans un ballet tournoyant qui a ses rythmes selon la quantité de consommateurs.


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Le ravissement de ce lieu saint est décuplé par la cuisine où tout est bon et pas cher pour une telle qualité. On choisit les tapas sur une ardoise qui change tous les jours, ais avec ses classiques.

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Voici, pour quinze euros, un repas du samedi soir après la sortie de la Soledad : trois assiettes de poissons, une joue de porc, deux bières et un verre de vin !

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Les salmonetes fritos, petits rougets frits, sont si frais et croustillantsqu’on les mange intégralement avec leur goût rehaussé par le foie.

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Le maquereau grillé (caballa asada) est ferme et fondant avec une pointe de gros sel qui rehausse son goût. Laissez la mayonnaise pour passer à la suite !

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Les fameuses sardinitas malagueñas, les petites sardines de Malaga, à la carte du bar depuis toujours, font qu’on y revient pour les retrouver telles qu’en elles-mêmes, un peu comme Séville, ses ruelles, ses coins de rue, ses Vierges et ses Christs, ses places et jardins.

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La gourmandise aidant, on termine ce soir-là par une joue de porc à la sauce au Jerez (carillada iberica) et on songe, devant tant de concentration gustative, visuelle, auditive – c’est quand même assez bruyant ! – que des espaces infinis de plaisir sont contenus dans l’immanence de telles minutes. Avec le désir d’encore et toujours pouvoir les vivre.

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