Des Abbesses à Port-Royal en passant par Réaumur-Sébastopol, une promenade à pied dans Paris, ou en métro, nous permet de découvrir trois églises exceptionnelles par leurs qualités architecturales et décoratives. Paris, la plus riche ville du monde en églises d’époques différentes, est inépuisable de richesses patrimoniales.
1. Saint-Jean de Montmartre
Devant le métro Abbesses, Saint-Jean-de-Montmartre se lance dans la modernité à la fin du XIXe siècle : ciment armé et décorations préfigurant l’art nouveau, et même ce que l’on nommera quelques années plus tard une Gesamtkunstwerk, une oeuvre d’art totale, où tous les éléments, architecturaux et décoratifs, forment une unité.
Dans ce quartier en expansion démographique à la fin du XIXe siècle, il fallait une nouvelle et grande église. Elle se caractérise par sa structure en ciment armé précurseur du béton armé. « On emploie des blocs de béton creux, à travers lesquels on tire une armature de de fer et qui sont ensuite remplis de ciment. Seule la brique est visible de l’extérieur, mais en réalité, c’est le béton armé qui portait le bâtiment. Cette méthode permettait de construire des murs porteurs et des piliers très minces. » (merci Wikipédia!)
L’intérieur est unique à Paris, de la cuve baptismale aux piliers effilés, de la galerie en fer ouvragé à l’autel incrusté de mosaïques préfigurant les motifs art nouveau.



De retour à l’extérieur. on ne peut qu’être admiratif devant le portail qui se colore grâce à des incrustations de grès dans le ciment. Dix ans plus tard, tout près de là, le Bateau-Lavoir accueillera des créateurs comme Picasso; une station de métro, Abbesses, la plus profonde de Paris, reliera le bas de la butte Montmartre à la place de la Concorde et à Montparnasse.
2. Saint-Nicolas-des-Champs
Au XIVe siècle, Paris s’arrête au nord à une enceinte fortifiée où se trouve notamment l’abbaye de Saint-Martin-des-Champs (aujourd’hui le musée des Arts et Métiers, tout près du métro Réaumur-Sébastopol). L’église Saint-Nicolas est érigée dans le style gothique juste à côté.


Au XVIIe siècle, un maître-autel monumental de douze mètres de haut est ajouté et reste l’unique subsistant dans Paris sans avoir été démantelé ou détruit après 1789. L’architecte en serait Clément Métezeau. Son retable, signé par Simon Vouet, de retour de Rome, et daté de 1629, est sur une marche au-dessus d’un sarcophage et représente l’Assomption de la Vierge. Il est complété de quatre anges en stuc sculptés par Jacques Sarrazin. Cet ensemble classico-baroque, digne d’une église romaine ou sévillane, est un authentique chef-d’oeuvre.
Lisons-le par le haut avec les anges ailés sculptés et prêts à couronner la Vierge au terme de son ascension sur des nuages portés par des anges. Dans le grand tableau, un premier apôtre relie le haut céleste et le bas terrestre par son bras levé et son regard. Les autres à gauche sont sidérés par la disparition de la Vierge. Et le dernier à droite regarde ses compagnons et leur montre avec son bras gauche le sarcophage et l’autel : c’est par la foi en la Vierge intercesseuse et par la communion que les hommes seront sauvés de la mort. Les tableaux de deux saints, Saint Jean et Saint Nicolas, à gauche et à droite, furent rajoutés plus tard.
3. Val-de-Grâce
La chapelle du Val-de-Grâce est une église de style classique baroque français qui se trouve dans la belle – et presque romaine – perspective de la rue du Val-de-Grâce, perpendiculaire aux jardins de l’Observatoire, à proximité de la station RER de Port-Royal. C’est un de mes quartiers préférés de Paris, marqué par le calme des couvents, églises et hautes écoles. Et à côté des jardins du Luxembourg et de l’Observatoire; un quartier cher à Patrick Modiano, par exemple dans Fleurs de ruine, 1991.


Le 1er avril 1645, Anne d’Autriche et son fils Louis XIV, âgé de 7 ans, posent la première pierre de l’église de l’abbaye du Val-de-Grâce, fondée en 1625. La reine-mère, épouse espagnole de Louis XIII, fille de Philippe III de Habsbourg et arrière-petite-fille de Charles Quint, remplit ainsi une promesse, faite plus tôt, pour remercier Dieu d’avoir donné naissance à un fils. Elle passa en effet plus de vingt ans à attendre un héritier espéré qui sera prénommé Louis Dieudonné. Les travaux sont interrompus un temps du fait de la disgrâce de la reine quand Louis XIV accède au trône à l’âge de douze ans. Ils reprennent en 1655 et l’église est terminée la même année. Dix ans de travaux pour une oeuvre d’art totale, parfaitement unitaire esthétiquement et théologiquement.
La dédicace sur le fronton du porche est facilement compréhensible : « IESU NASCENTI VIRGINIQ(UE) MATRI », c’est-à-dire « (cette église est dédiée) à Jésus naissant et à sa mère la Vierge ». Jésus est honoré comme enfant attendu qui est enfin né (comme Louis XIV) et Marie comme mère (comme Anne d’Autriche). L’édifice est construit par le célèbre architecte précurseur du classicisme français, François Mansart,
L’intérieur est extraordinaire et, à Paris, équivaut à la Sainte-Chapelle gothique dans son unité.
Dans le choeur , Le Bernin fut pressenti par la reine pour dessiner un baldaquin semblable à son chef-d’oeuvre de la basilique Saint-Pierre. Gabriel Le Duc fut finalement choisi : le marbre vert est rehaussé de placages en bronze doré. Autour de la coupole : le rappel qu’Anne d’Autriche érigea cette chapelle somptueuse et les sculptures en relief des quatre évangélistes (sur les images ci-dessous, Matthieu avec son livre, Luc avec son aigle, puis Marc et son lion).
En 1665, Michel Anguier sculpte le groupe de la Nativité destiné à orner le maître-autel, le baldaquin formant tout autour, en quelque sorte, une majestueuse crèche : cette chapelle est entièrement dédiée à la nativité par une reine pieuse !


Piété vertueuse illustrée entre chacun des pilastres de la nef par des bas-reliefs, toujours sculptés par Anguier, qui représentent les Vertus (la Tempérance et la Force, la Religion et la Piété, la Foi et la Charité, la Prudence et la Justice, la Bonté et la Bénignité, l’Humilité et la Virginité). Ci-dessous, la Prudence et la Justice.


Pour visiter l’église du mardi au dimanche, il faut passer par le musée du Service de santé des armées du Val-de-Grâce, ou mieux, entrer librement le dimanche dès 10 h 30 avant la messe de 11 heures.
Trois églises trop peu connues, trois merveilles pour les amateurs d’art, de balades dans Paris et de découvertes insolites riches de profondeur historique. Comptez une petite journée à pied (7 kilomètres de marche) ou une demi-journée avec le métro.
… et à côté de Saint-Nicolas-des-Champs, au milieu du parcours, ce délicieux restaurant tunisien, chez Mabrouk…


Merci, simplement ! En effet , elles sont remarquablement belles.