Régulièrement les voyageurs des Montagnes neuchâteloises (et donc, par correspondance, aussi des Franches-Montagnes et de la vallée des Ponts) sont débarqués du train Berne-La Chaux-de-Fonds qui s’arrête aux Hauts-Geneveys. Ils sont même parfois laissés 30 minutes en rade tard le soir sous la bise glaciale d’hiver. De surcroît, ce même train qui devrait repartir de La Chaux-de-Fonds au xx02, 5 minutes après son arrivée au xx57, est supprimé.
L’objectif de mon article est de présenter les différentes facettes d’une situation récurrente, d’en expliquer les causes, d’en évaluer les conséquences et de proposer aux autorités communales et cantonales les remédiations, des plus simples aux plus coûteuses, qu’elles peuvent et/ou doivent mettre en place et/ou exiger du BLS et des CFF-TransN.
L’interminable poursuite de ces inconvénients rendra les Montagnes moins attractives pour de nouveaux habitants adeptes de la mobilité. Nous ne voulons pas être les culs-terreux d’un terminus périphérique jusqu’à l’arrivée du RER en 2035. Nous nous calmerons quand des améliorations concrètes seront annoncées et mises en place.
1. La situation actuelle
- L’exemple du jeudi 23 janvier à 22 h 00
Sur le quai 5 de Neuchâtel, le train BLS Berne-La Chaux-de-Fonds, départ 21 h 29, est annoncé, par haut-parleur et sur le panneau indicateur, avec 8 minutes de retard. Sur l’application CFF, on lit que l’arrivée à CDF sera au 02 au lieu du 57 et que cette même rame repartira de CDF avec 3 minutes de retard, au 05, ce qui est théoriquement possible. 5 minutes après qu’on a quitté NE, soit à 21 h 42, l’application CFF annonce l’arrêt du train aux Hauts-Geneveys, et de facto la suppression du train partant de CDF à 22 h 02.
Dans le train même, aucun voyageur ne consulte son smartphone et c’est seulement une minute avant l’arrivée aux Hauts-Geneveys, à 21 h 55, qu’une voix féminine alémanique, enregistrée de Berne sûrement, prie les voyageurs de descendre sur le quai et de prendre le train suivant, avec ses remerciements pour la « compréhension » desdits voyageurs. Aucun personnel d’accompagnement ne voyage dans le train.
Quelques personnes entrent dans le buffet de la gare des Hauts-Geneveys, bien chauffé et se commandent une boisson chaude, alors que la majorité des vingt-cinq autres restent au froid (- 1 degré, mais ressenti – 7 avec la forte bise) sur le quai 2. Le train CFF/TransN NE-CDF arrive bien à 22 h 19 et atteint CDF à l’heure prévue, 22 h 27.


- Ma consultation sur Facebook
Jeudi 26 janvier, je poste ce texte sur Facebook, avec les photographies présentes dans cet article : « Lundi soir avant notre arrivée à La Chaux-de-Fonds, le train Berne-CDF nous laisse en rade, nous pauvres voyageurs-clients, dans un froid mordant aux Hauts-Geneveys pendant 20 minutes, le temps que le train suivant arrive. Merci de me dire (en commentaire ou en message personnel) si cela vous est aussi arrivé, quand et combien de fois. Je vais écrire un article prochainement sur ce sujet. MERCI. »
Voici le florilège des réponses reçues :
AH : Oui j’ai aussi été confrontée à ce genre de débarquement à plusieurs reprises quand le train était trop en retard. Pas la fin du monde certes mais c’est vrai que la salle d’attente du quai n’est pas bien grande…
TC : Et même si cela ne résout rien, pourquoi ne pas débarquer les voyageurs à Neuchâtel déjà, gare plus aménagée pour tuer le temps d’attente ? Car le retard sur la ligne est TOUJOURS cumulé à Neuchâtel et non sur le parcours qui suit. Il doit y avoir une raison stratégique ou financière… Partir de Neuchâtel en sachant pertinemment que le train sera débarqué aux Hauts-Geneveys est malhonnête.
CAJ :Oui ça m’est arrivé aussi et il semble que ce soit relativement fréquent. En fait, c’est la stratégie de BLS et accessoirement des CFF pour compenser les retards et éviter que ces retards se suivent en cascade.
JV : Personnellement ça ne m’est pas arrivé sur la ligne entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds mais très régulièrement sur la ligne entre Bienne et La Chaux-de-Fonds, avec, à la clef 40′ d’attente à Saint-Imier (pas de cadence à la demi-heure sur cette ligne).
CG : Ça m’est arrivé 3 fois. C’est absolument désagréable… tout ça pour ne pas être en retard à Berne.
CE : J’en ai également marre de cette situation qui m’est arrivée un bonne quinzaine de fois au minimum. Habitant du Val-de-Ruz, je vais presque quotidiennement à La Chaux-de-Fonds, ma ville natale. Je constate que la BLS n’en a rien à foutre des passagers des montagnes neuchâteloises, tout ce qui compte c’est d’être à l’heure à Berne. (…) Un chauffeur de bus du Val-de-Ruz m’a confié que si le train a 4 minutes de retard à Neuchâtel, il s’arrête aux Hauts-Geneveys. De plus, fréquemment, le train suivant est une petite rame unique souvent déjà surchargée ! On peut ajouter l’extrême amabilité du personnel BLS qui n’a pas plus d’égards pour les passagers que leur direction. (…). La BLS est une compagnie malhonnête et irrespectueuse, je souhaite ne plus voir ses trains sur les rails neuchâtelois.
RK : Oui 1x aussi. Surtout, on avait pris du retard à Chambrelien parce que notre train attendait un autre train (donc au départ notre train était à l’heure) et ensuite à cause de cette attente, on a été arrêté car trop en retard. Enfin dans la cohue, j’ai oublié de prendre ma trottinette et l’ai perdu… donc ça m’a coûté du temps ET de l’argent pour le coup.
JF : Entre septembre et mi-décembre cela m’est arrivé 4 fois avec le train de 17h29 au départ de Neuchâtel. Si le train BLS a plus de 7-8 minutes de retard, son terminus est les Hauts Geneveys. Cette situation est moins fréquente avec le train TransN car il a plus de marge de manoeuvre sur son horaire.
RD ; Les BLS sont pitoyables, quasiment incapables de respecter scrupuleusement les horaires dans les 2 sens sur cette ligne.
LB : Je compatis. J’avoue me poser la question de renoncer au train quand je dois venir à La Chaux-de-Fonds. Cette ligne est un vrai désastre. Une solution doit être trouvée car on ne peut pas attendre 2035 ou 2040. J’attends avec intérêt de découvrir tes propositions.
MS : Cela nous est aussi arrivé…ce qui peut effectivement décourager de prendre le train les soirs de grands froids
MK : On se calme! Sur l’arc lémanique, on est très souvent en rade… il m’est arrivé d’attendre mon train deux heures à Lausanne … (DM répond : Tu confonds attente annoncée dans une grande gare avec commodités en vue d’un embarquement et débarquement annoncé une minute avant dans une petite gare sans rien que le vent glacial.) MK : Les retards et suppressions de train ne sont pas l’apanage de la CDF… À Lausanne c’est très souvent le binz avec des trains supprimés, des retards, des attentes dans le froid… C’est assez logique, on veut une prestation qui n’est pas dimensionnée pour autant de trains, autant de passagers… et je ne parle pas du confort des lignes bondées quand tu as juste envie de voyager aux toilettes pour être un peu tranquille… mais bon, vu l’état des toilettes.
- Message envoyé au BLS
Le 28 janvier, j’envoie un message au service client du BLS qui accuse réception : « Bonjour, client de La Chaux-de-Fonds, je publie régulièrement des articles sur mon blog MILLE TABLEAUX. Le prochain sera consacré aux nombreux arrêts du train Berne-La Chaux-de-Fonds aux Hauts-Geneveys, sans poursuite du voyage jusqu’à La Chaux-de-Fonds. Je voudrais combien de fois s’est produit cet arrêt aux Hauts-Geneveys du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022. 2196 trains étaient prévus (18 trains par jour). Je vous remercie de votre transparence avec mes bonnes salutations. »
Le 31 janvier la réponse suivante m’est parvenue de M. A. Herren : « Monsieur, Merci pour votre demande. Nos responsables m’informent de ce qui suit. Pendant ces quatre mois, quelque 2’300 trains circulent vers La-Chaux-de-Fonds. Parmi ce nombre, de septembre à décembre 2022, 40 trains ont été supprimés (moins de 2%). Ce chiffre est légèrement supérieur à la moyenne annuelle en raison de la saison, un effet qui est cependant remarqué aussi ailleurs sur d’autres lignes BLS. Différentes causes ont provoqué les pannes à Les Haut-Geneveys. En résumé, on peut dire qu’il n’y a pas beaucoup de marge au niveau temps sur ce parcours si un train est en retard car il attend un train croiseur, un train en correspondance ou en raison d’un incident technique. La ligne est en majorité à voie unique et en cas de retards, il faut attendre encore plus longtemps aux quelques points de croisement possibles. Si le retard est trop important, le train doit faire demi-tour à Les Haut-Geneveys, sinon il arrive aussi en retard à La-Chaux-de-Fonds. Le train doit être à l’heure à La-Chaux-de-Fonds car il ne dispose que de peu de temps pour faire demi-tour et repartir sur la ligne. J’espère avoir pu répondre à votre question. Je vous souhaite une belle journée. Meilleures salutations. Adrian Herren , Service clientèle Tél. 058 327 31 32 »
2. Les causes de ces débarquements
Les causes de ces débarquements de voyageurs sont doubles :
- Des retards accumulés entre Berne et Neuchâtel empêchent le BLS de terminer sa course à CDF car l’essentiel pour cette compagnie est d’assurer sans dommage la liaison Neuchâtel-Berne.
- Il se peut que le train de Berne arrive à l’heure à Neuchâtel mais en reparte avec un retard irrécupérable : c’est que le train ICN Bienne-Lausanne, lui-même légèrement en retard, a la priorité pour passer le goulet de Vauseyon, à voie unique.
Depuis la réfection de la ligne en 2021 et l’arrivée d’un nouveau matériel roulant, les problèmes liés aux feuilles d’automne qui feraient patiner la locomotive sont résolus et ne peuvent être invoqués.
Une certitude : à l’arrivée du train de Berne à Neuchâtel, la centrale logistique du BLS sait pertinemment qu’il ira ou non jusqu’à CDF. TC a raison de parler de la malhonnêteté du BLS dans ce cas de figure.
3. Les conséquences
Elles sont multiples et d’importance différente :
- Elles importunent les voyageurs concernés, tant ceux qui débarquent aux Hauts-Geneveys que ceux qui doivent attendre le train suivant à CDF. Un voyageur de Langnau qui compte prendre le train de 22h 02 à CDF ne pourra plus rentrer chez lui !
- Elles obligent les voyageurs partant des Montagnes à anticiper leur départ par crainte d’une suppression de train.
- Elles amènent les voyageurs réguliers ou occasionnels à intégrer mentalement que venir à CDF ou en repartir est systématiquement aléatoire et relève d’une loterie.
- Le plus grave est l’image dégradée d’une région périphérique « trou de c… de la Suisse » qui rebutera de potentiels nouveaux habitants adeptes de la mobilité douce à venir y vivre avec aisance.
4. Les remédiations
De multiples actions et solutions sont possibles, de la part du canton commanditaire des prestations au BLS et aux CFF/TransN.
Signalons d’emblée qu’une interpellation politique a lieu sur ce sujet le 28 juin 2022 au Grand Conseil neuchâtelois.
Le député socialiste Hugo Clémence a interrogé le gouvernement : « Malgré les importants travaux qui ont été entrepris entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds lors de l’année 2021, de nombreux concitoyens semblent encore vivre trop régulièrement la désagréable expérience d’être au mieux en retard, au pire débarqués aux portes des Montagnes neuchâteloises, aux Hauts-Geneveys notamment, par les compagnies ferroviaires en charge de leur transport. Alors, est-ce des rumeurs, des exagérations ou le ras-le- bol, ou des dysfonctionnements avérés ? Il est de toute manière important d’y apporter une réponse. Par conséquent, nous prions le Conseil d’État de bien vouloir nous indiquer combien de retards ou suppressions de train en provenance de Bienne ou de Berne et en direction des Montagnes neuchâteloises ont été enregistrés en 2021. Et, à ce jour, quelles furent les causes et quelles sont les mesures compensatoires qui ont été mises en place pour assurer le trajet ou l’attente des voyageuses et des voyageurs ? »
M. Laurent Favre, conseiller d’État, a répondu : « Vous nous demandez une statistique relativement précise, nous devons bien vous avouer qu’à très court terme, nous n’avons pas réussi à sortir tous les chiffres que vous souhaitez. Nous allons quand même vous donner quelques éléments. (…) Pour ce qui est de la ligne Berne-Neuchâtel-La Chaux-de-Fonds, en 2021, on a vécu huit mois de ligne arrêtée avec un bus de substitution. Nous croyons que la qualité fut bonne durant cette période avec les bus. Maintenant, suite à la reprise du trafic en novembre 2021, le nouveau matériel roulant de BLS a connu quelques problèmes de software qui ont été résolus ensuite, il y a eu un peu de reprogrammation. Finalement, on a connu aussi quelques problèmes sur la ligne entre Fribourg et Neuchâtel avec le changement de matériel roulant, ce qui a globalement impacté la fiabilité du système. Vous savez que si on a un problème de stabilité entre Fribourg et Neuchâtel, on peut avoir un problème entre Neuchâtel et La Chaux- de-Fonds. Les soucis qu’on a vécus en fin d’année passée ont été pris clairement à bras-le-corps, on a eu quelques séances avec BLS pour faire adapter, encore une fois, le software et, de ce point de vue, gagner en stabilité. Depuis, tout n’est pas parfait, nous en sommes bien conscients, mais nous croyons que la situation s’est quand même un peu améliorée. Nous aurons l’occasion, dans les prochains jours et semaines, de reprendre ce thème avec notre service pour voir s’il y a encore des soucis sur lesquels on doit travailler. Encore une fois, à très court terme, ce ne fut pas possible d’en dire beaucoup plus. »
Réponse imprécise, voire dilatoire, de l’élu, que mon article souhaite aussi interpeller !
Trois améliorations techniques et logistiques sont possibles, au coût de fonctionnement bien différent :
- Informer à Neuchâtel (par annonce ou par présence d’un employé sur le quai) les voyageurs de La Chaux-de-Fonds que le train n’arrivera pas à destination. Ils pourront au moins profiter des agréments d’une grande gare chauffée pour attendre le train suivant. Coût : minime !
- Aménager une salle d’attente chauffée et gratuite aux Hauts-Geneveys pour pallier les débarquements inopinés : Coût : modeste.
- Prévoir une rame supplémentaire du BLS qui va jusqu’au Locle et en repart, apportant ainsi un plus au Locle. Ainsi tous les trains de Berne peuvent arriver à CDF, même en retard, et tous les trains de CDF pour Berne peuvent partir à l’heure (lorsque le train de CDF arrive à Berne au 07, il en repart au 53). S’il s’agit d’un retard important, alors la rame reste à CDF. Coût, selon nos estimations : au moins 1 million de francs annuels à la charge du canton !
Le refus d’isoler ferroviairement les Montagnes a peut-être un prix !
Ce qui tombe des CFF ce matin…
https://news.sbb.ch/fr/medias/article/115696/bonne-ponctualite-en-2022-les-cff-veulent-maintenir-le-niveau-malgre-les-nombreux-chantiers