Patrick Herrmann a l’intention de reverser une partie de son salaire pour faire vivre sa motion acceptée le 23 février 2005. Elle souhaite la création d’une fondation offrant des espaces aux plus grands architectes, afin qu’ils se mesurent au Corbusier. Dans sa prise de position d’aujourd’hui, le candidat (et ami) vert au Conseil communal fait preuve de ténacité persévérante. Vertu indispable en politique surtout quand on est un-e jeune débutant-e.
Dans l’actuelle exposition de Mendrisio consacrée aux dessins de jeunesse de Le Corbusier sont présentés des croquis de 1905. Le jeune Jeanneret, qui a dix-huit ans, participe au concours d’architecture destiné à construite le bâtiment de l’Union chrétienne des jeunes gens, qui va devenir Beau-Site. Il ne gagne pas mais son projet, conçu comme un temple-cathédrale, est génialement novateur pour notre ville.
Le grand architecte chaux-de-fonnier était un visionnaire et avait inspiré à Patrick Herrmann une idée excellente concrétisée par une motion politique qu’il avait déposée le 28 avril 2004 et fait accepter le 23 février 2005 par le Conseil général de La Chaux-de-Fonds. J’y siégeais !
Comme l’écrit aujourd’hui ArcInfo, « Patrick Herrmann est prêt à engager des moyens financiers pour faire vivre une motion qu’il avait déposée lorsqu’il était conseiller général, entre 2000 et 2005, «pour la création d’une fondation offrant des espaces aux plus grands architectes, afin qu’ils se mesurent au Corbusier ». Dans ce sens, il reverserait une partie de son salaire dans un fonds communal destiné à faire vivre cette idée. «Grâce à un fonds alimenté à petites doses par la Ville et ouvert aux dons des particuliers, La Chaux-de-Fonds comptera peut-être deux nouveaux chefs-d’œuvre architecturaux dans 30 ans, et une dizaine dans 100 ans… Ce serait une manière de placer positivement la ville sur la carte du monde, et de lui donner un axe de développement en accord avec son histoire et sa culture.»
Mon cher ami Patrick possède une vertu cardinale en politique, la ténacité persévérante, celle qui ne lâche jamais le morceau, celle qui désire faire aboutir des idées positives.
Depuis 2005, le Conseil communal de La Chaux-de-Fonds et les chefs de servivce concernés (Laurent Kurth, Théo Huguenin-Elie et Jean-Daniel Jeanneret, alors architecte communal chargé du patrimoine), n’ont pas vraiment avancé. Au point que la motion Herrmann est une des plus anciennes mises dans les tiroirs de l’autorité, « choubladisée » comme on dit. Le rapport de gestion 2019 la mentionne d’ailleurs.
Voici en détail le procès-verbal de la séance du Conseil générasl 23 février 2005.
Motion de M. Patrick Hermann
« Pour un concept de développement touristico-culturel original
Les Verts de La Chaux-de-Fonds demandent l’étude de la création d’une fondation gérée par la Ville et financée par celle-ci à hauteur de 25’000.- par année (ouverte par ailleurs à des donations privées) et qui serait destinée à financer tous les 20-30 ans environ la construction d’une villa ou d’un petit bâtiment dans le quartier où sont érigées actuellement plusieurs villas à la réalisation desquelles Le Corbusier a pris part.
Le but visé par une telle fondation serait de commander ces bâtiments à des architectes mondialement célèbres en leur donnant la possibilité de se confronter à l’œuvre du Corbusier et de leur proposer cette tâche sous forme d’un défi, seul à même de les intéresser à cette demande.
Les bâtiments construits pourraient indifféremment être utilisés par des services communaux, vendus à des privés ou même loués en fonction de la situation qui prévaudra au moment de l’achèvement des travaux.
Une telle démarche prend tout son sens dans la mesure où, le temps des villes n’étant pas celui des hommes, un tel quartier pourrait devenir en un ou deux siècles et pour des coûts extraordinairement modiques un véritable phare touristico-culturel, s’inscrivant dans une « niche touristique » digne du passé de cette ville et que peu de villes au monde sont susceptibles d’exploiter. C’est aussi une manière d’empoigner l’avenir et de montrer que notre cité est capable de projets à long terme. »
Patrick Herrmann, Les Verts : Que voilà une petite motion qui tombe mal ! Que dire, au plus mal ! D’abord, c’est la fin de la soirée, tout le monde est fatigué, et Ville et Canton sont financièrement exsangues. On compte chaque sou plusieurs fois et, à gauche comme à droite, chacun se demande celui de nos organes vitaux qu’il faudra amputer à la hache, en espérant que les autres partis, ou mieux encore l’exécutif, fera le premier geste qui permettra à ses adversaires, puisque nous sommes constamment en période électorale, de crier au loup et au scandale et de protester avec la dernière énergie « qu’on veut des économies, mais justement pas celle-là ! » et de lancer un référendum tandis que la population, c’est bien connu, suivra l’avis des journalistes puisqu’ils sont plus fiables que les politiques !
Ajoutons à cela que nous avons quelques grands et coûteux projets culturels, tous intéressants, et dont on ne sait plus très bien que faire aujourd’hui face aux attentes légitimes qu’ils ont suscitées et à notre impossibilité objective et financière à les concrétiser tous de front dans un délai raisonnable ! Et ceci encore pour peu qu’on puisse les réaliser un jour, puisqu’ils sont parfois liés à des dépenses de fonctionnement devenues peu raisonnables par les temps qui courent et les déficits appelés pudiquement structurels, ce qui n’enlève rien justement à leur impudeur ! Alors, quid de notre petite motion anodine ? Vaut-il mieux la laisser tomber ? Qu’a-t- elle à offrir ?
En termes de communication (nous en avons un peu parlé ce soir), notre ville, qui affirme depuis longtemps avoir mal à son image, a exploré diverses pistes : « la ville à la campagne » reste d’actualité, mais n’a pas aujourd’hui de véritable force rassembleuse ni d’attraction touristique, même si ça viendra peut-être. « La métropole de l’horlogerie » est une bonne idée et correspond à une réalité, mais le concept peine quand il s’agit d’attirer du monde dans un splendide musée que les entreprises horlogères ont, dès ses débuts, rechigné à investir, financièrement parlant, alors même qu’à l’époque, elles étaient locales, ce qu’elles ne sont plus aujourd’hui. Que reste-t-il donc ? L’architecture et Le Corbu, qui nous ont déjà valu la visibilité de l’entreprise Ebel dans ses plus beaux jours, le prix Wakker, des fonds de la fondation Getty pourtant sise dans la lointaine Amérique, et nous vaudront peut-être un jour de figurer à l’inventaire du patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco. Il y a là assurément matière à réflexion, possibilité d’ouvrir le jeu avec une main intéressante, quelque chose à construire. Le Conseil communal le sait d’ailleurs très bien et ne me contredira pas puisque le premier des axes stratégiques de développement et d’investissement de son programme de législature concerne l’architecture et l’urbanisme !
A ce stade, les arguments qui plaident en faveur de notre petite demande d’étude pour l’établissement d’une minuscule fondation à l’aspect pourtant prometteur ne manquent pas. Premièrement, la dépense minimale à consentir annuellement peut être extrêmement modeste, en fait moins qu’une petite campagne de publicité ordinaire pour un produit quelconque ! Je rappelle que la ville a dépensé des dizaines de milliers de francs dans la NZZ pour faire sa publicité il y a quelques années et que pour amener les gens à récupérer le vieux papier, nous comptons une campagne de pub à plusieurs dizaines de milliers de francs également.
Deuxièmement, la concrétisation de ce projet n’exigerait pas de frais de fonctionnement tout en permettant assurément un effet maximal sur les médias en Suisse et à l’étranger. Combiner notre patrimoine et la célébrité toujours réactualisée d’architectes connus au moment où nous disposerons de fonds suffisants devrait déboucher sur des résultats synergiquement exponentiels.
Troisièmement, le tourisme de niche et de qualité que nous visons s’atteint ensuite à travers des revues spécialisées, ce qui n’exige de nous aucune dépense supplémentaire. Le supplément d’image se met peu à peu en place à notre insu et sans effort, et les réalisations demeurent quoi qu’il arrive !
Quatrièmement, il s’agit d’un projet très différent de nos autres grands projets culturels coûteux, de quelque chose de non conventionnel dans la mesure où toute ville a des musées, mais peu de villes peuvent choisir de devenir une sorte de Ballenberg de science-fiction, dont l’avenir est la matière première et qui fait exploser la notion même de musée! Certes, les mégapoles de notre monde tendent à emprunter cette voie, mais elles sont pratiquement toujours débordées par la créativité de leurs habitants, tandis que nous, nous sommes en mesure de contrôler notre propre développement !
Cinquièmement, ce projet nous donnerait la possibilité de rester dignes de notre passé et d’échapper à la banalisation qui nous guette. Nous voulons appartenir au patrimoine de l’humanité et, en même temps, nous faisons tout pour devenir une ville comme les autres. Si je prends les derniers lotissements aux Prés-Verts, L’Orée- du-Bois, Chemin-Perdu, Alérac et les derniers bâtiments industriels Gémo, Landi, nous n’avons pas des exemples de réussite et de développements concertés. Ce n’est pas grave en soi, mais il est dommage de ne pas utiliser nos atouts. Une ville de notre importance peut, comme je l’ai dit, mieux planifier son avenir que Paris, Londres ou Berlin. De plus, nous savons depuis quelque temps que la commune dispose de terrains importants du côté de Cappel, non loin d’autres réalisations du Corbusier, et que ces terrains nous reviendront un jour après la destruction de certaine antenne devenue inutile !
Sixièmement, la construction de quelques villas prestigieuses peut également répondre dans une minuscule mesure au besoin exprimé par nos collègues de droite de mettre à disposition des cadres qui viennent s’installer ici des appartements ou des maisons de très haut standing !
Septièmement, une fondation avec un tel but permettrait également d’inciter des individus privés à s’investir pour leur ville, à lui offrir par testament ou donation des fonds pour un projet ambitieux, visible, durable, qui pourrait être un véritable fil rouge du développement et de l’identité de la cité ! On agit en fait comme pour les arbres du Parc Gallet, mais le potentiel de célébrité et d’éternité est encore meilleur !
Huitièmement et dernier point, si nous nous engageons dans ce projet, nous sommes pratiquement certains d’aboutir à des résultats concrets, de pouvoir offrir ce cadeau à notre postérité. Il ne menace aucune catégorie de la population, ne devrait faire descendre dans la rue ni automobilistes, ni syndicats, ni commerçants, ni même écolos ! Il donnerait à notre ville le supplément d’âme, de réputation flatteuse, voire de célébrité qui permettrait peut-être enfin de se fédérer fièrement derrière une image positive reconnue partout et liée ni au climat, ni à l’altitude !
Avant d’arriver à notre conclusion attendue, nous ajouterons pour l’anecdote que nous avons testé l’impact de cette idée lors des dernières Rencontres de décembre désormais nommées ID-régions, et que les premières impressions se sont avérées plus que positives ! Vous l’aurez donc compris, nous tenons à défendre cette motion parce qu’elle nous paraît lourde de sens et de bénéfices et que les moyens qu’elle requiert sont modestes. Nous sommes convaincus que de ne pas entrer en matière constituerait plus qu’une occasion manquée et que nous tenons là un petit plus qui pourrait certes disparaître ce soir sans traces et sans mal, mais qui, bien exploité, devrait déboucher à très long terme sur des perspectives aussi prometteuses que bon marché et faciles à réaliser !
Excusez-moi de la longueur. Merci.
Laurent Kurth, conseiller communal (Finances, économie et urbanisme) :
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs. Le Conseil communal entrera en matière, mais il souhaite faire un certain nombre d’observations et pour changer apporter quelques nuances aux propos des motionnaires.
En substance, la motion propose :
- un outil : la constitution d’une fondation,
- des ressources: l’épargne d’un montant annuel sur le budget de
fonctionnement de la commune et la recherche de fonds privés,
- un concept: un concours d’architecture tous les vingt-cinq ans pour la
construction d’une villa ou d’un petit bâtiment,
- un lieu : le quartier de Pouillerel qui recense plusieurs des bâtiments associés à
l’œuvre de Le Corbusier.
Le Conseil communal partage une grande partie des préoccupations des
motionnaires, mais pas toutes. Le Conseil communal est d’accord pour valoriser l’œuvre de Le Corbusier en ville, lui donner non seulement l’importance passée, mais aussi vie et actualité, qu’elle mérite. Il le dira dans son programme de législature, document non encore édité. Le Conseil communal est d’accord aussi pour construire une renommée de la ville autour de l’architecture et pas uniquement du nom de Le Corbusier. Le Conseil communal est encore d’accord pour multiplier les concours d’architectures qui sont à la fois capables d’étendre la réputation de la ville et d’assurer des réalisations architecturales de qualité. Cette orientation qui veut que nous cherchions à multiplier les concours a d’ailleurs déjà été, non pas réalisée, mais débutée. Nous pouvons penser que dans le domaine de l’industrie, il y a des entreprises comme Cartier, Corum, le projet Singer à l’époque qui finalement a été abandonné, qui toutes ont fait l’objet de concours. Dans le domaine des bâtiments de services, le SIS est le fruit d’un concours également. Dans le domaine de l’administration, celui des contributions cantonales est aussi le fruit d’un concours. Dans le domaine de l’habitation, des quartiers en préparation sont également le fruit de concours, notamment dans le quartier de l’Helvétie. Même si nous ne parlons ici que de la qualité esthétique, ces projets sont tous à considérer comme des réussites.
Certains d’entre eux ont mobilisé, cela va dans le sens demandé par les motionnaires, des jurys prestigieux. Cela contribue aussi au rayonnement de la ville et à son attractivité.
De l’avis du Conseil communal, cette orientation qui cherche à multiplier les concours pourrait encore être renforcée en cherchant d’une part à élever encore le niveau et des concours et des jurys et donc dans certains cas des exigences aussi liées au programme même du concours et en s’associant de façon plus systématique des jurys d’envergure internationale. Que des ressources soient régulièrement épargnées, aux fins de pouvoir financer des concours de ce type-là, le Conseil communal y est aussi ouvert dans la limite des ressources financières de la commune naturellement, mais il est d’avis qu’effectivement, il faut quelques moyens si nous voulons financer des concours ambitieux. Il est ouvert aussi à cet élément-là.
Les nuances que pourrait apporter le Conseil communal avant d’accepter votre motion portent essentiellement sur l’instrument, celui la fondation. Le Conseil communal est d’accord d’étudier mais il n’est pas convaincu aujourd’hui que l’instrument de la fondation est le meilleur des instruments à envisager pour ce faire. Et les nuances plus importantes du Conseil communal portent sur l’idée de focaliser l’attention sur le quartier de Pouillerel. Là, le Conseil communal n’est franchement pas très enthousiaste, malgré la signification en lien avec le nom du Corbusier de ce quartier. D’abord, ce quartier se prête très mal à l’exercice d’une construction régulière en raison de sa topographie et en plus de son orientation en Est qui est relativement peu exposée au soleil. Il faut relever aussi que nous ne disposons plus aujourd’hui de terrain en zone de faible densité dans ce quartier et que cela mériterait par conséquent des modifications d’affectation qui seraient ensuite réservées sur le long terme. Nous sommes là d’avis que ce ne serait pas non plus la meilleure solution à envisager. Au passage, nous relèverons que la construction de villas de prestige ne s’invente pas. Cela répond en général à un besoin, qui est de celui qui souhaite habiter cette villa, et que le Conseil communal n’a pas l’intention de réserver à chacun de ses membres une villa de prestige sur les hauts de Pouillerel. RIRES. Individuellement, nous pourrions y être ouverts, mais comme responsable des finances, j’ai quelques réticences. Je pense que vous en auriez aussi quelques-unes. La construction de villas de prestige en plus n’est pas symptomatique, elle correspond à une période donnée de l’histoire chaux-de-fonnière, mais n’est pas particulièrement significative de ce qui peut être fait dans cette ville sur le plan architectural et de ce qui s’est fait par le passé.
Le Conseil communal peut donc accepter votre motion et étudiera les pistes suggérées, mais avec des réticences aussi bien sur le lieu proposé que sur le type de bâtiments envisagés.
Pierre-Alain Thiébaud, président : Je vous remercie. Est-ce que la motion est combattue ?
Julien Semperboni, UDC : Je vous remercie. M. le président, Mesdames et Messieurs. Le groupe UDC a lu avec attention la motion relative à un concept de développement touristico-culturel original. Effectivement, cette motion a un côté original et elle est dirigée vers le futur à long terme. CHF 250’000.- pour nous, c’est trop peu si nous voulons voir des résultats avant trente ans, et, mettre davantage, ce n’est pas vraiment la période propice. Bien que ce projet soit en soi sympathique, le groupe UDC n’y donnera pas son aval. Merci de votre attention.
Pierre-Alain Thiébaud, président : Je vous remercie. Le débat étant ouvert, est-ce que la parole est encore demandée ?
Patrick Herrmann, Les Verts : D’abord j’aimerais remercier le Conseil communal de sa réponse. Il est clair que cette motion avait un caractère exploratoire et se voulait une forme de proposition. Elle ne possède ni des chiffres ni des lieux qui doivent forcément correspondre à la réalité. Dans ce sens-là, je remercie simplement encore une fois le Conseil communal de sa réponse.
Pierre-Alain Thiébaud, président : Très bien. La parole n’étant plus demandée, je vous propose que nous passions au vote de cette motion puisqu’elle est combattue.
La motion est acceptée par 28 voix contre 6 oppositions.
Récemment, j’ai été plus et moins chanceux que Patrick Herrmann sur ma motion de 2008 « Carnet familial et sportif ».
Plus chanceux car le Conseil communal a finalement mis en place un projet fin juin 2020 après de multiples pressions venues du parti socialiste.
Moins chanceux car j’ai considéré que mon idée de départ avait été édulcorée, comme si le Conseil communal s’était forcé à exécuter une tâche dont il n’avait pas le désir. Cela restera le plus grand mystère de mon engagement politique : pourquoi les conseillers communaux popistes Jean-Pierre Veya et Théo Bregnard (et leurs chefs de service) ont-ils tant renaclé sur un projet qui pourtant correspond si bien aux idées de la gauche : ouvrir la culture et le sport au plus grand nombre de nos familles ?
Par conséquent, je donne un conseil aux nouvelles et nouveaux candidat-e-s au Conseil général : ayez des idées, concrétisez-les par des motions susceptibles de recueillir une majorité… et armez-vous d’une infinie patience !