Du Marchairuz à la Dent de Vaulion sur les traces de Goethe


Sur les traces de Goethe en 1779, on traverse les hauts sommets du parc naturel du Nord vaudois, du col du Marchairuz à la Dent de Vaulion. Paysages sauvages, panoramas incomparables : profitons-en avant que d’éventuelles éoliennes de deux cents mètres de haut ne viennent bouleverser notre rapport émotionnel à ces lieux bénis.

Le point de départ de notre randonnée se trouve au col du Marchairuz, atteignable en car postal les samedis et dimanches d’Allaman ou du Brassus. On choisit d’y passer une nuit dans l’hôtel du même nom.

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Croûte au fromage unique (au fromage soufflé), gentiane d’exception, petit-déjeuner buffet de produits régionaux avec des confitures maison comme on n’en trouve nulle part ailleurs dans un hôtel suisse de cette catégorie. Un rêve avant de commencer la première étape jusqu’au Pont, au bord du lac de Joux. Une autre variante est aussi présentée plus bas.

Vingt kilomètres de moyenne difficulté qui passent par un lieu extraordinaire, le plus haut sommet du Jura suisse : le Mont-Tendre, à 1697 mètres d’altitude. Panorama d’exception sur l’ensemble du Lac Léman, toute la Franche-Comté et la Romandie. Le mur de pierres sèches qui longe la crête marque le paysage bien plus romantiquement que n’importe quelle – future ?- éolienne à l’est.

La descente vers le Pont est certes un peu longue et on peut choisir de rebrousser chemin jusqu’au Marchairuz, de descendre en car jusqu’au Brassus, de prendre le train et de dormir à l’hôtel Bellevue au Rocheray, au bord du lac de Joux. Nulle plage suisse n’offrira tant de beauté, de douceur et de calme que celle devant l’hôtel avec la vue sur la Dent qu’on escaladera le lendemain.

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Le seconde étape de dix-sept kilomètres nous mènera donc de Rocheray à Vaulion par la Dent du même nom. Nous retrouverons là Goethe, le seigneur littéraire tutélaire de notre parcours.

En automne 1779, Goethe parcourt la Suisse et visite la haute vallée de l’Orbe. Il a trente ans et de chaque étape, il adresse à une correspondante saxonne la relation de son voyage. Relation qui fera l’objet d’un ouvrage, Lettres de Suisse. Accompagné de deux amis allemands, il part de Rolle à cheval dans l’après-midi du 24 octobre. Les voyageurs arrivent au soleil couchant vers le col du Marchairuz puis trouvent à se loger dans une maison particulière au Brassus. Le lendemain, guidé par le capitaine forestier du Pays de Vaud, Goethe gagne le sommet de la Dent de Vaulion.

Voici sa relation, si pérenne : « Rentrant par le Pont, nous prîmes un guide pour la Dent. Nous vîmes ainsi le grand lac en entier.

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Au levant, le Noir Mont fait limite derrière lequel émerge la cime dénudée de la Dôle. Au couchant il est contenu par la paroi rocheuse du Lieu. Le soleil dardait autour de midi tardive (…). Seules les hautes chaînes étaient visibles sous un ciel tout pur, tandis que les basses contrées se voyaient couvertes d’une mer blanche et floconneuse de brouillard allant de Genève au nord jusqu’à l’horizon et éclairée par le soleil. À l’est, la chaîne des glaciers se dressait sous sa blancheur immaculée, sans distinction des nations et des princes qui croient les posséder, soumis à un seul grand Seigneur et exposé au regard du soleil qui les rougissait. Le Mont-Blanc, en face, nous semblait le plus haut sommet, des glaciers du Valais et de l’Oberland bernois suivaient, des cimes bernoises plus basses terminaient la série. Vers le couchant, la mer semblait infinie. À gauche se voyaient les montagnes de Soleure, plus près celles de Neuchâtel, droit devant nous quelques élévations jurassiennes.

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Au-dessous les maisons du village qui a laissé son nom à la Dent et qui la possède. Vers le couchant les collines boisées de la Franche-Comté bordent l’horizon. Un seul sommet se distingue au nord-ouest. Notre cime est bien une dent. Elle descend à pic, en rentrant un peu, sur une petite vallée ; au bas il y a des bois et des prés. On voit Vallorbe et l’Orbe sortant du rocher. »

Ce texte est extraordinaire car deux cent quarante et un ans plus tard, le paysage des sommets est resté le même. Même dans la descente sur Vaulion, le Mont-Blanc se découpe à la hauteur des gentianes : en face des futures ( ?) éoliennes de deux cents mètres de haut voulues par les villages alentour… Profitons-en et remercions Goethe de sa pérennité !

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