À La Chaux-de-Fonds existe une boutique qui me met l’eau à la bouche à chaque fois que j’y entre : la boulangerie-pâtisserie-confiserie Croissant Show. Les douceurs de mon enfance s’y offrent à moins de cent mètres de la boulangerie de mon arrière-grand-père. Et la fraîcheur, la franchise et la qualité de ces douceurs se font rares dans notre Arc jurassien.
» Fraîches douceurs du Croissant Show« , un octosyllabe pleinement mérité par Graziella et Marcel Vogel qui ont su faire de leur café-boutique un lieu artisanal d’excellence gourmande dans la vieille ville populaire de La Chaux-de-Fonds.
Les parents lucernois de Marcel s’établissent en 1957 à La Chaux-de-Fonds, comme tant de boulangers d’outre-Sarine depuis 1850. À l’exemple de mon arrière-grand-père Benedicht Jacob qui tenait une boulangerie de 1895 à 1925 à la rue de la Charrière 2.
Au début du XXe siècle il y avait soixante-deux boulangeries à La Chaux-de-Fonds, cinquante en 1924 et seulement une demi-douzaine aujourd’hui avec leur laboratoire sur place.
Dans les années soixante à côté du Collège Primaire, détruit en 1972 pour construire le Centre Numa-Droz, le grand-papa de Vincent et d’Olivier Kohler nous régalait de ses frangipanes pendant la récréation, rue Numa-Droz 22.
Les frangipanes, ces tranches d’étudiants bon marché qui fleurent bon nos dix-heures d’enfant, on les trouve bien sûr régulièrement au Croissant Show, qui fait aussi café, avec une décoration indienne assumée : les Vogel sont des amoureux de l’Inde.
Ici, tout est bon, tout est frais, tout est léger. Chaque bouchée de pâtisserie, chaque sandwich ou chaque confiserie sont une aube toujours renouvelée.
Les fleurons de notre enfance (caracs craquants, mille-feuilles et éclairs aériens, vermicelles aux marrons sur un léger meringage, forêt noire avec des griottes au kirsch, baba au rhum) côtoient des créations qu’on mangeait moins dans les années soixante : opéra, truffé au chocolat, saint-honoré, tropézienne, tourte au kirsch de Zoug, crumble aux pommes. Et le Paris-Brest, meilleur que dans les meilleures boutiques de Paris, qui égale celui d’Yverdon dans la délicatesse de sa pâte à chou et le moelleux de sa crème praliné. Et toutes les mousses, toutes les tartes et tartelettes de saison : aux fraises, aux abricots, et des biscômes sans égal, des stollens de Dresde, des bûches, des couronnes des Rois, des tresses russes. Et les sablés, les biscuits de Noël, les flûtes. Et toutes les pièces sèches d’une absolue fraîcheur, des classiques indémodables dans notre région.
On n’en finit pas avec la fraîcheur des douceurs de confiserie quand on se tourne vers le comptoir ou la vitrine nord. Macarons, florentins, amandes et oranges chocolatées et le fameux pavé du Versoix, qui est à notre ville ce qu’est le pavé du château de chez Walder à Neuchâtel. Qui ne craque pas à la Saint-Valentin pour son ou sa chéri-e est un-e ingrat-e.
Nous n’arriverons jamais au bout des plaisirs avec cette boutique où le pain bâlois pour la fondue, les baguettes et le Gustissimo sont des classiques croquants. J’avais élu le sandwich Gustissimo parmi les dix délices gourmandes du canton.
Les autres en-cas salés ne sont pas en reste car Marcel utilise les meilleurs ingrédients pour ses sandwichs, ses canapés, ses bretzels fourrés au beurre d’anchois, ses pâtés à la viande ou au saumon, sa tourte au thon. Et ses ramequins ! Les ramequins des samedis de notre enfance, que chaque boulangerie produisait à l’aube, comme chez Schneebeli au bas de la rue des Granges.
Ainsi au Croissant Show, en face du local du POP et à côté de la pharmacie Rota, devant la boutique de seconde main du Centre social protestant, pas loin du centre de culture ABC et de la place du Marché, trois rues en-dessous de chez Jacob à Charrière 2 vers 1920, se perpétue un héritage précieux, aux racines de mes émotions gourmandes.
Vive nos chers oiseaux de bonheur !