Tottenham Hotspur Stadium, une expérience du XXIe siècle : globale ET locale


Le plus beau stade de football d’Europe vient d’être inauguré à Londres. Dans un des cinq quartiers les plus défavorisés de la capitale où 75 % de la communauté est au bénéfice de l’aide sociale, ce stade qui a coûté un milliard de livres, symbolise notre XXIe siècle, « global ». Son pari, apparemment jusqu’à maintenant réussi, est de rester « local », proche de sa communauté et offrant aux spectateurs des moments chaleureux.

Le quartier de Tottenham se situe au nord de Londres, tout à côté de la rivière Lea et de ses « marshes », des zones humides aujourd’hui réserve naturelle.

Haringey avec Mountview
Google avwedc légende

Jadis pourvoyeur d’emplois dans l’industrie textile, alimentaire et mécanique, il a accueilli de nombreux juifs émigrés au début du XXe siècle. D’où le lien du club avec la communauté juive de Londres. Il est d’ailleurs aujourd’hui aux mains de Daniel Levy, un businessman anglais de confession juive – et non quatari, thaïlandais ou américain… comme à Manchester, Leicester ou … Liverpool.

Tottenham fait partie du borough de Haringey, l’un des vingt-six arrondissements de Londres, qui commence à l’ouest vers Archway, traverse les quartiers aisés de Crouch End pour aboutir à Tottenham et ses multiples communautés.

Les gigantesques investissements consentis par le club ont pour ambition de régénérer le quartier, le N17.

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Daniel Levi le dit dans le journal gratuit local Tottenham Community Press no 22 de mai 2019 :  » Nous voyons ce concept de régénération comme de l’espoir, de la prospérité et de l’amélioration pour Tottenham, en faisant corps avec la communauté locale et en construisant les caractéristiques et les talents du quartier. Notre vision est que celui-ci est une communauté prospère avcec sa mixité sociale. Si vous vivez ici vous devez être capable d’y étudier, travailler et jouer. »

Le maire de l’arrondissement, Joseph Ejiofior, déclare pour sa part que «  le stade va générer des centaines d’emploi pour les résidants et amener un développement économique important pour le commerce local. Notre priorité numéro un et que le stade fonctionne pour tous les résidants. Nous continuerons à travailler avec le club pour que les gens sentent qu’ils bénéficient de ce fantastique futur. »

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Urbanistiquement, le stade offre à l’amateur d’architecture et de football que je suis une expérience unique depuis 2016 : l’avoir vu se bâtir au fils de mes séjours dans le borough de Haringey où je loge dans une exquise guesthouse à Mountview Road. Jusqu’en mai 2017, l’ancien stade du club, White Hart Lane, était encore en service alors que le chantier commençait. Dès la fin de la saison 2017, le vieux stade a été démoli pour reconstruire la moitié du nouveau sur ses ruines. Les images suivantes, présentes dans les couloirs du nouveu stade, illustrent la métamorphose.

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Mes propres images illustrent l’évolution du chantier.

2016-2019

Park Lane : ancien stade de White Hart Lane et nouveau stade

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Le résultat est là aujourd’hui dans cette vue prise du nord ouest vers le sud est. Devant le stade, un grand supermarché Sainsbury et une Haute école de management. A gauche, un petit stade et une école secondaire publique, à droite la High Road et la ligne d’overground. Au fond lesd Tottenham marshes, des zones marécageuses et quelques grasnds réservoirs d’eau.

Le stade s’inscrit donc de manière fluide dans le tissu urbain.

Son côté sud est voué à la démolition, hélas pour le pub no 8, fréquenté par des fans, mais au bénéfice d’une nouvelle surface moderne qui offrira 1200 appartements et maisons privatives, avec … quelques tours ! Le pari est immense de réussir à ne pas excessivement « gentryfier » ce quartier au risque de voir s’exiler plus au nord les personnes les plus précarisées.

Ne soyons pas naïfs : quand on brassse des milliards dans la finance globale, dans les club cotés en bourse, dans des projets immobiliers à rentabiliser, peut-on maintenir des ilôts locaux ? Même si Haringey est « corbyniste », on peut en douter quand on sait que plus au sud dans le même quartier, au métro Seven Sisters, un ilôt de bâtiments abritant des commerces de la seule communauté colombienne de Londres, est voué à la démolition…

Soixante-deux mille places, quoi de plus global pour rassembler une foule trente fois plus nombreuse que dans un opéra ?

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Le spectateur agoraphobe craindrait le pire mais le nouveau stade, au-delà de sa majesté architecturale, réussit à offrir des plaisirs propres au lieu spécifique qu’il constitue. Il propose des espaces de détente et de consommation chaleureux qu’on peut énumérer avec la joie de les avoir expérimentés.

D’abord, ce stade est conçu pour permettre au spectateur, où qu’il soit, une visibilité optimale du jeu. D’où son immense tribune sud de dix-sept mille places avec une pente de trente-cinq degrés. Tribune dont le sommet ménage une ouverture sur le ciel et le paysage, selon où l’on est placé.

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Ensuite, avant et après les matchs, on a le temps de flâner le long des étages et de découvrir différents bars servant notamment de la bière produite à l’intérieur même du stade, la Beawertown. Excellement anglaise comme d’ailleurs la Tottenham pie, un pâté chaud rempli de sauce à la viande !

Le plus grand de ces bars, le Goal Line Bar, côté sud, mesure soixante mètres, la largeur d’un terrain de football.

Les artistes ne sont pas en reste puisque d’imposants murs intérieurs sont ornés de fresques ou peintures illustrant la vie du quartier et créées par des jeunes locaux.

Et finalement, à l’extérieur, un immense atrium de plusieurs centaines de mètres carrés permet, les beaux jours, de finir l’après-midi à écouter des groupes locaux de musique actuelle. C’est de là qu’on découvre une des réussites architecturales de l’atelier américain Populus, le palmier en fer devant la verrière sud.

Ce dimanche 12 mai 2019, Tottenham jouait son dernier match de la saison contre Everton, après sa victoire à l’arrachée devant Ajax qui l’a propulsé en finale de la Ligue des Champions.

Et le stade fut longtemps ouvert, me laissant l’opportunité de grimper, en solitaire, au sommet de la grande tribune sud avec une belle rencontre d’un steward connaissant … Neuchâtel Xamax ! Merci à lui de m’avoir photographié, quasi tout seul dans le stade après le match.

La vue sur les gratte-ciels de Londres dans cette fin d’après-midi lumineuse, l’écrin bleu roi en-dessous, la liesse des fans sur le parvis, tout cela dans ces treize secondes inédites, ineffables et uniques offertes à l’amateur du local dans le global.

Telle est sûrement la meilleure offrande que le XXIe siècle global peut servir au chasseur à l’affût de plaisirs chaleureux hors des sentiers battus : se sentir chez soi dans un gigantesque chef-d’oeuvre de l’architecture.

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