Jusqu’à fin janvier, on peut voir dans les deux musées des Montagnes neuchâteloises quatre expositions de niveau international voire mondial. Quatre artistes nous plongent dans leurs univers uniques. Des binômes multiples (deux femmes/deux hommes, deux photographes/deux peintres-dessinateurs, deux mondes réalistes/oniriques) tissent de belles complications entre les musées et les artistes.
Je ne suis pas sûr que les amateurs loclois, chaux-de-fonniers, neuchâtelois, romands et même suisses ont pris aujourd’hui la mesure de l’extraordinaire et unique conjonction offerte par ces quatre expositions simultanées. Elles forment des dyptiques insoupçonnés entre les musées et entre les artistes et se déploient dans des accrochages sophistiqués dignes des plus grands musées.
Dyptique photographies/peinture-dessin entre les deux musées qui, de surcroît, présentent chacun une femme et un homme.
Et surtout dyptique entre les deux artistes qui se côtoient dans chaque musée, créant entre eux des contrastes et des complémentarités.
Au Locle, deux photographes de mondes extérieurs, inspirés du cinéma chez Alex Prager (en fait une femme) et de la mode chez Erik Madigan Heck. A La Chaux-de-Fonds, deux plongées dans l’inconscient des artistes. Le réel et le rêve, apparemment.
Mais c’est plus subtil. Les photographies réalistes en technicolor de foules américaines d’Alex Prager dégagent des arrière-plans imaginaires importants puisque tout est mis en scène avec, comme chez Hitchcock, des « mac guffins », des éléments perturbateurs d’un réel qui finit par devenir étrange, angoissant et troublant.
Les photographies de mode de Erik Madigan Heck sont tellement travaillées et retouchées qu’elles transcendent le genre pour s’approcher de peintures, avec des mannequins enveloppées dans le décor, ouvrant ainsi le regard du spectateur vers l’imaginaire pictural.
A La Chaux-de-Fonds, que du rêve, apparemment. Les peintures de Luisanna Gonzales Quattrini, innombrables, surgissent de ce que Freud nommait le « ça », le pur inconscient encore informé. Pourtant chaque oeuvre de cette peintre montre systématiquement le réel de la peinture en train de se créer, par taches, trainées, nuées et empilements.
Quant à Paul Noble, le déploiement de son île imaginaire ne se fait qu’à travers la précision obsessionnelle du trait de crayon, réalisme présent dans les moindres détails des quelques oeuvres présentées.
Les deux musées des beaux-arts du Haut, sans s’être apparemment concertés, offrent donc quatre expositions de niveau international dans leurs espaces uniques, avec une science de l’accrochage consommée.
Cet hiver on ne verra pas mieux dans une région ou une ville suisses que chez nous. Notre chance, et notre devoir, est d’en avoir conscience !
Et merci à Anne Bisang et son équipe d’avoir invité les amis du TPR à visiter ces deux expositions à dix jours d’intervalle. Quels suggestifs points communs entre elles et le concept théâtral de « belles complications » où les mêmes acteurs vont jouer dans plusieurs créations au fil de la saison !
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