La petite réplique de notre Constable à la Tate Britain


Dans le cadre de la stimulante exposition Répliques au Musée des beaux-arts, on aurait pu parler de la petite réplique du plus fameux et controversé tableau de la collection, le Dedham from Langham de John Constable. Son mini-clone, ou plutôt son petit frère, se trouve exposé de manière permanente une salle dédiée au peintre à la Tate Britain à Londres où je l’ai fait voir à des étudiants en voyage d’étude ce printemps.

 

 

 

 Esquisse à l’huile de la Tate Britain
Tableau de La Chaux-de-Fonds (99 X 66)

 

Constable est un de mes peintres préférés pour de multiples raisons. S’il est le premier dans l’histoire de l’art à peindre des paysages dénués de symboles dans le format d’une peinture d’histoire, il est surtout anglais. Par ses ciels, par la région entre l’Essex et le Suffolk, si proche de lieux personnels intimes, par Londres où il peint dans son atelier; Londres, la ville dont les musées contiennent le plus de ses oeuvres.

 » La vallée de Dedham, au nord-est de Londres, où coule la Stour, marque la frontière entre l’Essex et le Suffolk, a souvent été représentée par Constable, qui y passa son enfance », lit.on dans le catalogue chaux-de-fonnier. L’oeuvre de Londres est petite esquisse à l’huile (comme le dit le cartel de la Tate Britain, « c’est dans de telles oeuvres que la technique de peindre des petites esquisses en plein air a atteint son apogée« ) et celle de La Chaux-de-Fonds, est aussi « l‘esquisse d’atelier d’un tableau non exécuté« . On peut faire l’hypothèse que Constable a songé à peindre un grand tableau de presque deux mètres comme sa célèbre Charrette de foin, qui représente un paysage aujourd’hui encore conservé dans son état puisque le « Constable country » appartient au patrimoine anglais.

 

Ma photo de 2006 et La Charrette de foin (1821)

 

Sur le tableau chaux-de-fonnier,  « la vallée est vue depuis Langham en direction de l’est; la tour de l’église de Dedham, minuscule verticale au centre de la composition panoramique, qui s’oppose au trait lumineux du bras de mer où se jette la rivière, désigne la rencontre du ciel et de la terre » (in Catalogue des collections du MBA, 2007). Cette oeuvre est la seule vue peinte de moyen format avec ce point de vue et le tableau fut exposé en 1991 à la Tate Gallery. Le voici dans le catalogue publié par le grand musée londonien.

 

Aujourd’hui donc tombe la nouvelle, après neuf ans de polémiques, de coups bas de Alain Monteagle, d’articles dans la presse mondiale et d’hésitations dans la conduite à adopter entre 2008 et 2010 : la Ville de La Chaux-de-Fonds, moyennant dédommagement (nous avons quand même restauré et fait connaître la tableau, du temps d’Edmond Charrière !) et reconnaissance de son bon droit, devra restituer l’oeuvre à la famille Monteagle. Le nouveau Conseil communal a enfin pris le taureau par les cornes et propose une solution que jamais au sein de la Commission nous n’avions discutée. D’ailleurs, le secret de fonction m’empêche d’en dire plus sur les débats de cette instance dont je ne suis plus membre depuis juin 2016.

J’éprouve cependant une certaine déception à la lecture d’un rapport qui, s’il évoque les aspects juridiques, éthiques et financiers de l’affaire, omet totalement ce que j’ai toujours trouvé essentiel : la réflexion philosophique qui devrait nous guider pour faire la différence entre un objet marchand et une « oeuvre », qui contient tout un monde, qui a sa vie propre. Cette position ne semble pas avoir animé les débats entre la Ville et les héritiers.

En 2008, Jean-Pierre Veya s’était au départ emmêlé un peu emmêlé les pinceaux; Théo Bregnard est à malgré tout à féliciter pour avoir trouvé une bonne solution mais il faut s’élever encore plus haut dans l’audace, la négociation et le respect de l’oeuvre.

Je propose donc que les partis politiques, qui devront débattre de la restitution le jeudi 28 septembre au Conseil général, trouvent une voie pour que ce tableau rejoigne éventuellement son petit frère de couleurs et d’esprit à la Tate Britain de Londres (ou même au Victoria and Albert Museum qui possède une autre esquisse similaire).

Ce chemin, long à tracer, implique donc que la restitution à la famille puisse être accompagnée d’une clause supplémentaire, indépendante de la restitution. C’est dans ce sens que le parti socialiste proposera, après l’adoption de la restitution, une demande au Conseil communal d’ « étudier rapidement toutes les possibilités permettant que le tableau de John Constable, Dedham from Langham, dans le cadre de la restitution faite à l’indivision Jaffé, retrouve sa place d’origine, à Londres; et, même mieux peut-être, au musée de la Tate Britain, qui serait garant de sa conservation et de sa valorisation, dans le respect de son histoire tragique ».

 

 

 

Intégralité des interventions du parti socialiste au cours du Conseil général du 28 septembre 2017 à lire ici !

Reportage de RTS1 passé au 1245 du vendredi 29 septembre

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