Le Lisbonne d’Amália Rodrigues


L’exposition sur le fado du Musée d’histoire nous donne l’occasion de partir sur les traces lisboètes d’Amália Rodrigues. Nous la suivrons dans la maison de son quartier d’Alcantará, passerons à côté de son tombeau dans le Panthéon de Lisbonne et la verrons chanter deux de ses chansons lisboètes et fadistes célèbres.

Amália Rodrigues, de son nom complet Amália da Piedade Rebordão Rodrigues, née le 23 juillet 1920 à Lisbonne, ville où elle est morte le 8 octobre 1999 est surnommée la« Reine du fado » (Rainha do Fado). C’est la chanteuse qui a le plus popularisé ce chant dans le monde. Elle a enregistré plus de 170 disques au cours de sa vie. Elle a aussi été une grande ambassadrice culturelle du Portugal et sa voix inimitable (une sorte de Callas du fado) lui a valu une réputation internationale.

Elle eut une carrière d’enregistrement et de représentations de quarante ans. Sa notoriété devint internationale durant la période 1950-1970, mais ses liens assez troubles avec le régime du dictateur António de Oliveira Salazar lui valurent un retrait de la scène pendant une dizaine d’années après la révolution des Œillets de 1974.

Mais il faut dire qu’à la fin des années 1930, au contraire, l’Estado Novo impose sa censure aux chanteurs populaires, les fadistes en particulier, qui s’étaient ancrés dans le mouvement ouvrier du port de Lisbonne. En 1939, Amalia Rodrigues faisait ses débuts dans un bar à fado, O Retiro da Severa. Elle devint la voix du Portugal, fut injustement assimilée au salazarisme, qui s’en servit sans l’aimer, « parce que le salazarisme au fond détestait le fado », dit Carlos do Carmo.

A Lisbonne, rue Sao Bento se trouve le musée Amália  Rodrigues dans la maison typique du XVIIIe siècle qu’elle habita à la fin de sa carrière et de sa vie.

Le jardin, au printemps, sent le jasmin et sert de cafétéria. A l’intérieur, non photographiable, on se promène dans l’appartement laissé intact après la mort de l’artiste à la voix incomparable.

L’émotion de la visite guidée est accentuée par un environnement sonore constitué de chansons célèbres. C’est par contre le silence dans le Panthéon de grandes fugures portugaises, presque au bord du Tage et à côté du quartier d’Alfama.

Le catafalque de la chanteuse est placé dans une petite chapelle latérale.

Il y a sûrement quelque chose de fétichiste, sinon futile, à insister sur les lieux où naquirent, vécurent et moururent les grands poètes ou  artistes. A coup sûr cependant, l’esprit des lieux traverse leurs oeuvres et Aï Mouraria en est la preuve,

 » Ai, Mouraria est une chanson plus qu’un fado. C’est presque un fado. Il dit le souvenir poignant d’un amour que « le vent, comme une plainte, a emporté ». Un amour révolu, indissociable du quartier de Lisbonne dans lequel il a eu lieu, la Mouraria (littéralement : la Maurerie, le lieu des Maures), aujourd’hui encore l’un des plus dépaysants de cette ville exotique où le temps suit un cours singulier. (…) 



Ai Mouraria, cette chanson au caractère si portugais et qui fut l’un des premiers très grands succès d’Amália Rodrigues, a pourtant été composée au Brésil, en 1945. Amália s’y produisait alors, principalement à Rio, accompagnée d’une sorte de troupe préalablement constituée au Portugal, au sein de laquelle se trouvaient le compositeur et chef d’orchestre Frederico Valério et le parolier Amadeu do Vale.  » (extrait d’un article du blog https://jepleuresansraison.com/)

Ai, Mouraria

Da velha Rua da Palma,

Onde eu um dia deixei

Presa a minha alma,

Por ter passado mesmo

Ao meu lado certo fadista

de cor morena,

boca pequena e olhar trocista.

Ai, Mouraria

Do homem do meu encanto

Que me mentia,

Mas que eu adorava tanto.

Amor que o vento,

Como um lamento,

Levou consigo,

Mais que ainda agora

A toda a hora trago comigo.

Ai, Mouraria

Dos rouxinóis nos beirais,

Dos vestidos cor-de rosa,

Dos pregões tradicionais.

Ai, Mouraria das procissões a passar,

Da Severa em voz saudosa,

Da guitarra a soluçar.

Ah ! Mouraria

Ah ! la vieille rue de la Palme…

Cette rue dans laquelle mon âme

S’est laissée prendre

Au passage d’un certain fadiste,

La peau brune,

La bouche petite et l’œil moqueur.

 

Ah ! Mouraria

Ah ! l’homme de mon ravissement,

Il me mentait,

Mais je l’adorais, je l’adorais.

Amour que le vent,

Comme une plainte a emporté,

Mais qu’aujourd’hui encore,

À chaque instant je porte en moi.

 

Ah ! Mouraria

Les rossignols sous les toits,

Les robes roses,

Les cris traditionnels des vendeurs de rue,

Les processions, la voix mélancolique de la Severa,

Les sanglots des guitares.

L’autre célèbre chanson que j’ai choisie, Fado Portugues, exprime la quintessence du genre.

O Fado nasceu um dia,
quando o vento mal bulia
e o céu o mar prolongava,
na amurada dum veleiro,
no peito dum marinheiro
que, estando triste, cantava,
que, estando triste, cantava.

Ai, que lindeza tamanha,
meu chão , meu monte, meu vale,
de folhas, flores, frutas de oiro,
vê se vês terras de Espanha,
areias de Portugal,
olhar ceguinho de choro.

Na boca dum marinheiro
do frágil barco veleiro,
morrendo a canção magoada,
diz o pungir dos desejos
do lábio a queimar de beijos
que beija o ar, e mais nada,
que beija o ar, e mais nada.

Mãe, adeus. Adeus, Maria.
Guarda bem no teu sentido
que aqui te faço uma jura:
que ou te levo à sacristia,
ou foi Deus que foi servido
dar-me no mar sepultura.

Ora eis que embora outro dia,
quando o vento nem bulia
e o céu o mar prolongava,
à proa de outro velero
velava outro marinheiro
que, estando triste, cantava,
que, estando triste, cantava

Le fado naquit un jour,

Du frémissement d’un vent mauvais

Et du ciel confondu avec la mer,

Depuis les plats-bords d’un voilier,

Dans la poitrine d’un marin

Qui était triste, qui se mit à chanter.

Qui était triste, qui se mit à chanter.

Ah, quelle beauté magnifique que celle

De mon pays, montagnes et vallées,

Et les feuilles, les fleurs, les fruits d’or

Vois comme on voit les terres d’Espagne,

Les sables du Portugal,

Œil aveuglé par les larmes.

De la bouche d’un marin

D’un fragile bateau à voiles

Mourante et douloureuse une chanson

Dit l’aiguillon des désirs

Des lèvres la brûlure des baisers

Baisers de vent, et rien de plus…

Mère, adieu, Adieu Marie.

Garde bien ici dans ton cœur

Le serment que je te fais

Ou bien je t’emmènerai à la sacristie

Ou bien Dieu dont je suis le serviteur

Me donnera la mer comme sépulture

Or voici que vint un autre jour,

Nul frémissement de vent,

Et ciel et mer confondus,

A la proue d’un autre voilier

Veiller un autre marin

Il était triste, il se mit à chanter.

Il était triste, il se mit à chanter.

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