Dans l’arrondissement londonien le plus multiculturel d’Europe, Newham, se trouve le mythique stade Boleyn Ground où a joué pendant plus de cent ans le club de football de West Ham United. C’était une sorte de pèlerinage que d’assister le 27 février à un des derniers matchs que cette équipe y disputera avant sa migration au stade olympique, cinq kilomètres plus à l’ouest. Elle risque d’y perdre son âme.
Pourquoi s’intéresser à une équipe pas plus pure ou plus performante que d’autres à Londres, à sa fondation un club de travailleurs de la métallurgie, d’où le surnom des Hammers, les tapeurs de marteaux ?
Peut-être parce que la tribune principale donne sur l’est, l’Essex de l’embouchure de la Tamise, région tant fréquentée quand j’allais y passer des vacances jusqu’en à Basildon, une cité dortoir construite après la guerre. Et, surtout, l’équipe de 1966 comptait Bobby Moore, Geoffrey Hurst, Martin Peters et Martin Wilson dont la statue devant le stade rappelle qu’ils furent les piliers de l’équipe d’Angleterre gagnante de la Coupe du Monde 1966 : les premiers temps des retransmissions télévisées…
A la sortie du métro d’Upton Park, tout un monde s’ouvre à nous dans le Queen’s Market et dans Green Street : des communautés africaines et moyenne orientales, essentiellement musulmanes, vivent dans ce quartier au taux de chômage important en Grande-Bretagne.
Exotisme des boucheries hallal, des salons de coiffure-ongleries bondés, des fruits et des légumes empilés.
120 langues sont parlées dans le borough de Newham mais une seule seulement dans le pub à côté, rendez-vous obligé des supporters anglophones du club avant le match. On y boit des Guinness à côté de photos défraichies de Bobby Moore. Le club de West Ham n’est pas réputé pour son ouverture politique et culturelle …
Si l’on veut prendre de l’énergie avant le match, ce jour-là à 12 h 45, on peut s’empiffrer de douteux burgers ou, mieux, d’une sorte de sandwich au boeuf bouilli, le Rib Meat Roll : trois grandeurs à disposition, arrosé d’une sauce brune piquante, la Holyfuck hot sauce.
Le marché, la rue, les pubs, les petits stands d’écharpes et de bonnets, les grills ambulants, la foule encore populaire qui se rend au match dans un stade construit dans un environnement urbain bigarré : c’est un univers humain qui disparaîtra dans l’antre aseptisé du parc olympique. Mai 2016, c’est « Farewell Boleyn Ground » et « Bonjour Queen Elizabeth Stadium » en août 2016.
On n’y pénétrera plus par des tourniquets étriqués, on n’y montera plus des étages d’escaliers en béton avant d’atteindre sa place, on n’y boira plus une bière à la mi-temps dans un goulet bruyant.
Et, à la sortie du match, on ne passera plus à côté de la mosquée et d’un petit parc public pour rejoindre la station de métro de East Ham…
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