Sur les forums sociaux se lisent de multiples commentaires, peu informés, sur l’affaire Monnard. Des questions importantes reviennent ; j’en ai choisi dix pour y donner des réponses les plus complètes possibles. C’est aussi mon rôle d’élu souhaitant travailler dans la transparence et sans langue de bois.
1. P.-A. Monnard est-il le seul responsable de la débâcle financière ?
Non, mais il en est le principal et de ce fait la demande de sa démission est justifiée. Mais ses autres collègues et nous, élus, portons aussi selon moi une part de responsabilité que j’ai développée dans m0n article du 1er mars. « Tous les élus de tous les partis, moi y compris, portons une part de responsabilité dans l’aveuglement plus ou moins fort en face de la débâcle financière qui touche notre ville. Personne ne peut se targuer d’avoir eu sous les yeux des chiffres précis qui l’auraient alarmé avant le vote du budget 2015 le 11 décembre 2014. Ces chiffres existaient pourtant ! Pourquoi nous les avoir cachés ? Pourquoi ne pas les avoir exigés ? Pourquoi avoir voté, à gauche, un budget rationnellement discutable le 11 décembre ? Dans une salle où se trouvaient à moins de dix mètres de nous, les passagers, le chef du dicastère des finances, le pilote, et son chef de service, l’aiguilleur du ciel ! ».
2. L’ensemble du Conseil communal aurait-il dû démissionner en vue de nouvelles élections ?
Non, car quand on doit très vite aller au front, comme à la guerre; il est impossible de changer les généraux pendant la bataille. La démission en bloc du Conseil communal aurait paralysé la ville pendant six mois ; nous aurions voté au minimum fin juin et les éventuels nouveaux élus auraient été en fonction moins de neuf mois avant les prochaines élections de mai 2016. Comment l’exécutif aurait-il pu mener de front une campagne électorale, la refonte du budget 2015 et la préparation du budget 2016 ? La ville aurait été un champ de ruines et il faut plutôt soutenir l’effort important accompli par les quatre collègues du convalescent. Taper pour taper donne l’illusion du bien-être !
3. Le mode d’élection du Conseil communal à la proportionnelle est-il satisfaisant ?
Non car s’il est selon moi meilleur que l’élection indirecte par le Conseil général, il oblige les partis à construire des listes de cinq noms pour récolter le maximum de suffrages. C’est avant tout une élection de partis, non de personnes : élire un exécutif communal, ce n’est pas la même chose qu’élire quatre conseillers nationaux.
Ainsi, pour avoir deux sièges, un parti doit obligatoirement récolter 33 % des suffrages. Même avec plus de suffrages que Mme Schallenberger, MM. Veya, Legrix et Monnard, la socialiste Annie Clerc a été battue en 2012 car le PS a récolté moins de 30 % des suffrages. Jusqu’en 2000, c’était le Conseil général qui élisait le Conseil communal. La nouvelle loi cantonale le permettant, les citoyens de notre commune ont accepté l’élection à la proportionnelle, hélas dans un premier temps plébiscitée par le PS, au nom de la sacro-sainte méfiance à l’égard de la personnalisation politique.
C’est elle qui a permis à l’UDC Pierre Hainard d’entrer au Conseil communal en 2004 ; c’est elle qui sauvé le siège popiste en 2008 alors que les Verts avaient plus de suffrages pour le Conseil général mais moins pour le Conseil communal. C’est surtout elle qui a créé la gabegie en 2008 au PLR : Frédéric Hainard a été élu en même temps que son père ; il a cédé sa place au deuxième, Laurent Iff, qui y a renoncé pour se consacrer à son entreprise. Le troisième de la liste, P.-A. Monnard, a donc été propulsé à l’exécutif, avec 4 voix d’avance sur Xavier Huther, l’actuel administrateur du dicastère des affaires culturelles dirigé par le popiste J.-P. Veya ! On connaît la suite, désastreuse pour ce parti fondateur de la République !
Voilà les désavantages de ce système qui devrait céder sa place à l’élection majoritaire à deux tours comme pour le gouvernement cantonal. Je crois que les électeurs chaux-de-fonniers (32 % seulement du corps électoral en 2012) verraient d’un très mauvais œil qu’on les prive de leur pouvoir en revenant à l’élection indirecte. C’est pourtant la position paradoxale du POP. Il n’est pas question de changer les règles du jeu pour 2016 mais je m’engage à soutenir une modification visant à passer à l’élection majoritaire en 2020.
4. Est-il normal qu’un conseiller communal qui quitte ses fonctions reçoive des indemnités ?
Oui, car un élu compétent (qui a peut-être quitté un emploi pour accepter la fonction) peut être battu à une élection et avoir de la peine à retrouver tout de suite du travail. Le règlement communal de 2005 a été modifié afin de supprimer les rentes à vie qui nous coûtent encore 800’000 francs par an pour des anciens conseillers encore vivants, notamment MM. Augsburger, Bringolf, Vogel, Jeanbourquin et Mme Berthet.
Comme P.-A. Monnard a siégé 7 ans, ce serait 7 X 1,5, soit environ 150’000 francs. Et comme il a fêté son 58e anniversaire début mars, âge minimum possible pour une retraite anticipée, il n’aura pas droit à trois mois en plus et verra son indemnité réduite d’un tiers. Donc 100’000 francs. Mon interprétation est que M. Monnard a décidé qu’il ne reviendrait pas car dans tous les cas avec son indemnité de conseiller national, il va pouvoir encaisser en une année 150’000 francs. Il a sûrement cette fois fait de bons calculs. Il vaut mieux pour lui partir en démissionnant maintenant et prendre une retraite anticipée en touchant les 100’000 francs d’indemnités. S’il était resté jusqu’en juin 2016, il aurait touché 200’000 francs de salaire théoriquement. Comme on aurait sûrement engagé la procédure de destitution, ses frais d’avocat pour ses recours lui auraient coûté bonbon. Alors, quand il dit qu’il pense plus à la ville qu’à ses intérêts personnels, je me permets de sourire, tout en lui souhaitant … bonne continuation car je ne veux pas sa mort ! Ça sera intéressant de le voir siéger au Conseil national jusqu’en novembre ! Il n’aura pas de soucis à se faire puisque il ne s’y représentera plus. Bref, ce n’est quand même pas mal pour continuer sa convalescence !
5. La seule faute catastrophique de P.-A. Monnard concerne-t-elle les comptes 2014 et le déficit de 12 millions au lieu du bénéfice de 2 millions ?
Surtout pas, car nous avons élaboré un budget 2015 sur ces chiffres qui nous auraient amenés à un déficit de 20 millions fin 2015. Le budget 2015 doit être refait et comme je ne suis pas membre de la commission financière tenue au secret de fonction, je ne sais pas quel sera le déficit 2015 : espérons moins de 10 millions (en fait 12, voté le 4 mai !) avec les mesures d’économie prises (réduction des investissements, des frais de fonctionnement des services et de la masse salariale). Le problème des budgets 2016 et 2017 est examiné dans la question 7.
6. Pourquoi notre ville s’en tire-t-elle moins bien que Neuchâtel et Le Locle pour les rentrées fiscales sur les bénéfices des entreprises ?
C’est difficile à expliquer de manière simple. En résumé, et sauf erreur de ma part, dans notre canton les personnes physiques paient beaucoup d’impôts mais les entreprises moins que la moyenne suisse. Le tableau ci-joint le montre.
Comme celles qui étaient sous le bénéfice de forfaits fiscaux jusqu’en 2010 doivent maintenant payer, cela rapporte davantage aux communes où elles sont implantées. Or presque aucune (ou aucune) de celles-ci n’est établie à La Chaux-de-Fonds. Mais il y en a au Locle comme Johnson et Johnson et Tissot. Et comme les grandes entreprises de notre ville ne semblent pas aller très bien ou sont en train de construire (donc de pouvoir déduire de leurs impôts), nous avons ce problème de rentrées fiscales inférieures aux deux autres villes. Le Locle, quatre fois moins grande, reçoit presque autant de l’impôt sur les personnes morales que nous : 19 millions contre 20 ! Neuchâtel touche 88 millions avec Philip Morris notamment.
Est ajouté le 13 mai 2014 le très bon article de L’Impartial avec l’analyse pertinente des deux Théos, Bregnard et Huguenin-Elie.
7. Notre ville pourrait-elle mise sous tutelle par l’Etat ?
Oui, si les déficits des budgets des années 2015 et suivantes ne sont pas épongés par notre fortune. C’est la loi sur les communes neuchâteloises, visant au frein sur les dépenses, qui l’édicte. A fin 2014, notre fortune était de 29 millions. Avec le déficit 2014 de 12 millions, il nous reste 17 millions. Le budget déficitaire 2015 (12 millions) nous laissera 5 millions. Les budgets 2016, 2017 et 2018 nous obligeront à réduire notre voilure. Sinon, c’est l’Etat qui gérerait la ville et qui pourrait par exemple nous obliger à une augmentation des impôts de plusieurs points, chaque point rapportant un million. Nous n’en arriverons pas là avec Mme Morel, une rigoriste dans les finances; on peut lui faire confiance sur ce point, bien plus qu’à son prédécesseur qui se perdait dans ses explications tortueuses lors de certaines séances du Conseil général.
Trois moyens pour arriver à des budgets quasi équilibrés les prochaines années : la diminution des investissements financés par l’impôt (qui coûtent en amortissements) ; la diminution des frais de fonctionnement des services et la diminution de la masse salariale. On ne peut pas ne plus rien investir et les services doivent pouvoir fonctionner même avec moins de moyens. Il est donc impossible de pas toucher la masse salariale. Les mesures ont déjà commencé pour la refonte du budget 2015, que je ne connais pas encore.
8. Notre ville vit-elle au-dessus de ses moyens ?
Eb ce début avril 2015, hélas oui, mon récent article du 1er mars essaie de le montrer. La croissance des moyens des services a été trop importante depuis 2013, trop de personnel non imposé par les lois (école, accueil scolaire et aide sociale) a été engagé depuis 2009. Je ne reviens pas là-dessus sauf pour dire que le budget 2015 revu à la baisse le 4 mai a déjà réduit un peu la voilure
9. Est-il juste de diminuer le salaire des employés communaux plutôt que de licencier ?
Oui et non !
Oui car ainsi on ne supprime pas drastiquement des services, des prestations (ou même des subventions) mais on fait supporter dans un premier temps l’effort par tout le personnel qui se sacrifie en proportion de sa classe salariale. Mon dernier article a montré ma réserve sur la manière dont le Conseil communal a annoncé les mesures sans regard critique sur son fonctionnement. Licencier un collaborateur sans lui proposer un autre poste signifie légalement une indemnité de six mois de salaire. Ce qui a aussi un coût. La décision de ne pas systématiquement remplacer un départ et de ne plus créer de postes supplémentaires est cependant une mesure qui risque de pas avoir beaucoup d’effets.
Non car une analyse froide pourrait amener à ce que le sacrifice ne touche pas tout le monde. Il faudrait choisir de se passer de collaborateurs dans les domaines de la communication et des relations publiques, à diminuer le nombre d’employés dans la voirie, le service du domaine public, les bibliothèques, les musées et les centres sportifs. Ce qui signifierait pendant quelques années : une ville qui se referme sur elle-même ; une cité moins propre, moins déblayée et moins fleurie; avec moins de contraventions et de surveillance dans l’espace public ; avec moins de travail scientifique sur notre patrimoine ; avec moins d’heures d’ouverture des bibliothèques, musées et piscines patinoires. C’est la quadrature du cercle qui ouvre à toutes les réactions schématiques et populistes. Mais ce serait se voiler la face que d’imaginer que rien ne sera touché dans la masse salariale. C’est là que les choix politiques, je l’espère avec un minimum de consensus, devront peut-être se faire pour 2016.
10. Peut-on espérer que les deux grands projets-phares « gelés », le centre aquatique et le zoo-musée, pourront démarrer en 2018-2019 ?
Non, car les nouvelles règles cantonales en matière financière fixent des contraintes drastiques pour les investissements financés par l’impôt (d’autres, comme la réfection de canalisations, sont financés par des taxes ou des subventions). Ainsi, la capacité d’investissement d’une commune est proportionnelle à sa fortune. Il est donc exclu d’imaginer investir 65 millions pour ces deux projets (48 et 17), tout beaux qu’ils soient. Faire croire le contraire est un déni de la réalité.
Il faut totalement les redimensionner. L’important est de refaire les bassins, les vestiaires et le chauffage de la piscine des Mélèzes. Si on ne veut pas la mort du Musée d’histoire naturelle, il faut reprendre le projet, peut-être selon une piste iconoclaste que je propose au moins d’étudier. Actuellement, le Bois du Petit Château et les quatre musées (MHNC, MIH, MBA, MH) coûtent 7 millions par an sur le budget de fonctionnement de la ville, qui tourne autour de 250 millions. C’est en même temps peu et beaucoup selon le point de vue où on se place. Et si on se disait qu’on investissait en 2018 huit millions dans un projet plus modeste avec la garantie donnée aux citoyens qu’on reste à un coût annuel de 7,5 millions pour le tout ?Ce n’est possible que si les trois autres musées (MIH, MBA, MH) acceptent de faire des sacrifices pour que le quatrième, le MHNC, continue de vivre ! C’est un dilemme cornélien !