La limpide exposition Courbet de la Fondation Beyeler me donne l’occasion de faire une hypothèse : et si Courbet était un peintre spinoziste ? Spinoza, le plus grand philosophe du XVIIe siècle, est admirable par sa conception nouvelle de la nature, son refus de la transcendance et sa morale non marquée par la présence du mal.
Ainsi Courbet illustrerait d’abord cette idée révolutionnaire de Spinoza que le monde et Dieu sont ontologiquement identiques. Dieu est un « être absolument infini, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs« . Tout pour Courbet est digne d’être peint car c’est la nature dans l’infinité de ses éléments qui suscite son désir de peintre : des rochers, des chevreuils, des vagues, des nuages sur la mer, des grottes, un talus enneigé, une rivière encaissée dans une forêt, un bouquet de fleurs, des corps de femme, un sexe féminin.
Dans cette vision du monde, le réel est un système « horizontal » qui doit être compris sans en sortir pour essayer de le transcender ou y percevoir l’image d’une transcendance. Chez Courbet il n’y a pas comme chez Constable de hiérarchie dans laquelle on s’élèverait de la matière à l’esprit : pas de signe d’un Dieu transcendant et dispensateur de bienfaits dans une vague ou sous un ciel. Gustave Courbet est le peintre de l’immanence.
Constable, Dedham vu de Langham, Musée de La Chaux-de-Fonds
Comprendre « Dieu ou la nature » c’est entrer dans le réel lui-même. D’ailleurs, Spinoza pense que la vérité est son propre critère. Ainsi un peintre comme Courbet voit la vérité par ses yeux de peintre, il n’enracine pas sa vision dans une source mystique livrée par une mystérieuse intuition. Ce qu’il peint, c’est ce qu’il voit par les yeux de l’esprit, c’est la vérité même du réel.
Autant dire que dans cette philosophie, le mal est un concept fruit de l’ignorance et de l’imagination. « Par mal, j’entends toute forme de tristesse, notamment celle qui frustre un désir. » Rien de mal à peindre ce qui jusqu’à Courbet n’a jamais été peint.
L’homme libre qui peint l’origine du monde poursuit la perfection parce qu’il médite sur la vie plutôt que sur la mort; il trouve dans l’activité même de la peinture sa joie de vivre.
C’est pour cela que l’exposition de Bâle, dans son accrochage aéré et rigoureux, dans le choix d’oeuvres modérément grandes, est pure joie !
Le début est très bien, raisonné. Le parallèle est plutôt attirant, il est vrai que de rapprocher Spinozisme et Courbet est intéressant pour la réflexion. Mais la fin de votre analyse, est assez pauvre en images et ne laisse pas transparaître le début de réflexion que vous laissez apparaître au début du texte. Au plaisir de pouvoir rencontrer votre pensée de façon plus aboutie la prochaine fois.