Le 2 mars 1976, devant 200 (!) personnes Christian Ferras jouait à la Salle de musique le Concerto pour violon de Beethoven avec l’Orchestre symphonique neuchâtelois dirigé par Théo Loosli. Ce fut un concert mémorable donné par un des plus grands violonistes du siècle qui était miné par l’alcoolisme dans les dernières années de sa vie.
Mémorable par la qualité du son de Ferras : une « chaleur vibrante« , une « sonorité brûlante qui n’excluait ni le charme ni la tendresse« . On a dit que le lendemain à Neuchâtel, il avait dû recommencer un morceau ; mais peu importe, le souvenir est intact.
Il faut, en discophile averti, retrouver l’essence de son jeu dans l’intense collaboration qu’il eut dans les années soixante avec Karajan. Il enregistra avec lui les Brahms, Beethoven, Tchaïkovski et Sibelius. Leur interprétation du Beethoven est une référence absolue.
Mon concerto pour violon et orchestre favori est celui de Brahms qui culmine avec son sublime adagio. Parmi les innombrables interprétations de cet op. 77, celle de Ferras/Karajan est (avec Grumiaux, Szigeti, Stern, Milstein et Oistrakh) ma préférée.
Dans la forme lied classique, cet adagio commence par une page orchestrale en forme de choral. « Le hautbois expose une mélodie ample et sereine. Elle est harmonisée aux seuls instruments à vent. Le soliste la reprend et l’amplifie, dans un dessin de plus en plus élaboré et complexe. La partie centrale, plus tendue et dramatique, parcourt toute l’étendue du registre du violon, et montre de fréquents changements de valeurs rythmiques dans la partie soliste. Le retour de la première partie superpose d’abord le thème au hautbois à des ornements du violon dont les lignes s’élèvent ensuite vers des hauteurs dématérialisées. Toute la fin du mouvement est maintenue dans une luminosité diaphane et dans une paix totale. » (André Lischké). Voici l’intégralité de cet adagio dans ce célébre enregistrement de Ferras/Karajan en 1964. La sonorité légèrement réverbérée de la Jesus-Christus-Kirche de Berlin ajoute à la magie.
Créé le 1er janvier 1879 à Leipzig, où j’ai fait mon pèlerinage au Gewandhaus et à l’église Saint-Thomas l’automne passé, ce concerto sera joué en septembre à Lucerne par Leonidas Kavakos avec le Concergebouw d’Amsterdam dirigé par Mariss Janssons. J’y serai …