Déontologie républicaine


La récente prise de position sur Facebook d’un fonctionnaire de police neuchâtelois à propos de réfugiés accueillis dans sa commune oblige à réfléchir sur la déontologie républicaine qui doit animer tant les serviteurs de l’Etat que les élus.

 

 

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  Patrick Siron, le policier en question

 

Le principe cardinal d’une République est l’égalité des droits des gens qui la composent, tant ses citoyens que ceux qu’elle accueille : c’est le formidable acquis de la Révolution française, fondatrice des républiques modernes dont celle de notre canton qui fête cette année le bicentenaire de son entrée dans la Confédération.

L’égalité républicaine postule que personne n’est inférieur à autrui notamment quand il doit se faire soigner, éduquer, protéger, nourrir et loger. Mais aussi quand il ne respecte pas la loi : il ne faut pas être moins ou plus sévère à l’égard d’un voleur de pommes dans un supermarché, qu’il soit fils de conseiller communal ou demandeur d’asile.

Le sergent Siron, comme la plupart des personnes aisées du monde occidental, a une si haute considération de son nombril, de sa personne privée, de sa liberté de citoyen et de père de famille, qu’il utilisait les réseaux sociaux pour se montrer, s’épancher, parler avec ses tripes. C’est ce qu’il croyait son droit et son retrait de Facebook montre qu’il a saisi le conflit d’intérêt qui l’a aveuglé.

 

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Être sur Facebook avec 600 amis oblige l’internaute réfléchi à considérer que tout ce qu’il y écrit est public et ne l’engage pas simplement comme personne privée mais comme acteur public, d’autant qu’en l’occurrence M. Siron est président du syndicat cantonal des policiers. Robin Erard a très bien analysé les regrettables effets du « post » du « policier Siron ».

 

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La maladresse, l’erreur, la faute ou le lamentable dérapage de Monsieur Siron, mon collègue, (je refuse de juger) oublie qu’un fonctionnaire, comme tous les membres d’un corps de métier, doit obéir à des règles déontologiques qui fixent les limites de ses actions ou paroles en fonction de la profession qu’il exerce.

Un élu est également soumis à des règles dans l’exercice de ses mandats politiques, de surcroît, comme c’est mon cas, quand il est l’époux d’une cheffe de service de sa ville d’élection.

Or, ces principes qui prennent corps dans le secret de fonction, le devoir de réserve ou la récusation, sont aujourd’hui régulièrement et allègrement foulés au pied par tout un chacun, du petit fonctionnaire au ministre, tant la pression nombrilique attisée par les multiples attentes médiatiques est forte.

Le secret de fonction régit le travail de tous les fonctionnaires ou employés du privé comme du public. On n’imagine pas un médecin révéler la maladie de son patient, un enseignant parler des problèmes familiaux de son élève ou un policier rendre public la présence des radars routiers. Le fonctionnaire neuchâtelois obéit d’ailleurs à ce principe notifié par le règlement de la fonction.

 

 

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Pour notre part, notre métier d’enseignant nous amène à connaître d’innombrables situations personnelles qu’il est parfois difficile de taire absolument quand on retourne chez soi, je le reconnais bien volontiers. Un collègue s’est une fois fait reprocher par des parents d’un élève d’avoir divulgué sur ce dernier des informations confidentielles lors d’un conseil des maîtres. Le fautif était moins ce collègue-ci que celui qui avait averti les parents ! Et j’avoue avoir commis une erreur en divulguant sur Twitter que le wifi avait été supprimé dans la cafétéria et la salle des maîtres du lycée après un vote du corps enseignant en 2013 !

Un élu politique doit faire de même, en particulier en sa qualité de membre de commission. Ici, l’exemple du règlement communal de La Chaux-de-Fonds

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Le bât blesse énormément dans cet irrespect permanent de ce secret qu’on devrait appeler un secret de polichinelle. La fâcheuse tendance de Jean-Charles Legrix à s’être épanché dans les médias il y a quelques mois a ici été mise en évidence. Et j’ai récemment reçu le téléphone d’unE journaliste qui avait appris ce que j’avais dit et fait lors d’une séance du Conseil d’établissement scolaire de La Chaux-de-Fonds consacrée à préaviser sur des nominations ! Dans ce sens, les médias avides de confidences et de ragots font leur métier et il y a des politiciens plus ou moins habiles à distiller et à filtrer les venins ou les élixirs de jouvence.

Ce qui nous amène au principe de devoir de réserve qui trouve ses racines philosophiques dans la prudence ou la modération, des vertus bien difficiles à maîtriser, je suis le premier à en convenir. Ne pas se mettre en avant mais se retirer et prendre distance permet de protéger autrui, ses collègues comme ses clients ou ses administrés. Dans sa déclaration, Patrick Siron a implicitement stigmatisé les requérants d’asile et a jeté la suspicion sur le corps de police neuchâtelois dont je rêve qu’il se distancie de ses propos implicitement xénophobes. Mais comme il est le président du syndicat, le serpent se mord la queue !

Dans les administrations communales et cantonales, le devoir de réserve est régi par des directives internes qui interdisent par exemple à un fonctionnaire de répondre à des journalistes ou des élus sans en avoir reçu l’autorisation de son chef de dicastère. On a ainsi récemment vu à La Chaux-de-Fonds des membres de la direction de l’école obligatoire déverser leurs états d’âme dans la presse locale, au grand dam de leur conseillère communale qui s’est trouvée piégée.

 

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Ce devoir de réserve  est formellement réglé par le principe de la récusation dans les décisions politiques. Ainsi, au Conseil général de La Chaux-de-Fonds,

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Je crois avoir été et être rigoureux dans ce principe puisque mon épouse est conservatrice du Musée d’histoire. Ainsi, en mars 2009, j’ai décidé de renoncer à la vice-présidence du Conseil général, donc à la présidence de mai 2011 à mai 2012. Comment imaginer occuper cette fonction alors que l’UDC avait lancé en avril un référendum contre la rénovation du musée ? Le 27 juin de cette année, je me suis récusé pour l’achat de l’appartement Art nouveau à la rue du Doubs 32 – en lien avec les collections du Musée d’histoire –  et fin août je ferai de même pour l’adoption des nouveaux règlements des musées. Mais que dire des conseillers nationaux membres de conseil d’administration ou présidents d’associations patronales ? Éclatent ici les limites de l’activité politique de milice !

C’est la raison pour laquelle on ne lira jamais sur mon blog ou sur mes profils Facebook ou Twitter de quelconques considérations sur l’école neuchâteloise ou la politique muséale chaux-de-fonnière.

Sur la première je peux participer aux séances de mon syndicat et y exprimer mes revendications; sur la seconde, je ne suis monté au créneau que quand il a fallu défendre tous les musées contre l’absurde décision du Conseil communal de nommer une directrice des institutions muséales.

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