Quand le journaliste du Temps, Philippe Simon m’a écrit pour que je témoigne éventuellement de mon intérêt pour Montaigne, je n’ai pas hésité. J’ai volontiers répondu aux questions suivantes : « Quand et comment avez-vous découvert Montaigne ? » et » En quoi, pour autant que cela soit le cas, Montaigne vous est-il utile (ou fertile !) aujourd’hui, dans le cadre de votre activité ou comme « simple » lecteur » ?
Mon texte est le suivant :
« Curieusement … et heureusement, c’est bien après mes études universitaires de français et de philosophie à Neuchâtel que j’ai découvert Montaigne. J’ai lu d’une traite tous les Essais. Il ne se comprend pas sans sa région et sa tour bibliothèque que j’ai en esprit chaque fois que je le déguste. En 1992, j’ai d’ailleurs fait le pèlerinage du château qui vaut plus que l’aula d’une université. C’est un écrivain philosophe ou un philosophe écrivain, dans un mouvement incessant entre le langage et la pensée. Peut-être est-ce pour cela que les philosophes le trouvent paresseux et les littéraires trop compliqué. Son meilleur commentateur reste notre grand Jean Starobinski dans Montaigne en mouvement.
Il n’y a aucune de mes classes de français ou de philosophie qui ne passe par la lecture intégrale d’un essai. Au début des années 90, je pouvais encore faire lire tout l’Essai III, 9 (sur la vanité et le voyage, le plus gambadant et le plus libre dans ses méandres) dans le texte original. Aujourd’hui, je le propose encore dans la transcription d’André Lanly. Et en philosophie, les réflexions sur les cannibales, la barbarie et l’éducation des enfants sont essentiels pour faire comprendre l’esprit de la Renaissance. La « fertilité » est aussi pour moi ailleurs : comme les grands vins, Montaigne n’atteint les sommets spirituels qu’en gardant la sève du terroir. En ouvrant les Essais, je retrouve toujours plus qu’un compagnon : un « ami » dont je sais que la saveur et le goût sont inaltérables. Un écrivain de l’ici toujours ouvert sur l’ailleurs, un penseur du passé nécessaire pour supporter le « branle pérenne » du présent. »
A part une coquille, le voici dans le Temps de ce jour :
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