Huit arbres merveilleux de Séville en une promenade de trois kilomètres


Séville compte des arbres singuliers, qui sont de véritables monuments naturels ne déméritant pas en regard des bâtiments artistiques, archéologiques ou historiques à haute valeur patrimoniale. Ma promenade de trois kilomètres part du centre historique, Plaza San Leandro, et se termine devant le musée archéologique, Plaza de América. Elle se propose de présenter huit admirables spécimens.

Ces arbres prodigieux méritent des efforts extraordinaires de conservation. Dans de nombreux cas, en les contemplant, nous nous sentons émerveillés ou dépassés par leurs caractéristiques : âge, exubérance, résistance, résilience, beauté, forme, chromatisme, qui évoquent en nous des sentiments profonds : nous nous sentons insignifiants et éphémères. Ils ne sont plus des choses mais des êtres, inspirant les poètes, les artistes et les amoureux de la beauté.

« Lorsqu’un arbre atteint, de par sa taille et son âge, son emplacement ou la force qu’il dégage, une aura qui le distingue de son environnement, il acquiert une signification différente aux yeux des hommes et reçoit immédiatement un nom propre. Ce nom est la reconnaissance d’une entité singulière, l’expression de l’admiration qu’elle suscite.» (Ignacio Abella, 1996)

Les côtoyer dans nos promenades, c’est les retrouver dans leur personnalité, comme on aime dans Séville retrouver une église, une statue de la Vierge ou du Christ, un coin de rue, un bar et ses immuables tapas.

Cet article n’aurait pas vu le jour sans le guide des arbres singuliers de Séville édité par la municipalité andalouse..

Le laurier d’Inde de la Plaza San Leandro (1)

La promenade commence sur la Plaza San Leandro, devant la Fontaine du Canard et le couvent des soeurs augustines encore en activité. Le laurier d’Inde de cette place unique, embaumée par les fleurs des orangers vers mi-mars, est référencé comme Ficus microcarpa, à feuilles persistantes et à petits fruits. Originaire d’Asie du Sud-Est et de Malaisie, il a été planté ici vers 1945.

Lorsque la place a été pavée et compactée, il a souffert d’un manque d’oxygène pour ses racines, certaines branches se desséchant, signe de dépérissement. Par la suite, quelques trous ont été faits dans le sol autour de sa couronne, qui ont permis à l’air de pénétrer dans la zone racinaire. Des nutriments ont été apportés et il s’est rétabli rapidement.

Plus tard en 2019, l’association de quartier Casco Antiguo, avec la collaboration de la mairie, a agrandi l’espace recouvert de liège et a effectué de nouvelles plantations autour. L’association de quartier a adopté cet arbre comme logo, ce qui montre sa valeur symbolique pour la communauté. Il est haut de 18 mètres avec un périmètre de 480 cm.

D’autres spécimens remarquables existent dans la cité. Par exemple, sur une belle place modernisée au bout de l’avenue de la Cruz Roja, le laurier d’Inde amène une ombre bienvenue autour de la zone ludique récemment installée.

Notre promenade va nous amener de ce quartier qui m’est si cher jusqu’au début des jardins de Murillo, au sortir de la place de Santa Cruz devant la Calle de Nicolás Antonio.

Le ficus des Jardins de Murillo (2)

Ce ficus de 42 mètres en côtoie d’autres de la même puissance. Sa croissance vigoureuse et sa taille gigantesque indiquent qu’il s’agit un arbre très ancien, comme d’autres de ses congénères. Compte tenu des dates auxquelles les jardins de Murillo ont été aménagés, ces majestueux spécimens ont dû être plantés dans les années 1911-12.

Le bois de cette espèce est fragile et faible face au vent. Ce facteur, associé aux faiblesses causées par une taille ancienne, conduit souvent à l’arrachement de grosses branches lorsque leur croissance n’est pas contrôlée.

Ces spécimens ont souffert d’une taille inadéquate au fil des ans, ce qui a considérablement affaibli leurs structures, les transformant en arbres qui nécessitent aujourd’hui une taille continue par des arboristes professionnels.

En raison de leur situation dans une zone touristique, ils sont parmi les plus admirés de la ville. Il est urgent de protéger leurs racines, qui ont été endommagées par le piétinement constant lors de prises de photos. C’est pourquoi il est interdit de pénétrer dans le périmètre qui leur est réservé.

Sur la place Cristo de Burgos (tout près de notre lieu de départ) ou sur celle du Musée des beaux-arts, d’autres ficus gigantesques marquent l’espace urbain. Le lundi Saint, quand passe le Christ de l’Expiration devant la façade du musée, une émotion nous étreint.

Au bout de l’allée des jardins de Murillo, devant les murailles de l’Alcazar, se dresse le plus grand arbre de Séville, un encalyptus nommée El Gran Capitán, le Grand Capitaine. Son périmètre est de 530 cm et sa hauteur de 55 mètres.

L’eucalyptus El Gran Capitán des jardins de Murillo (3)

C’est un Eucalyptus camaldulensis. Le nom générique vient du grec eu-kalyptós qui signifie « bien couvert » et fait référence à la position des étamines ; camaldulensis, fait allusion au jardin italien de Camalduli (Naples), où l’espèce aurait été décrite pour la première fois.

Le populaire Eucalyptus camaldulensis est arrivé à Séville en 1912 lorsque Jean Claude Nicolas Forestier a réalisé les premières plantations pour un parc destiné à une exposition hispano-américaine qui n’a pas eu lieu. Elle devra attendre 1929. Il avait un besoin urgent d’espèces à croissance rapide pour donner du contenu à ses plantations. 

Planté en 1930, notre grand capitaine a eu la chance que sa structure n’ait pas été modifiée par un élagage malheureux, même si, certains jours de coup de vent, quelques branches ont également été cassées. Le spécimen se dresse seul dans une partie du jardin, montrant sa forme caractéristique.

Bien qu’il s’agisse d’un arbre allochtone, il est largement représenté dans la ville car il est utilisé dans de nombreuses plantations forestières, en raison de sa facilité d’acclimatation et de son adaptation à tous les types de sols.

En voici un vers le jardin del Valle, près de l’église de la confrérie des Gitanos.

On traverse la grande avenue Medendes Pelayo devant le tribunal pour se retrouver dans les jardins du Prado de San Sebastián.

Les tipuanas du parc San Sebastián (4)

Le Tipuana tipu a commencé à être planté en 1962. C’est une espèce originaire d’Argentine et de Bolivie, qui peut atteindre 20 à 25 m de hauteur. Ses feuilles sont composées, impairpennées, longues de 10 à 20 cm., vert clair, entièrement oblongue. Ses fleurs jaunes intenses apparaissent en abondance au mois de juin. Lorsqu’elles tombent, elles laissent des couvertures jaunes sur le sol.

J’ai jugé utile de montrer cette somptueuse allée de tipuanas dans les jardins de San Sebastián, surtout qu’aujourd’hui de nouvelles zones piétonnes sont plantées avec eux, par exemple sur l’avenue de la Cruz Roja, dans le quartier de la Macarena.

En entrant dans le parc de Maria Luísa, on tombe sur le monument dédié au poète du 19e siècle, Gustavo Becquer, avec un arbre unique, un cyprès chauve du 19e siècle.

Le cyprès chauve du parc de Maria Luísa (5)

Ce Taxodium distichum, le cyprès des marais ou cyprès chauve, est un arbre de la famille des Taxodiaceae, originaire du sud-est des États-Unis. C’est une espèce qui s’adapte très bien aux milieux humides. Il est l’arbre emblématique de la Louisiane.

Il s’agit de l’un des arbres les plus représentatifs et les plus connus de Séville en général et du parc de María Luisa en particulier. Il est situé dans le célèbre rond-point où se trouve le monument érigé à la mémoire du poète sévillan Gustavo Adolfo Bécquer. Il a été planté en 1850, lorsque ces jardins faisaient partie de la demeure des ducs de Montpensier.

Le spécimen est en bon état. Il y a des années, il a connu des périodes de sécheresse, car c’est une espèce qui a besoin de sols humides, c’est pourquoi il a été irrigué souterrainement. Le tronc est entouré d’une structure en marbre atteignant environ 1,30 m de haut, il n’a donc pas été possible de mesurer le périmètre exact de sa base.

Juste à côté penche un immense platane.

Le platane de l’avenue de Becquer dans le parc de Maria Luísa (6)

Le Platanus x hispanica est un arbre populaire que l’on trouve à plusieurs endroits du parc de María Luisa et sur beaucoup de grandes places sévillanes (Plaza Nueva, Alameda de Hercules).

Le nôtre un arbre unique d’une taille exceptionnelle. Comme le reste des platanes anciens de l’immense Parque de María Luisa, il est issu des plantations réalisées par les ducs de Montpensier dans leurs jardins.

Les platanes d’ombrage sont des arbres corpulents, dotés d’une large couronne et de feuilles caduques pouvant atteindre 40 m de hauteur. Ils possèdent un tronc droit avec une fine écorce gris verdâtre d’où se détachent des plaques dures presque toute l’année.

Ces arbres sont très exigeants en termes de besoins en eau. Ils se développent bien dans le parc car la nappe phréatique est assez peu profonde.

Cet exemplaire présente une inclinaison prononcée avec soulèvement de la zone de sécurité racinaire fixée au tronc du côté opposé à l’inclinaison. Il doit être suivi par des évaluations périodiques. Malgré le risque qu’offre un arbre de cette taille et de ces caractéristiques, des tests de stabilité ont été récemment réalisés à l’aide de capteurs de mouvement tels que le Tree Motion Sensor (TMS), qui en ont conclu que ses paramètres d’inclinaison sont tolérables.

D’autres spécimens magnifiques sont à voir dans ce magnifique parc, le plus impressionnant d’Europe, ou dans les Jardines de Cristina, à côté de la Plaza de Jerez.

En traversant le parc du côté de la place d’Espagne, on va arriver vers la Glorieta Rafael de León avec un magnifique micocoulier.

Le micocoulier du parc María-Luisa (7)

Celtis australis est l’une des espèces les plus anciennes du Parque de María Luisa. Sa plantation s’est répandue dans toute la ville en raison des problèmes posés par le platane ombragé. Celui-ci est centenaire. « Il se développe magnifiquement », affirme le jardinier-chef de la municipalité, M. Elias, bien qu’il prévienne que la taille de formation nécessaire ne leur a pas été appliquée dans « le plus vieux jardin d’Europe ».

Le bois de première qualité de cet arbre sert généralement pour la fabrication des manches de fouets de luxe, des cannes, des cravaches ; celui de deuxième qualité sert pour les fouets des charretiers.

On arrive derrière le Musée des arts populaires et devant le Musée archéologique; sur la Plaza de América se dresse le plus vieux jacaranda de Séville.

Le jacaranda de la Plaza de América (8)

C’est peut-être le plus ancien jacaranda de Séville, compte tenu de sa plantation proche de l’inauguration de l’Exposition hispano-américaine de 1929. Il flanque la façade du Pavillon Royal et produit la couverture d’ombre maximale que l’on puisse trouver sur la Plaza de América.

L’arbre Jacaranda est un bel arbre tropical qui possède des grappes de fleurs parfumées en forme de trompette de couleur bleu lavande. Les fleurs peuvent apparaître à tout moment d’avril à août. Elles peuvent mesurer jusqu’à 5 cm de long et elles sont regroupées en panicules de 30 cm. Le feuillage de l’arbre est de type fougère.

À la fin de notre balade arboricole, emplis d’émotions visuelles, même existentielles, nous nous arrêterons au Kiosko Abylio, devant d’autres eucalyptus, et commanderons des espinacas con garbanzos avec une Cruz Campo bien fraîche…

À part les photos des deux arbres en fleurs, toutes les autres images sont de l’auteur

2 commentaires

  1. Un arbre libre de se déployer selon sa nature forme une œuvre digne d’admiration. À La Chaux-de-Fonds, les deux tilleuls du jardin de Mme Gruber à la Rue de l’Eperon en sont un bel exemple. Une partie des branches par trop inclinées ont dû être taillées: ceci les a peut-être sauvés en juillet 2023.

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