Les opposants politiques aux nouvelles mesures de stationnement sont-ils rationnels ou irréfléchis ?


Quand nous voulons vraiment débattre avec des opposants politiques à un projet que nous soutenons, n’est-ce pas un signe de faiblesse de penser que nous sommes, nous, dans le rationnel et eux dans l’émotionnel ou l’irréfléchi ? L’impossibilité qu’a eue la gauche chaux-de-fonnière à éviter qu’un référendum soit lancé sur la nouvelle politique de stationnement par ses collègues adversaires n’en est-il pas l’illustration ?

Le conseiller général popiste Karim Boukhris déclare le 16 novembre 2023 dans ArcInfo à propos du prochain référendum qu’il présuppose déjà abouti : « La campagne sera très compliquée. La raison ne prédomine pas quand on parle de voiture», ajoute le membre du Parti ouvrier et populaire. » Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, le POP attaque la droite, qui réduit à zéro « la possibilité d’une politique commune au profit d’une politique électoralistes (sic) et émotionnelle ».

À partir du moment où on dévalorise l’adversaire en le rangeant dans la catégorie des émotionnels ou des irréfléchis, est-il encore possible de créer un espace rationnel, et humaniste, de débat ? L’espace rationnel d’un débat constructif ne consiste-t-il pas au moins à tomber d’accord sur la problématique à résoudre, ici sur le constat d’échec de la politique initiée en 2020 : les zones blanches du périmètre urbain fonctionnent comme des zones bleues, ce que les automobilistes externes ne comprennent pas; les parkings d’échange sont trop peu utilisés ?

À noter que le Conseiller communal responsable du projet mis en place en 2020 n’est autre que Marc Arlettaz (membre de l’exécutif de 2016 à 2020) qui se trouve être l’auteur de la plus grande partie technique et analytique du rapport d’aujourd’hui en tant que directeur adjoint de SD ingénierie-Neuchâtel.

Passons en revue les principaux arguments de la droite qui a refusé mardi 14 novembre ce rapport du Conseil communal. Certains de ces arguments n’auraient-ils pas permis une discussion possible vers d’éventuelles positions médianes ?

1. L’argument de la contrainte

C’est les Vert’Libéraux qui l’ont mis en avant: on veut créer huit zones de stationnement « sous contrainte », au point d’en arriver à ce qu’Aliénor Zaffalon a appelé de la «répression énergétique ». Au contraire il aurait fallu, corrélatives au rapport, des mesures d’incitation, notamment en matière d’utilisation des transports publics, nous y reviendrons au point 3.

À l’inverse, pour la première fois d’une manière aussi nette dans un rapport d’un Conseil communal, il est affirmé que l’échec des mesures refusées en 2011 était notamment dû à « un sentiment de privation de liberté pour les automobilistes ». N’est-ce alors pas paradoxal, voire contradictoire, que l’exécutif pense aujourd’hui ceci : « Sans aucune contrainte l’intérêt immédiat de l’usager se porte volontiers sur la voiture et qu’il est indispensable de fixer quelques contraintes à l’utilisateur afin de satisfaire l’intérêt collectif de l’ensemble des citoyens (…) en minimisant globalement les nuisances qu’ils subissent» ? Les restrictions importantes comporteront des mesures « interdisant le stationnement à la journée le réservant aux riverains ». Les habitants pourront continuer de « stationner leur véhicule (…) dans leur quartier de résidence, mais sans (…) stationner librement sur le domaine public dans un autre quartier ».

N’est-il pas également paradoxal de lire ces affirmations dans un rapport défendu par un conseiller communal vert, Patrick Herrmann, alors que la même semaine, la présidente des Vert·e·s du canton, Christine Ammann Tschopp, déclarait à ArcInfoIl est donc incorrect de vous voir comme le parti de la prohibition? » : « Absolument. L’UDC, qui nous attaque là-dessus, cumule, elle, les interdictions, par exemple de la burqa ou des minarets. Pour faire évoluer les mentalités, nous, nous misons sur les incitations.» ?

2. L’argument de la précipitation

Ici encore, les Vert’Libéraux, comme le PLR, ont plaidé pour un report des mesures qui entreraient en vigueur plus tard, à fin des travaux de la H18. À l’inverse le conseiller communal Patrick Herrmann a répondu qu’il « n’est pas intelligent de temporiser » avec l’argument des urgences climatique et politique. Alors que se mettent en place le chauffage à distance, des installations plus nombreuses de panneaux photovoltaïques, des replantation d’arbres, des bornes électriques et des améliorations de l’enveloppe énergétique de bâtiments, il faut agir vite selon les exigences imposées par le Canton et la Confédération. Et surtout lorsqu’on regarde l’état de la planète qui nous oblige à « appliquer un principe de précaution ».

3. L’argument des mesures corrélatives : l’amélioration des transports publics

Le dernier argument des Vert’Libéraux, auquel le Conseil communal n’apporte pas de réponse dans son rapport, est que les nouvelles mesures de stationnement seraient décidées sans aucune mesure corrélative, notamment l’amélioration programmée des transports publics. De plus, ce parti a souligné que le rapport ne contient «aucun chiffre sur l’utilisation interne de la voiture par des pendulaires de La Chaux-de-Fonds ».

4. L’argument de l’inégalité entre citoyens

Cet argument, une forme d’injustice, n’a pas été développé par la droite lors du Conseil général mais est celui de Blaise Fivaz, du Centre, dans Le Ô du 24 novembre. Pour lui, « ceux qui ont les moyens de se payer la 2e vignette, beaucoup plus chère, pourront se garer partout ». Les autres « devront régater pour stationner. »

La gauche, par un postulat socialiste demandant au Conseil communal d’étudier une baisse possible du second macaron, a essayé de bricoler une solution à ce problème dont on sent qu’il l’a travaillée. Dans son rapport, le Conseil communal ne l’évoque jamais…

5. L’argument de la spécificité et de l’attractivité de la ville

C’est l’argumentation clé du PLR. Notre ville n’a pas pas à ressembler à d’autres : « Doit-elle essayer de ressembler à d’autres ? (…) Elle est attractive car c’est aisé de se parquer en ville », a affirmé Frédéric Vaucher. Sarah Curty a même déclaré que « nous avons des problèmes de stationnement inexistants » et que « le seul effet des mesures proposées sera de provoquer l’exode des familles vers le Val-de-Ruz ou le Jura bernois ». Ces arguments ne sont-ils cependant pas les plus faibles des cinq que nous examinons et résistent-ils devant les efforts consentis par toutes les autres villes suisses qui ne vivent pas un exode des familles ? Le problème n’est-il pas plutôt la constante augmentation du trafic généré par le stationnement de longue durée que la possibilité de ce stationnement même ? De plus, les parents de ces familles en exil et qui travaillent à La Chaux-de-Fonds s’y rendront-ils en transports publics ?

Mardi soir, une voie médiane des petits pas, qui aurait pu passer par trois étapes, n’aurait-elle pas pu être trouvée par le génie de la rationalité constructive du législatif en entier ? Aurait-elle permis d’éviter qu’en 2024 on doive vraisemblablement, à cause de la victoire du référendum annoncé, tout reprendre à zéro, quitte à se retrouver en 2030 dans un pénible statu quo ?

Cette voie médiane expérimentale est ici esquissée afin, nous l’espérons, d’aider à trouver un chemin futur dans le fil de l’aiguille !

  • 2024-2027 : création d’une zone urbaine zone bleue et d’une zone centre-ville parcmètres avec augmentation du macaron à plus de 100 francs (proposition des VL) ;
  • 2027-2030 : création de huit zones avec double macaron possible pour le double du prix de 2024 en regard d’une amélioration notable et planifiée des transports publics avec un abonnement annuel 1 zone;
  • dès 2030 avec l’arrivée de la H18 : augmentation du prix du second macaron ou sa suppression.

Cette voie médiane ne prendrait-elle pas en compte, dans son consensus rêvé, des contraintes supplémentaires modérées, progressives et en corrélation avec des incitations volontaristes à utiliser des transports publics plus attractifs ? N’aurait-elle pas le désir, avec une ambition mesurée, de réformer un fonctionnement insuffisant plutôt que d’imposer brusquement une révolution ? Une révolution exigeant non seulement du courage ( « la décision de ce soir implique du courage pour agir sur les habitudes et le comportement des habitants », a dit Patrick Herrmann) mais des sacrifices d’une partie de la population déjà très ébranlée cette année par une autre tempête ?

Avant le vote final, le Conseil communal a demandé une interruption de séance. Il savait que son rapport serait accepté par la gauche seule avec le risque d’un référendum dont l’UDC avait parlé. Il avait pourtant en tête ce paragraphe de son rapport, page 5 : « À la suite d’un référendum lancé par le TCS et l’ACS, les citoyennes et citoyens de la ville de La Chaux-de-Fonds ont refusé, le 13 février 2011, l’introduction de macarons et de cartes de stationnement payants, vignettes destinées à permettre aux habitants de certaines zones et à certains employés d’entreprises d’y parquer sans limitation de durée, par 71.61 % contre 28.39%. Ils ont également refusé, par 74,25 %, un crédit de CHF 490’000.00 qui devait permettre la mise en place de la signalisation pour déterminer un élargissement de la zone bleue à partir du centre-ville et des zones 30 km/h. Le taux de participation de ces votations était de 40.33 %. »

La sagesse ne lui aurait-elle pas commandé de retirer son rapport et de le renvoyer à une commission extraordinaire du Conseil général chargée d’arriver à une solution consensuelle dans les trois mois ? Sous peine que se réédite le refus de 2011, avec dix nouvelles années de perdues ?

Patrick Herrmann a eu ces ultimes paroles : « Le Conseil communal se tient les coudes et propose des solutions pour l’avenir. »

Les petits pas d’une tortue n’auraient-ils pas amené le franchissement de la ligne d’arrivée avant le lièvre ? «  Elle part, elle s’évertue, elle se hâte avec lenteur », dit La Fontaine.

Annexe : fin du communiqué du POP

2 commentaires

  1. Cher Daniel, que de pertinence dans tes lignes! Il eut en effet été bien plus constructif de tendre au consensus dans cette affaire… malheureusement, et c’est désormais devenu une habitude, l’arrogance de la majorité, qui suinte sans vergogne des propos et de l’attitude de Boukris et autre Borel, entre autres, oblige les partis minoritaires à user des outils dont ils disposent encore… Et le pire, c’est qu’on l’on peut prédire que les prochaines élections ne serviront sans doute pas à sanctionner celles et ceux qui sachent!…

    1. Ai rajouté la référence du post popiste moins fun que Andy Wahrol ! A partir du moment où le journal de ce parti considère que le tweet du prof de Berne n’était qu’un « simple tweet » et que son limogeage était une atteinte à la liberté d’expression, on comprend que ce parti jadis humaniste devient INSOUMIS, même aux plus élémentaires règles de la rationalité. Ici et ailleurs !

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