Le gouvernement de la République laïque pose devant la statue d’un Christ


Quatre jours après Pentecôte, le gouvernement neuchâtelois a publié sa photo officielle 2023-2024. Cinq petits ministres devant un immense Christ sculpté. Image certes pas outrageuse, croyant être courageuse, mais surtout outrancière dans les transgressions qu’elle impose : l’esprit qui l’induit n’est pas très sain.

La genèse mentale de cette image est assez facile à reconstituer. Pour le gouvernement, notamment son président et ses chargés de communication, il s’agissait, de manière sympathique (dans un pâturage jurassien), ouverte (mise en valeur de la solidarité et de la force) et culturelle (remarquable œuvre d’art), de rendre hommage à un artiste.

Or, un Christ, tout sculpté qu’il soit, reste un Christ et un symbole pas contournable, même par des contorsions intellectuelles. Ce n’est pas un symbole républicain.

Notre République, dans le préambule de sa constitution, ne fait aucune référence à Dieu, un être supérieur ou des croyances qui guideraient les articles constitutionnels. Ce n’est bien sûr pas le cas des constitutions fédérale ou même fribourgeoise, révisée en 2004.

De plus, notre République est laïque. Nous avions, en 2015, essayé de définir la laïcité à l’aide de références philosophiques. « L’esprit de la laïcité, c’est la laïcité de l’esprit », comme le formule si bien Comte-Sponville. Cette capacité à se déposséder de l’idée qu’on a une vérité à imposer aux autres : vérité de la laïcité, vérité de « notre » culture chrétienne.  Les purs laïcards qui aujourd’hui iraient jusqu’à porter plainte contre le gouvernement sont aussi fondamentalistes que les chrétiens qui penseraient que l’islam ou le judaïsme sont des religions spirituellement inférieures au christianisme.

« Notre culture, c’est une démocratie laïque où les gens sont libres de croire en ce qu’ils veulent, sans qu’on leur impose une religion en particulier », comme le dit Denis Müller.

Dans l’image qui nous estomaque, le Conseil d’État impose son Christ imposant à ses concitoyens, pas forcément chrétiens, pas forcément croyants. Et, de facto, échoue à les inclure dans les valeurs qu’il veut partager. La force culturelle et symbolique du Christ parasite le message bien intentionné.

Dans ce sens, la diffusion de cette image n’est pas seulement une erreur de communication mais une faute politique. Elle est tolérable et même pardonnable car « ils ne savent pas ce qu’ils font ».

2 commentaires

  1. Les évangéliques seront contents. Il s’agit aussi d’un signal fort donné à l’Eglise réformée qui ferme ses portes aux célébrations laïques, en oubliant qu’elle n’est souvent pas propriétaire de ses temples. Le message politique de cette photo est un peu tarabiscoté….Mais en tout cas pas hérétique…

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