Les mots et les choses ou ekphrasis de la fleur d’oranger


Le mot ekphrasis (en grec « expliquer et dérouler jusqu’au bout ») désigne un procédé rhétorique qui établit la relation entre la représentation d’un monde artistique et un autre, dans le cas de ce blog, entre de belles images du monde réel et mes pauvres mots qui essaient de les commenter ou les illustrer. Nombre d’artistes éminents ont su dire une peinture dans un poème ou un morceau de musique. Psychologiquement, l’ekphrasis consisterait donc en une description ou représentation d’un objet telle qu’on croit vivre la situation présentée.

Comment exprimer jusqu’au bout du possible des mots la sensation qui envahit de jour en jour Séville, qui transcende les gaz d’échappement dans les carrefours et saisit les narines sur la place San Leandro où souffle une brise du levant ?

Comment rendre compte le plus objectivement possible des caractéristiques olfactives de l’azahar pour en donner une idée à ceux qui n’ont jamais mis les pieds au printemps à Séville ? Apaisante, suave, entêtante, sédative, intensément florale, lourde, chaude, riche et durable, ce sont encore des mots-images. Hespéridité, aurantiacée, c’est tautologique de l’orange.

Le socle scientifique d’une meilleure approche pourrait nous être donné au travers des trois grandes dimensions des odeurs.

a) L’intensité, la puissance à laquelle nous percevons une odeur. Pour une odeur donnée, cette intensité est extrêmement variable d’un individu à l’autre puisque nous ne possédons pas les mêmes récepteurs. Néanmoins, sur une échelle d’un à dix, on a de fortes probabilités d’atteindre avec l’azahar une perception olfactive intense.

b) La tonalité, la dimension hédoniste de la sensation olfactive. Pour une odeur donnée, cette dimension est également très variable, puisque liée à l’expérience de chacun par rapport à elle. Dire qu’une odeur est bonne ou mauvaise n’a pas de sens, il faudrait plutôt parler en termes de sensation propre. Donc : « J’aime ou je n’aime pas cette odeur… » Je connais des amis qui ne supportent pas la fleur d’oranger alors qu’elle est ma préférée comme pour beaucoup de Sévillans.

c) La qualité, la reconnaissance d’une odeur. Lorsque nous sentons une odeur, nous la percevons avec une certaine qualité qui lui confère sa propre identité. C’est cette identité qui nous permet de la différencier des autres, de la reconnaître et même parfois, de pouvoir la nommer. On en revient au début du cercle : apaisante, suave, entêtante, sédative, intensément florale, lourde, chaude, riche et durable…

Le fait est que je ne peux vivre sans elle.

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