Aller au Théâtre du Soleil dans l’ancienne cartoucherie de Vincennes, c’est embarquer pour une vraie île d’or, une île d’utopie toujours renouvelée. On n’y va pas seulement pour voir un spectacle mais pour vivre des moments de partage avec toute l’équipe du théâtre et le public.
J’appellerai parascène l’ensemble des éléments accompagnateurs d’une représentation théâtrale (espaces d’accueil, de restauration et de librairie, immersion décorative et arrivée dans la salle). En littérature, on appelle paratexte l’ensemble des éléments éditoriaux qui accompagnent un texte publié (couverture, préface, notes, etc.).
La parascène du Soleil réjouit à ce point les spectateurs qu’ils arrivent bien deux heures en avance à la Cartoucherie immergée dans le Bois de Vincennes pour prendre leur billet et choisir leur place selon un rituel qui fait la nique aux réservations par Internet. Les représentations en matinée du samedi à 15 heures et du dimanche à 13 heures 30 sont bien sûr conseillées.
Il faudra d’abord avoir réservé sa place longtemps à l’avance par téléphone et accepter de refaire le numéro quelques dizaines de fois pour avoir la ligne. On aura pris notre nom et attribué un code qu’on indiquera à la caisse où on retirera la place bien nonante minutes avant le spectacle. Encore faudra-t-il accéder à la Cartoucherie par la navette spéciale partant du métro Porte de Vincennes. Ou aller à pied au Soleil par le Bois de Vincennes… Il s’agit donc bien d’une traversée, de Paris à la Cartoucherie.
Le prix unique de trente-cinq euros garantit une bonne place aux spectateurs arrivés suffisamment en avance. Deux collaboratrices vont coller sur le billet des spectateurs le numéro de la place qu’ils auront choisie sur deux tableaux -jardin et cour. Les retardataires devront se contenter de places tout en haut des gradins…
L’entrée dans l’ancienne cartoucherie se fait nonante minutes avant la représentation et c’est la magnifique Ariane Mnouchkine qui déchire les billets et accepte même d’enlever son masque pour un selfie mémorable.
La salle d’accueil, avec sa librairie, son restaurant self-service, sa décoration chaque fois adaptée à l’univers du spectacle, est plus grande que la salle de spectacle et en est séparée par un espace intermédiaire.
Pour L’Île d’Or qui se passe au Japon, le décor est magnifique avec ses grandes lanternes rouges, ses lampions et surtout ses panneaux reproduisant des dessins d’Hokusai sur le thème du lion. Au fond, une immense mer bleue inspirée du même artiste et qu’on retrouvera dans le spectacle.
La soupe japonaise coûte dix euros, la carafe d’eau est gratuite et Mama Fanta offre pour deux euros cinquante ses jus de gingembre et d’hibiscus.
Cet espace de partage, sinon de communion entre la troupe du Soleil et les fidèles, entre le continent qu’on a quitté et l’île d’or qu’on aime tant rejoindre, ne va pas sans jeter un œil discret sur les comédiens qui se préparent. Des oculi rendent possible des images si mémorables depuis notre premier voyage à Vincennes il y a quarante ans pour les Shakespeare (Richard II et La Nuit des Rois). L’immense impressum nomme toutes et tous les participant·e·s à la formidable création collective.
L’accès à la salle est possible vingt minutes avant le début du spectacle, ce qui évite l’insupportable attente qu’on nous inflige trop souvent. Interdiction absolue de capter des images mais l’entracte et les saluts autorisent notre smartphone à graver quelques images mémorables dont celle d’Ariane Mnouchkine ovationnée !
Et les trois heures trente peuvent commencer jusqu’à 18 h 30 ce samedi-là. On aura quitté à midi la Porte Dorée et aura marché trois kilomètres dans le Bois de Vincennes, par le zoo. On reprendra l’autobus-navette gratuit et sera au centre de Paris vers 19 h 30, dans une métropole bruyante vendue aux marchands du temple.
Après une nouvelle journée mémorable, une journée théâtrale au Soleil dont nous resterons toujours les fidèles amoureux!