Elle rentre chez elle par la porte du théâtre ABC, une rose un peu fanée à la main. Elle porte des jeans serrés retroussés au-dessus de ses Converse. Un blouson de cuir, un sweat à capuche et un top rayé blanc et bleu. Elle a les cheveux blonds mi-longs serrés par un ruban élastique. Elle appelle son frère Jojo, qui ne lui répond pas. Elle va le chercher dans sa chaise roulante.
Elle lui raconte sa journée de serveuse dans un bar, ses rencontres ce jour-là avec divers clients. Elle recrée ses souvenirs pour son frère qui l’accompagne parfois au piano et au banjo. Elle a servi un beau client au visage hâlé, deux hommes et leur chien, son amie Marie battue par son mari et un raciste qui humilie le vendeur de la rose.
Elle invente ses désirs : se faire prendre par le bellâtre, partir avec Marie, tuer le client raciste. Elle danse avec volupté, elle débite des mélopées, elle imite les cris d’oiseaux sauvages, elle cajole son frère, elle laisse venir ses larmes ou éclater sa violence à elle, elle dénoue et renoue ses cheveux.
Elle porte dans sa voix et son corps les cent minutes de son monologue. Elle parle avec son très léger accent des Montagnes. Elle ne joue pas à l’actrice, elle incarne la sœur. Dans la pièce et dans la vie.
Elle est née à La Chaux-de-Fonds, a vécu au Locle, a fait l’Ester, a compris sa vocation à Evaprod, s’est préparée à Fribourg en classe-préprofessionnelle, a passé un master en interprétation dramatique à Bruxelles. Elle joue dans la troupe d’Omar Porras. Elle vient de créer avec son frère la Compagnie de l’Impolie.
Elle a fait dix fois salle comble avec lui dans Jojo à l’ABC. Elle a porté le texte de Lionel Aebischer. Pas comme un fardeau mais comme une irradiation. Une révélation !
Elle est emballante, Juliette Vernerey !
Mille tableaux 