Le 4 janvier au Parlement espagnol, Pedro Sánchez a annoncé sa volonté de promouvoir une stratégie nationale de lutte contre la désinformation, en plus d’élaborer un plan de cybersécurité. Lors de son discours à la session plénière du Congrès en tant que candidat à l’investiture, il a désigné les soi-disant fausses nouvelles, les fake news, comme l’un des phénomènes «les plus préjudiciables à la confiance».
« Le mensonge, la calomnie ne sont pas des phénomènes nouveaux, mais l’irruption de la numérisation a perfectionné sa production et facilité son expansion ». Le candidat socialiste, nommé premier ministre mardi passé, a déclaré que sa proposition d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la désinformation fonctionnerait dans le respect « scrupuleux » de la liberté d’expression et d’information.
Après ce débat parlementaire très dur, l’extrême-droite espagnole, la pire d’Europe avec ses cinquante-deux députés, a diffusé une vidéo dont le sens a été falsifié. En effet, pendant son intervention, la députée basque de Bildu, un groupe politique lié à l’ancienne ETA, a été violemment prise à parti par les députés de Vox. La présidente du parlement, la socialiste Meritxell Batet (sur la photo en tête de mon article), a demandé le silence et a été applaudie par les socialistes. Vox a diffusé ensuite sur Twitter les images des applaudissements socialistes, prétendant que la gauche applaudissait le discours de la députée d’un parti ayant soutenu le terrorisme. Le journal El Pais a rapidement démonté la supercherie et rétabli la vérité, en garant de la rationalité démocratique.
Diffuser des fake news sur les réseaux sociaux est un fléau, régulièrement entretenu par l’extrême-droite et les groupuscules intolérants. Vouloir contrôler et même punir leur diffusion fait hurler d’indignation les tenants de la liberté d’expression, les mêmes qui parfois en abusent.
Le rôle d’une collectivité publique est d’user avec parcimonie et intelligence des réseaux sociaux. Diffuser des informations sur la vie locale, promouvoir sa cité et la faire rayonner avec empathie, humour fin et convivialité est un art apparemment difficile, même pour une ville de gauche comme La Chaux-de-Fonds. Dès vendredi soir, et de manière concertée, notre municipalité qui souhaite devenir Ville suisse de la culture en 2024 a laissé, ou mandaté, des personnes (des acteurs virtuels, des communicateurs, des expérimentateurs ?) pour faire un « buzz » (terme en soi infect et vulgaire).
Le profil Facebook de la Ville s’est métamorphosé vendredi au point que la presse locale, qui défend notre région du mieux qu’elle peut, comme nous d’ailleurs, s’est laissée prendre à l’hameçon. Différents posts, d’abord de bas étage samedi, puis plus drôles aujourd’hui, droit sortis de gros sabots médiatiques, ont été diffusés : l’arrivée de Starbuck à La Chaux-de-Fonds, le déménagement de Yann Marguet, le thème de la fiscalité. Beaucoup de réactions scandalisées dans les commentaires mais aussi beaucoup de « likes » accompagnent cette opération, apparemment douteuse et qui semble être le fait d’une troupe de théâtre numérique que la Ville a engagée, avec un budget voté par le Conseil général et destiné à valoriser l’image de La Chaux-de-Fonds pour faire venir s’y établir de nouveaux habitants. RTN a publié cette brève hier soir.
Nous en saurons plus ces prochains jours. Citons aussi le site Arcinfo de ce jour : « Samedi, dans un communiqué qui semble vrai cette fois (le responsable de la communication nous l’a assuré), la Ville de La Chaux-de-Fonds confirme qu’il s’agit bien d’une opération de communication. Elle l’a qualifie de «premier acte d’une pièce de théâtre numérique culottée, commanditée par la Ville de La Chaux-de-Fonds». «Afin d’exposer le déploiement qui se poursuivra par d’autres actions ce lundi matin, avec entre autres la diffusion d’un mockumentary (parodie de documentaire), le Conseil communal convie les représentants des médias à un point-presse lundi 13 janvier 2020 à 9h45« .
Et mettons en lien l’Infolettre que les citoyens ont reçue dimanche à 20 h 10, expliquant en partie la démarche, donnée comme subtile.

J’avoue me méfier de ce type de communication. D’abord au second degré sur une page Facebook officielle d’une collectivité publique, puis avec un dévoilement public jouant sur le sentiment d’être mal aimé. Et pour couronner le tout, notre cher Président de la Ville, au sommet du Chapeau-Râblé et vantant au 19:30 les mérites de notre commune et de la stratégie choisie pour se faire belle et se valoriser.

Nous jugerons sur pièce ces prochains jours. Indubitablement, jouer avec les fake news est dangereux : il faut se méfier des feux d’artifice beaux à voir qui retombent sur la maison d’où ils ont été lancés et finissent par l’enflammer.
« OK boomer« , me répondra-t-on. J’assume !
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