Dans son autofiction Dolor y Gloria, Almodovar raconte, à la manière de Proust, comment le film qu’on voit a vu le jour. C’est un cinéaste espagnol et, fidèle à l’esthétique si typique de son pays, maniériste dans le plus beau sens de ce terme.
Trois manières donc le guident dans son processus créatif :
A) L’obsession du plan travaillé, dans son cadrage, sa composition et ses harmonies ou contrastes colorés. C’est le plaisir des « tableaux ».
B) La fluidité des juxtapositions qui, incessamment, font passer du présent au passé dans une coulée temporelle sans accroc. Un objet, un élément (l’eau au début du film), un regard, une couleur assurent les transitions. Ici, le dessin du jeune héros exécuté par le peintre analphabète se retrouve plus tard dans une galerie de Barcelone.
C) Le « duende » recherché dans des scènes émotionnelles clés. Le spectateur doit se sentir transporté d’émotions par une miraculeuse conjonction de la profondeur psychologique, du jeu des acteurs et du cadrage. Ainsi, cette scène du premier désir de l’enfant qui voit dans un demi-sommeil le corps nu de l’adolescent qu’il initie à l’alphabet. Ou la scène du baiser passionné entre les deux anciens amants.
Dans le maniérisme, la manière, toujours, s’exhibe. L’art d’Almodovar, comme de tous les grands maniéristes, est de le faire oublier au spectateur ravi.