Suprême ouverture de l’art moderne, le Carré noir de Malevitch a 100 ans. Le voir exposé, en simultané avec une vingtaine de toiles peintes par l’artiste en 1915, relève d’un miracle rendu possible à la Fondation Beyeler. Il laisse des traces dans l’aventure de l’art abstrait minimal jusqu’à aujourd’hui, épopée que l’on suit également dans ce musée béni jusqu’au 4 janvier 2016.
Lors de la dernière exposition futuriste de tableaux qui se tient dans une galerie de Petrograd fin 1915, Malevitch avait accroché l’œuvre dans l’angle sud-est de la salle. Ce tableau, telle une icône, nous ouvre à l’esprit suprême ou, par un retournement de sens, nous renvoie à un voyage spirituel dans le néant puisqu’il n’y a apparemment plus rien d’autre à voir qu’une structure géométrique, d’ailleurs pas tout à fait carrée. Cette forme est-elle posée ou suspendue ? Le carré blanc du fond est-il une fenêtre voilée de noir, ce qui fait qu’on ne voit rien de ce que la peinture s’évertuait jusqu’à lors à reproduire ?
Le Carré noir ouvre l’art à de nouvelles aventures qui sont vécues cette année-là par Malevitch lui-même. Dans une frénésie exploratoire, il explore la force d’autres formes élémentaires solitaires ou le dynamisme de deux formes mises ensemble. Il construit des structures plus fragiles, plus complexes, où des formes élémentaires diverses s’opposent, se superposent, entrent en tension ou en harmonie les unes avec les autres.
Les deux salles de la Fondation Beyeler resteront ainsi autant inoubliables que toutes les autres – visibles jusqu’au 4 janvier – où des artistes redevables à Malevitch s’inspirent de son geste.
Un champ de tension inépuisable se crée et se développe, de Mondrian à Serra, en passant par tous les peintres tant aimés qui nous ont toujours fait vibrer : Klein, Reinhardt, Newman, Rothko, Kelly, Ryman.
Mondrian
Klein
Reinhardt
Newman
Rothko
Kelly
Serra
Agnès Martin
Ryman
Eliasson, installation
Clin d’oeil de Weiner
Et la joie nous anime de penser à tous ces belles expositions organisées par Edmond Charrière au Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds. Rigoureusement seul, sans commissaire, avec son exigeante sensibilité et ses relations privilégiées, il nous a fait découvrir Olivier Mosset, Christian Floquet, Jean-Luc Manz, Stéphane Brunner, Andreas Christen, Gunter Förg, Henri Presset.
Ces temps sont aujourd’hui révolus, notre musée s’est engagé dans une autre voie, que nous avons acceptée sans pouvoir convaincre qu’un tel changement de cap était rude dans son intransigeance. Il nous reste notre belle collection, enrichie par des achats significatifs de tous ces artistes.