Une motion populaire qui instrumentalise M. Lazzarini


Lors du dernier Conseil général, a été acceptée une motion populaire, initiée par le collectif Action Palestine. Elle demande d’étudier la possibilité de nommer M, Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNWRA, citoyen d’honneur de la Ville de La Chaux-de-Fonds. Je me serais abstenu de comme une de mes camarades socialistes !

Disons d’emblée que la présidente du Conseil général a perdu pied lors de cette séance que j’ai vue et écoutée dans une vidéo en direct.

D’abord et surtout, elle aurait dû rappeler à la vingtaine de motionnaires présents dans la salle l’alinéa 3 de l’article 50 du règlement communal (« Le public doit garder le silence et s’abstenir de toute remarque d’approbation ou de désapprobation »). Les applaudissements bruyants qu’ils ont produits après l’annonce du vote sur leur motion ont montré leur irrespect à l’égard de l’instance qui n’a pas accepté le texte avec un consensus. Preuve de son contenu idéologique.

Ensuite elle aurait dû éviter de sonner sa cloche pour interrompre brutalement l’élue Vert’libérale Brigitte Leitenberg car l’article 63 stipule que pour discuter d’une motion les intervenants ont jusqu’à cinq minutes pour parler. La présidente s’est d’ailleurs excusée juste après son action incongrue mais le mal était fait : elle a présidé ce point de l’ordre du jour de manière partisane. 

Ce manque de rigueur me déçoit comme ancien président de ce Conseil général. SI une fois j’ai interrompu mon camarade Jobin qui n’en finissait pas, c’est parce que le règlement de l’instance démocratique suprême est sacré et n’autorise pas l’amateurisme.

Je ne partage pas les violentes critiques de la droite et du centre-droit entendues contre l’Unwra. Ma famille connaît Philippe Lazzarini depuis qu’il traversait sur son tricycle l’appartement de sa famille rue de l’Envers, devenue rue des Musées. Il fit sa maturité à l’Ecole commerce où j’ai enseigné 18 ans, fut même mon collègue d’économie pendant deux ans.

J’ai vu et écouté son intervention du 21 novembre 2024 au Club 44 où des forces de police avaient été mobilisées pour sécuriser le lieu et la synagogue toute proche. Sa présence cristallise objectivement des tensions. Tensions perceptibles même en vidéo dans la salle. Un intervenant a affirmé que le 7 octobre était une « petite attaque » comparé au « génocide » israélien. Une intervenante a mis en cause l’Unwra qui laisserait utiliser dans des écoles palestiniennes des livres prônant la mort des juifs.

Il n’empêche, M. Lazzarini fut remarquable dans ses réponses posées qui à coup sûr ont laissé sur leur faim certains des deux camps.

Il s’agit donc bien de deux camps dans notre communauté. Comme social-démocrate, je refuse d’attiser les tensions et essaie de me mettre à la place des autres qui veulent encore discuter.

Sensible à l’action humanitaire de Monsieur Lazzarini, je constate aussi que la motion populaire discutée au Conseil général, dans un autre sens que valoriser son action humanitaire, l’instrumentalise.

Elle se sert de sa personnalité remarquable pour faire passer un message politique plus pro-palestinien que pro-paix. Surtout par la référence dans l’argumentaire de la motion à la Place des Brigades internationales, anciennement Place du Stand. En effet, on y lit : « Au même titre que l’engagement dans les brigades internationales a été reconnu par Ia nomination d’une place dans notre ville, l’engagement d’un natif de La Chaux-de-Fonds pour des valeurs humanitaires et de paix se doit d’être également honoré. »

Les brigades internationales étaient avant tout une organisation résistante contrairement à la cause humanitaire pour laquelle s’engage Monsieur Lazzarini. Les brigades internationales comprenaient des résistants au fascisme. Bref, une cause humanitaire, ce n’est pas forcément toujours la même chose qu’une cause résistante. Et je ne considère pas l’État d’Israël comme fasciste. Le fondamentalisme religieux du Hamas a son pendant chez les extrémistes israéliens. Chacun veut la mort de l’autre.

Or, certains initiateurs ou probables signataires de cette motion pensent, et l’affirment publiquement sur les réseaux, que l’État israélien est fasciste. On ne les entend pas sur le Hamas. C’est leur droit. C’est aussi mon droit de penser que leur idéologie les aveugle à travers des schémas conceptuels sans nuances.

Certains d’entre eux n’ont pas immédiatement condamné les massacres du Hamas le 7 octobre. C’est leur droit. C’est aussi mon droit d’avoir dénoncé dans un précédent article les positions radicalisées de certains membres de la France insoumise, du POP romand et même d’un socialiste vaudois. Léo Bysaeth avait lui-même analysé la dérive du parti Solidarités après le 7 octobre.

Ils sont, pas tous heureusement, membres de partis d’extrême-gauche. On voit, en ces semaines de campagne électorale, certains candidats ou partis (POP ou Solidarités) se présentant dans la presse ou sur des affiches électorales avec des keffiehs palestiniens ou même un t-shirt-banderole Free Palestine. C’est encore leur droit.

Et c’est le droit du POP pro-palestinien d’avoir parlé au Conseil général « d’une ville résistance » et « du rejet de l’oppression » : « Notre ville est une ville de résistance et de solidarité active. Elle ne saurait rester passive face ses injustices. En honorant Monsieur Philippe Lazzarini, l’un des nôtres, nous honorons le travail humanitaire et l’aide sur le terrain. Nous affirmons notre rejet de l’oppression et notre attachement indéfectible aux valeurs internationales et humanistes qui sont aussi chères à notre ville. »

Mais c’est aussi et encore mon droit de penser que la gauche chaux-de-fonnière modérée, comme forcée par l’union électorale cantonale, s’est aveuglée et compromise en validant cette motion, sans même débattre avec les autres partis, lors du Conseil général du 20 février 2025.

Le procès-verbal et la vidéo de la séance permettent ou permettront prochainement de voir ou revoir, d’entendre ou réentendre comment tout s’est déroulé, de la cloche de la présidente, de ses deux interruptions de l’élue Vert’libérale à la claque des applaudissements. J’ai vécu ces moments en vidéo, chez moi, et ai peine, aujourd’hui encore, à en croire mes yeux et mes oreilles. J’avoue ma tristesse et mon désarroi après ce Conseil général.

L’acceptation de la motion, par 23 voix contre 16 et une abstention, fut pour moi un acte politique partisan qui, au lieu de nous rassembler autour d’une personnalité née à La Chaux-de-Fonds, nous divise.

Comme une camarade socialiste du Conseil général, je me serais abstenu. Honorer un citoyen ne peut se faire que si la personnalité encore vivante fait l’unanimité de la communauté au lieu de la diviser

D’ailleurs, jamais le Conseil communal ne proposera au Conseil général de nommer M. Lazzarini citoyen d’honneur avant nombre d’années. D’abord on peut faire l’hypothèse qu’une personne modérée comme lui et œuvrant pour la paix n’acceptera pas d’être nommée par un législatif divisé et non consensuel. Ensuite, il faut les deux tiers de ce législatif pour honorer une personnalité. Et avec un parti socialiste heureusement pas unanime comme l’autre soir, jamais les 25 voix nécessaires ne seraient trouvées. Donc l’acceptation de la motion populaire pro-palestinienne a été idéologique, clivante et non apaisante.

Annexe : courrier des lecteurs d’un citoyen le 6 mars 2025

Image d’en-tête : capture d’écran de Canal Alpha

3 commentaires

  1. En effet, la gauche modérée aurait dû comprendre que la motion mettait de l’huile sur le feu, ce qui a été le cas. Être de gauche et s’opposer tant au régime actuel en Israël, extrémiste fondamentaliste, qu’au Hamas, pouvoir théocratique et violent, est une position difficile.

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