La Punta Campanella s’avance telle une langue pour terminer la péninsule sorrentine. A mi-pente, faisant face à Capri s’étend un domaine agricole immergé dans le maquis et les oliviers, l’agritourisme Fossa Papa où l’on peut manger à midi. Pour vingt euros, le paysage entre en vous à travers la splendeur du site, les oiseaux, les produits et les saveurs que la nature offre ici aux privilégiés. C’est mythique, magique et unique !
Dans un précédent article, j’avais parlé du Cap Minerve, qui sépare le golfe de Naples de celui de Salerne. Un temple romain y fut édifié et les cinq kilomètres qui sépare cette pointe de Capri constitue un détroit dangereux. Il avait donné lieu à un célèbre passage du Voyage en Italie de Goethe qui revenait de Sicile en 1787 sur les traces d’Ulysse. À peu de kilomètres de là d’ailleurs surgissent les rochers des trois sirènes dont l’une, Parthénope, se serait envolée pour fonder Naples.
Ce paysage est donc mythique, littéralement béni des dieux pour y faire pousser les meilleurs et les plus beaux fruits, légumes, arbres et herbes aromatiques. Oliviers, caroubiers, agaves, citronniers, myrtes, genêts, genévriers, roquette et fenouil sauvages, origan, romarin, tomates, artichauts, courgettes, aubergines et j’en passe. Bref tout ce qui constitue la terre méditerranéenne pousse à profusion et à portée de notre main. Je n’ai jamais connu un lieu qui donne autant le sentiment d’être une offrande de la nature à l’homme.
Le domaine de Giovanni de Turris, récemment racheté à un propriétaire munichois, élève aussi des animaux : ânes, chèvres, vaches, poules, dindons, lapins et cochons.
Il s’appelle Fossa Papa, en référence à une tour « sarrasine » du même nom qui servait, comme de nombreuses autres sur cette côte, à se prémunir des Sarrasins qui avaient été quand même deux cents à débarquer par là vers 1560 !
Depuis septembre 2018, la famille a ouvert une azienda agrituristica qui reçoit des hôtes pour le repas de midi. Elle ne fonctionne pour le moment que par le bouche à oreille et sa page Facebook. Il faut réserver par Messenger et savoir surtout que l’accès à ce lieu unique est assez difficile pour des non marcheurs. De Sorrente, il faut prendre le bus pour Termini et de là descendre (et remonter sous la chaleur !) à flanc de coteau sous le Monte Constanzo. Cinq kilomètres et demi à pied aller-retour sur un chemin sans difficulté mais interdit aux voitures.
Le repas que nous y avons fait le jour de la grève des femmes en Suisse fut, somme toute, très simple, puisque les produits sortis du jardin, Madame de Turris les avait élaborés tout naturellement. Elle reçoit aussi des enfants de la région pour les sensibiliser aux richesses de leur terre.
La table en bois devant Capri nous a accueillis avec une carafe d’eau citronnée. La bouteille de vin de table à 11 degrés et l’eau minérale, comme les liqueurs finales, sont compris dans le prix. 20 euros pour ce paysage qui s’est immergé en nous par les yeux, les oreilles entendant les oiseaux chanter, les saveurs et les odeurs des produits.
Pour commencer, des bruschette à la tomate et aux aubergines. Puis quatre assiettes d’antipasti : charcuteries (coppa, pancetta et salami) courgettes à l’aigre-doux, tomates fraîches posées sur un lit de roquette sauvage et croquettes de pommes de terre.
Arrive ensuite un immense plat de caprese, des tomates accompagnées de fior di latte saupoudrée d’origan, en fait de la mozzarella de vache. On termine par une parmigiana de courgettes, ici gratinées avec de la mozzarella et une sauce tomate.
Le dolce final est une tranche de génoise à la confiture de citron qui est apportée avec six bouteilles de liqueur (noix, fenouil, citron, caroubier, myrtes noire et blanche).
Et on nous explique qu’on ne peut pas faire les prix trop élevés pour des visiteurs qui font l’effort de venir jusqu’ici à pied !
Nourriture « provenance zéro », pas chère mais précieuse, saine de chair et d’esprit, et qui nous plonge dans une forme d’extase de la simplicité, vous le saurez, vous la trouverez peut-être un jour à Fossa Papa, un lieu qui se mérite.