Le dévoilement de la sculpture monumentale de Christian Gonzenbach consacrée à Louis Chevrolet a eu lieu hier. Si l’artiste inverse le réel, il ne s’oppose pas à lui mais le révèle en l’irradiant. On peut ainsi lire cette oeuvre comme une image de notre ville.
Christian Gonzenbach est un artiste pointu et chaleureux dans sa démarche, ses explications et son site internet détaillé. Son idée pour la sculpture de Chevrolet offerte à la ville de La Chaux-de-Fonds par la célèbre firme est d’avoir réalisé le buste de l’inventeur en trois dimensions, puis d’en avoir retourné la surface à l’aide d’un moule en silicone. « L’homme célèbre est dès lors méconnaissable et demande du temps à tout passant pour découvrir cette figuration abstraite dont les détails miroitants en rendent la lecture peu aisée. La sculpture définitive est réalisée en fonte d’acier inox qui est ensuite poli miroir. »

Faire le contraire, est-ce forcément s’opposer ? Non, inverser, ce n’est pas renverser ou vouloir détruire mais révéler. Et je lis cette oeuvre réussie et très bien intégrée dans l’espace urbain chaux-de-fonnier comme l’inverse de celui-ci, orthogonal et sévère. Pourtant la sculpture irradie la lumière et les reflets du lieu. Elle révèle ainsi notre ville à elle-même et aux autres qui la voient d’abord laide.
De même, elle est le meilleur hommage de La Chaux-de-Fonds à Chevrolet. Il n’a fait que naître dans cette ville qu’il a ensuite ignorée. C’est pourquoi il ne fallait pas vraiment le montrer comme dans un buste glorificateur, mais faire l’inverse, le cacher pour qu’il se révèle progressivement.
Si on essaie de replacer l’oeuvre de Gonzenbach dans l’histoire de l’art, elle me fait penser au travail de compression de voitures amené par le sculpteur français César dans les années 60. César détruit l’hymne à la voiture et il n’est pas sûr que Gonzenbach n’évoque pas César, dans une double ironie : les Chevrolet seraient des faux mythes et notre ville pro-bagnoles un lieu propice à perpétuer le mythe de la voiture.
Chevrolet est un beau portrait de notre ville dans laquelle il a passé les six premières semaines de sa vie, de quoi marquer un homme.
Et toi Daniel que retiens tu de tes 6 premières semaines de vie ?