Situation financière de la Ville de La Chaux-de-Fonds, décembre 2025


Grâce aux données de la Ville de La Chaux-de-Fonds, notamment son budget 2026, et à la brochure 2024 de l’Institut de hautes études en administration publique, cet article dresse un panorama de la situation financière de notre cité en cette fin de 2025. 

Le 16 décembre 2025, pour la 6e fois en 6 ans, le législatif a voté une dérogation au mécanisme du calcul du frein à l’endettement. L’article se veut un commentaire explicatif, si possible objectif, du tableau ci-dessous, construit pour l’occasion. 

En rouge dans ce tableau exclusif et non reproductible sans autorisation, les chiffres réels des comptes 2017-2024. En bleu, les chiffres budgétés. En vert, les hypothèses fournies par le Conseil communal dans ses documents BUDGET 2026. En ocre, la moyenne suisse 2024.

Déficit, revenus fiscaux et réserves

Depuis 2016, le déficit de la Ville est structurel.

Cette année 2025, le Conseil communal est moins optimiste que les deux dernières années 2023 et 2024, « Le présent budget a été élaboré dans un climat d’incertitude économique. Après le COVID et la guerre en Ukraine, ce sont les décisions erratiques du président Donald Trump qui rendent les perspectives hasardeuses. L’économie neuchâteloise a toujours fait preuve de résilience, il faut cependant constater un ralentissement assez net depuis quelques mois qui devrait avoir des conséquences sur les recettes fiscales 2025, mais surtout sur les exercices 2026 et 2027. »

Les déficits ne se comblent pas. Les charges de personnel et de biens et de services ainsi que les amortissements des investissements continuent leur ascension.

Grâce à deux réserves, la réserve de la politique conjoncturelle et celle liée à la réévaluation du patrimoine administratif, les déficits du chaque budget sont compensés partiellement. En 9 ans, la fortune permettant à la Ville de puiser dans ces deux réserves a diminué de plus de 80 millions ; il reste une marge de manœuvre de 44 mio en 2026 et de presque 34 mio en 2027 selon les projections mêmes de la Ville. 

À la fin de notre décennie, l’alliance de la diminution de la fortune, des revenus fiscaux et de la population pourrait amener à une augmentation obligatoire du coefficient fiscal imposée par le Canton. La Ville serait ainsi sous tutelle de l’Etat.

Nous nous sommes intéressés de savoir si, dans leur position exprimée lors de la commission financière ou lors du Conseil général, les 7 groupes politiques avaient thématisé le problème de la dette dans leur intervention.

Le PS, comm. fin. : néant; CG : néant

Le POP, comm. fin. : néant; CG : néant

Les Verts, comm. fin. : néant; CG : néant

Le PLR, comm. fin. : néant; CG : « Le recours répété à des dérogations du mécanisme de frein à l’endettement est devenu la règle sans susciter la moindre inquiétude de la majorité politique : notre dette ne cesse de s’alourdir».[à noter que ce parti a proposé des amendements de pacotille dans les charges (enlever 40’000 francs au TPR pour financer une augmentation d’effectif au Service de l’intégration et de la cohésion sociale et enlever 20’000 francs à Muzoo dans son budget publicités. Ce parti aurait mieux fait d’amender le budget des investissements en réduisant la somme accordée au Conseil communal.]

L’UDC, comm. fin. et CG : « La réduction du déficit, et plus encore de la dette, constitue un enjeu majeur pour la pérennité financière de notre ville. Il est essentiel de tout mettre en œuvre pour diminuer cette dette, afin d’éviter d’être pénalisés par les institutions financières lors de futurs emprunts. C’est à cette condition que nous pourrons garantir un avenir stable et prospère à notre commune, en lui permettant de se développer et d’améliorer durablement la qualité de vie de ses habitants. »

Le Centre : CG : « Les investissements se montent à plus de 40 millions alors que l’autofinancement se limite à environ 4 millions. L’écart est considérable. Investir sans cadre financier clair ni trajectoire de rééquilibrage crédible revient à accentuer durablement l’endettement et à réduire les marges de manœuvre futures. C’est dans ce contexte que la question du frein à l’endettement doit être posée avec sérieux. Ce mécanisme ne doit être ni érigé en dogme rigide ni être vidé de sa substance. Aujourd’hui il est de plus en plus contourné avec risque de perdre sa fonction première : garantir une discipline financière minimale et une gestion responsable à moyen et à long terme. »

Les Vert’libéraux : CG : « La dette atteint bientôt 10 000 francs par habitant. C’est ce point qui inquiète les Vert’ libéraux qui regrettent l’absence d’un vrai plan de stratégie de maîtrise des dépenses. Un tableau des investissements arrivés à terme permettrait de mieux contrôler le roulement des dépenses. Dans quel ordre et avec quelle priorité se feront les investissements prévus ? Pourrait-on avoir un échéancier à insérer et à l’avenir dans les budgets ? »

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Investissements avec dérogation au mécanisme du calcul du frein à l’endettement

Depuis l’arrivée à l’exécutif d’une nouvelle équipe en novembre 2020, la politique des investissements a changé. Par six fois en décembre 2020, 2021, 2022, 2023 2024 et 2025, les investissements votés ont dépassé 40 millions.

« Malgré une situation géopolitique instable, le Conseil communal est déterminé à poursuivre une politique d’investissement ambitieuse dans une perspective de long terme. Ainsi, en plus de l’entretien courant des infrastructures, d’importants chantiers devraient se poursuivre ou se déployer en 2026. Nous pouvons citer le réaménagement de la rue des musées (sic), des parcs des Musées et des Crêtets, la construction du centre des archives (CAP), ainsi que la rénovation des anciens abattoirs et de l’Hôtel de ville. Le montant global investi devrait être de CHF 48.6 millions. »

Rappelons que le Conseil général donne par son vote le droit au Conseil communal de dépenser sans rapport au Conseil général des sommes inférieures à CHF 250’000.-. Les montants plus élevés (soit la plupart des investissements prévus ci-dessus) ont déjà été votés. Avec une augmentation de la dette puisqu’il faut continuer d’emprunter pour financer car on ne peut payer par nous-mêmes que pour une petite part (cf plus bas).

Les six derniers budgets d’investissements 2021, 2022, 2023, 2024, 2025 et 2026 ont nécessité que le trois cinquièmes du législatif déroge au mécanisme du calcul du frein à l’endettement. Autrement dit, qu’il contrevienne à son propre règlement financier lui enjoignant la prudence ! La gauche avec ses 25 sièges n’a jamais été si puissante dans notre ville depuis 1848 et peut à elle seule atteindre les trois cinquièmes des 41 élus.

Pour expliquer le mécanisme de cette dérogation, il faut connaître :

Le règlement dit ceci : « Le calcul du degré minimal d’autofinancement se base sur l’autofinancement et les investissements nets totaux. Le degré minimal d’autofinancement des investissements nets est défini en fonction du taux d’endettement net du dernier exercice clôturé, selon le tableau suivant :

Le budget d’une année ne peut présenter un degré d’autofinancement des investissements inférieur à celui découlant du tableau ci-dessus. Sur proposition du Conseil communal, le Conseil général peut, au trois cinquièmes des membres présents, renoncer au respect de la limite de degré d’autofinancement en cas de circonstances extraordinaires. »

L’autofinancement du budget 2026 du compte de résultat s’élève à CHF 4 millions. Les investissements se montant à CHF 48.6 millions, l’insuffisance de financement est ainsi de CHF 44.6 millions Le Conseil communal propose au Conseil général de renoncer au respect de la limite du degré d’autofinancement afin de pouvoir réaliser les dépenses d’investissements de CHF 37.1 millions soumis au mécanisme de maîtrise des finances »

D’où la nécessité pour le législatif de voter une sixième année de suite cette dérogation à son propre règlement des finances !

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Taux d’endettement

Cet indicateur renseigne sur la part des revenus fiscaux, c’est-à-dire sur le nombre de tranches annuelles d’impôts qui seraient nécessaires pour amortir la dette nette. On divise la dette nette par les revenus fiscaux et on multiplie par cent pour avoir le taux. En 2023, le taux d’endettement était de 300 %, en 2024 de 275%.

Selon l’IDEHAP, en 2024, les villes « affichent des taux d’endettement net très contrastés. Cinq villes obtiennent un taux négatif, c’est-à-dire qu’elles disposent d’actifs nets : Chur, Frauenfeld, Genève, Luzern et Schaffhausen. Les villes de Bellinzona, Delémont, La Chaux-de-Fonds, Lausanne, Lugano, Winterthur et Zürich présentent des taux d’endettement problématiques, voire très problématiques

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Degré d’autofinancement (à gauche, budget 2026, à droite budget 2025)

Cet indicateur renseigne sur la part des investissements qu’une collectivité publique peut financer par ses propres moyens sans avoir recours à l’emprunt. À moyen terme ce degré devrait se situer à environ 100 %. On divise l’autofinancement par les investissements nets et on multiplie par 100. 

L’IDEHAP écrit sur cet indicateur de première priorité : « Un résultat inférieur à 100% indique que l’autofinancement provenant de l’exploitation annuelle ne suffit pas à financer les investissements nets et que la collectivité doit recourir à l’emprunt. Un résultat supérieur à 100% montre que la collectivité peut financer davantage que ses investissements par ses propres ressources et réduire ainsi sa dette. Des valeurs situées entre 80 et 70%, voire 60% sont généralement considérées comme acceptables lorsque des investissements d’amélioration sont consentis à côté des investissements de renouvellement.»

En 2021, on avait à La Chaux-de-Fonds dans les comptes un degré d’autofinancement de 42%. Il baisse à 25 % en 2022 et remonte à 43% en 2023 ! Il est en 2024 à 44 % dans les comptes. Il est budgeté à 8,25 % en 2026 (ce qui sous-entend que dans les comptes 2026, si tous les investissements votés ne sont pas effectués, ce degré d’autofinancement augmentera; c’est technique mais c’est ainsi !).

Autrement dit, une très grande majorité des investissements votés pour 2021, 2022, 2023, 2024, 2025 et même 2026 ont nécessité une dérogation au mécanisme du frein à l’endettement.


« En 2024, les villes affichent des valeurs contrastées en matière d’autofinancement de l’investissement net. Neuf villes se situent au-delà de 100% (Delémont, Emmen, Frauenfeld, Köniz, Luzern, Schaffhausen, Sion, Winterthur et Zürich). Les autres villes ne financent que partiellement leurs investissements par leurs propres moyens. Les villes de Bellinzona, Bern, Chur, Fribourg, La Chaux-de-Fonds, Lugano, Neuchâtel et St. Gallen présentent le degré d’autofinancement le plus faible, tandis que Luzern et Schaffhausen présentent les taux les plus élevés. La médiane et la moyenne se situent en dessous de 100%.»

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Part des charges d’intérêt (à gauche, budget 2026, à droite budget 2025)

Dans son rapport sur le budget 2026, le Conseil communal donne un autre indicateur, la part des charges d’intérêt, qui renseigne sur la part du « revenu disponible » absorbée par les charges d’intérêt. Plus la valeur est basse, plus la marge de manœuvre est élevée. En 2021, avec encore « l’emprunt toxique », ce pourcentage était de 4,7%. Il est redescendu en 2022 et 2023 après dénonciation de cet emprunt. Il remonte en 2024 à cause de l’augmentation des taux d’intérêt des nouveaux emprunts que la Ville devra contracter pour financer en particulier ses importants investissements.

En 2025 et 2026, heureusement il baisse mais les instituts bancaires rechignent à prêter de l’argent à une ville déjà bien endettée. « La diminution des charges d’intérêts par rapport au budget 2025 s’explique par la baisse des taux d’intérêts sur le marché financier. Compte tenu des investissements importants envisagés pour 2026, il a été anticipé une hausse de l’endettement. (…) La stratégie définie par le Conseil communal en matière de renouvellement d’emprunts consiste à privilégier les emprunts à court terme pour environ un tiers de la dette tout en renouvelant dans la mesure du possible les emprunts à long terme arrivant à échéance. »

Selon l’IDEHAP, « en moyenne sur les dix dernières années, la part des charges d’intérêts se maintient au-dessous de 1% pour cinq villes: Bellinzona, Chur, Frauenfeld, Luzern (taux négatif) et Schaffhausen. En revanche, les villes de Biel/Bienne, La Chaux-de-Fonds (très en tête du négatif !)et Lausanne font face, sur cette même période, à une part supérieure à 2.5%, traduisant une hypothèque plus sensible des intérêts sur les revenus courants».

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Quatre autres indicateurs financiers calculés par IDEHAP 

a. Dette brute par rapport aux revenus

IDEHAP : « En moyenne sur les dix dernières années, seule la ville de Schaffhausen affiche une dette brute faible, représentant moins de 75% des revenus courants. En revanche, douze villes affichent, en moyenne au cours des dix dernières années, un taux au-dessus de 125% (Bellinzona, Bern, Biel/Bienne, Delémont, Emmen, Genève, Köniz, La Chaux-de-Fonds, Lausanne, Lugano, Neuchâtel et St. Gallen), traduisant une situation d’endettement élevée et potentiellement problématique. »

b. Taux d’autofinancement

IDEHAP : « Cet indicateur renseigne sur la proportion du revenu que la collectivité publique peut consacrer au financement de ses investissements. Au-dessous de 10 % c’est mauvais. Le taux d’autofinancement informe sur la part des revenus courants qui reste en main de la collectivité pour (auto)financer par elle-même ses investissements. Autrement dit, il indique dans quelle mesure les revenus peuvent être épargnés plutôt que consacrés à financer les charges courantes. »

« En 2024, les villes affichent, à peu d’exceptions près, des résultats bons à très bons pour le taux d’autofinancement. Dix villes présentent un taux égal ou supérieur à 8%, ce qui est un excellent résultat : Chur, Delémont, Emmen, Frauenfeld, Köniz, Luzern, Schaffhausen, Sion, Winterthur et Zürich. La ville de Neuchâtel présente la valeur la plus basse, et témoigne d’un taux d’autofinancement insuffisant. La médiane et la moyenne se situent à un très bon niveau.» Notre ville ne s’en tire pas vraiment bien dans ce tableau comparatif !

c. Part du service de la dette

IDEHAP : « Cet indicateur mesure l’importance des charges financières qui pèsent sur le budget et les comptes. Il renseigne sur la part des revenus courants absorbée par le service de la dette (intérêts et amortissements). Un taux élevé signifie une marge de manoeuvre budgétaire plus restreinte.Les villes affichent en 2024 des résultats plutôt problématiques pour l’indicateur de la part du service de la dette. Neuf villes sont confrontées à un effet de tenailles significatif sur les revenus courants (Bern, Biel/Bienne, Chur, Genève, La Chaux-de-Fonds, Lausanne, Neuchâtel, Sion et St. Gallen

d. Couverture des charges

IDEHAP : « Cet indicateur renseigne sur l’état du compte de résultats (ou du compte de fonctionnement). Il permet de savoir dans quelle mesure les revenus courants permettent de couvrir les charges courantes. Les charges devraient en principe être intégralement couvertes au moins à moyen terme. La valeur de l’indicateur devrait donc être d’environ 100% sur une période de quelques années. Un résultat inférieur à 100% traduit un excédent de charges. Autrement dit, la collectivité vit au-dessus de ses moyens : ses revenus sont insuffisants ou ses charges sont trop élevées. Les revenus excèdent les charges si le résultat est supérieur à 100%. Cela est considéré comme une situation favorable. Mais, sur la durée, cela peut aussi indiquer une inadéquation entre la charge fiscale et les services offerts à la population.

Les villes obtiennent en 2024 des résultats contrastés pour l’indicateur de couverture des charges. Quatre villes se situent au niveau idéal compris entre 100 et 103% (Genève, Köniz, La Chaux-de-Fonds et Winterthur).»

Cet indicateur montre que notre Ville gère ses charges de manière raisonnable comme elle l’écrit elle-même :

« Une attention particulière a été une nouvelle fois portée sur les charges maîtrisées par la Ville, notamment les biens services et marchandises (BSM) et les charges salariales qui représentent près de la moitié des dépenses, soit CHF 129 millions pour un total de dépenses de CHF 296 millions. Les charges de chaque service ont été examinées en détail afin de les limiter au nécessaire. La légère inflation attendue est compensée par une baisse du prix des énergies, ce qui permet d’avoir une stabilité au niveau des BSM, soit CHF 43.4 millions en 2026 contre CHF 43 millions pour le budget 2025 et CHF 44.6 millions pour les comptes 2024. En ce qui concerne les charges de personnel, elles progressent de manière maîtrisée. La compensation du renchérissement calculée sur le différentiel annuel de l’IPC pris au mois d’août est pleinement accordée, ainsi que les échelons quantitatifs et qualitatifs. Une légère augmentation des effectifs est à relever, essentiellement à l’école obligatoire en regard de l’augmentation du nombre d’élèves et au service de la jeunesse de par l’ouverture de nouvelles places dans les structures pré et parascolaires telle que décidée par le Conseil général. Il est à relever que la hausse des effectifs d’élèves est une bonne nouvelle pour notre ville, puisqu’induite par la hausse de la démographie depuis deux exercices et qui devrait se confirmer en 2025. La hausse des charges du personnel est toutefois compensée en partie par une réduction de la cotisation à la LPP qui passe de 14.7% à 13.5% avec une économie nette estimée à CHF 850’000.-. Dans les charges non maîtrisées par les autorités communales, il est à relever une stabilisation de la participation au pot commun des transports à CHF 7.4 millions après une forte hausse par rapport aux comptes 2024 (CHF 6.1 millions). Par contre, la charge de transfert pour la participation aux institutions sociales, qui représente un total de CHF 18.8 millions, est en augmentation de plus de CHF 1.2 million par rapport au budget 2025, notamment suite à la tendance à la hausse du nombre de dossiers d’aide sociale. Suivant l’évolution économique et la récession qui pourrait frapper durement notre région exportatrice, il est à craindre qu’après des années de stabilisation, la facture sociale augmente significativement. Le budget fourni par le canton reste cependant prudent. »

Pourtant, l’IDEHAP écrit que « sur dix ans, les villes présentant les valeurs extrêmes sont La Chaux-de-Fonds (valeur la plus basse) ainsi que Fribourg et Schaffhausen (valeur les plus hautes).»

Annexe : tableau comparatif cantonal

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