Ce sera le dossier financier du siècle au Conseil général La Chaux-de-Fonds le 28 janvier 2025 : un crédit d’investissement de 70 millions pour deux nouvelles patinoires. Jusqu’à cet été il était tabou d’être réservé, sceptique ou réticent sur ce projet tant le hockey sur glace est une religion dans nos Montagnes. Pourtant, le flou de ce « temple du hockey » est actuellement encore financier, institutionnel, technique et humain. Seule la date de l’inauguration possible, 2028, est connue après le Conseil général du 28 octobre 2024 où le Conseil communal a été sommé des donner des informations.
Article écrit le 19 juillet 2024 et modifié le 29 octobre à la suite du Conseil général
Je suis plutôt favorable à cet énorme – et pas pharaonique – investissement à certaines conditions : de la transparence, des garanties et pourquoi pas une confirmation citoyenne du vote du Conseil général par un vote populaire.
Sur les réseaux sociaux, des supporters-internautes s’impatientent, justifiant qu’investir comme d’autres villes suisses, c’est assurer l’avenir. Mais connaissent-ils les chiffres ? Ont-ils fait des comparaison, s’inquiètent-ils de la situation financière de la Ville ? Certains en viennent même à argumenter que si on investit pour un nouveau pavage de la place du Marché, on peut bien investir pour une nouvelle patinoire ! Certes, mais ce n’est pas la même chose d’acheter pour 3000 francs une piscine gonflable pour son jardin ou y faire construire un spa-pisicne-jacuzzi-sauna-hammam à 300’000 francs !

Le flou financier et institutionnel
Seuls quelques échos dans la presse locale nous ont distillé au compte-gouttes des informations, jusqu’au soir du 28 octobre. Un article de Batimag résume le projet.
Une fondation-propriétaire aurait été créée pour être dépositaire d’une grande partie des 70 millions. Le partenaire principal serait cantonal ou paracantonal, une « institution de l’État de Neuchâtel » : la Banque cantonale, Viteos, l’ECAP, la CPCN-Caisse de pensions de la fonction publique ? Je suppose que ce pourrait être une de ces quatre entités.
Il faut comprendre qu’une de ces institutions n’injecterait pas de l’argent dans le projet mais prêterait à taux bas les dizaines millions investis par la fondation. J’espère que les conseillers communaux Brechbühler (UDC, responsable du dicastère des Sports) et Jeanneret (PLR, responsable du dicastère des finances et inspirateur de la fameuse fondation) ne sont pas en train de confondre le possible avec le réalisable. On se souvient de la conseillère communale PLR Lise Berthet qui en mars 2004 envisageait un MUZOO à 17 millions alors que le nouveau musée inauguré en 2022 a finalement coûté moins de 5 millions.
Viteos pourrait investir 9 millions dans les panneaux solaires du toit et d’autres mécènes auront peut-être été trouvés pour donner de l’argent (et pas simplement le prêter !). La fondation serait le maître d’ouvrage avec un capital doté par ces partenaires privés. Mais lesquels et à quelles conditions pour la Ville qui serait locataire de cette fondation-propriétaire ?
Le 28 octobre 2024, lors d’une réponse à une interpellation urgente interpartis (sauf le PLR), le conseiller communal Brechbühler a précisé : « En ce qui concerne la recherche de partenaires et le montage financier, je tiens à souligner que le projet a avancé conformément ligne directrice que nous avons présentée en mars dernier. Nous ne parlons plus aujourd’hui de recherche de partenaires. Ceux-ci nous ont confirmé leur participation active aussi bien en terme financier que d’implication dans la fondation que nous allons créer pour piloter le projet« .

Ces partenaires seront-ils des donateurs, des prêteurs ou des facilitateurs ? C’est encore, en fin octobre, le mystère. Mystère qui sera levé avant le 28 janvier 2025, date du vote du projet au Conseil général.
De facto une importante augmentation annuelle du budget annuel de fonctionnement de notre ville aura lieu, quel que soit le scénario. Je n’imagine pas que la Ville n’investirait rien dans la fondation. Ou alors l’argent nous serait tombé du ciel grâce à des sponsors miraculeux.
Nous serons sûrement dans une situation différentes de Fribourg où la nouvelle patinoire inaugurée en 2020 (coût : 88 millions) a été financée à plus de 50% par des privés suisses, avec 92% des travaux effectués par des entreprises fribourgeoises.
A Viège, la Lonza Arena a coûté 36 millions de francs avec cette répartition des coûts : 5,7 millions de la vente de l’ancienne patinoire, 3 millions de la Lonza Group SA, le sponsor qui a donné son nom à la patinoire, 0,5 million du canton du Valais, 7,5 millions du club de hockey. Le solde de 18,8 millions, soit la moitié, a été financé par la commune. Les citoyens de Viège ont voté le 27 novembre 2016 pour approuver ce budget, avec 75% de oui.
Chez nous des garanties devront être données aux citoyens chaux-de-fonniers sur les points suivants :
- Quel investissement exact serait entièrement à la charge de la Ville, via la fondation, si la Ville devait investir dans la fondation ?
- Quels seront les rapports entre ces deux entités ?
- A quel prix annuel la Ville sera-t-elle locataire et avec quelles obligations pour faire fonctionner la structure ?
- Quelles sera l’augmentation des frais de fonctionnement annuels pour la Ville (frais éventuels d’amortissement, personnel en plus, frais de location et/ou de fonctionnement notamment) ?
- En cas de faillite, de difficultés financières de la fondation ou surtout de mauvaises performances de l’équipe de hockey et une rétrogradation dans des ligues inférieures, quelles seront les obligations financières de la Ville à l’égard de la nouvelle structure ?
- Quel sera la part du HCC dans l’investissement de départ et les frais de fonctionnement annuels ?
Le 1er novembre, un aimable internaute m’a envoyé son hypothèse pour la constitution de la Fondation. Partenaire principal de financement : la caisse de pension cantonale, la CPCN, qui investit beaucoup dans la pierre avec des perspectives de rendement. Viteos financerait l’énergie, Tudor Rolex ferait un don en retour du nom de l’Arena. Et la Ville mettrait 10 millions dans la Fondation, comme investissement-don ! Les paris sont ouverts…
Le flou technique
Un élément clé sera la manière que cette nouvelle structure sera en partie autonome énergétiquement pour limiter son empreinte carbone globale. Ainsi :
- Quels seront ou non les audacieux choix écologiques pour construire, chauffer, refroidir et entretenir l’ensemble ?
- Comment sera mieux géré qu’à l’heure actuelle l’accès aux matchs par les transports publics et, corrélativement, comment le trafic automobile diminuera-t-il ou sera même limité aux abords de la patinoire les soirs de matchs ? La situation actuelle est intenable et mécontente tous les usagers, automobilistes et riverains.
Le flou humain
Actuellement la piscine, la patinoire et leurs environs sont conviviaux, notamment grâce à un établissement public, le restaurant, les parcs environnants et le quartier de maisons coopératives. La buvette-restaurant est un lieu familial de rendez-vous d’habitués du quartier et de la piscine en été; elle propose une cuisine du terroir (fricandeaux, croûtes au fromages, tripes, röstis, fondues) à des prix abordables. Une pétition signée plus de 2300 personnes et coordonnée par le président des Verts Pierre-Yves Blanc a d’ailleurs été remise aux autorités sur la pérennité du restaurant actuel.
Les questions suivantes devront aussi avoir des réponses rassurantes, y compris pour le nouvel « hôtel-dortoir » prévu :
- Le nouveau restaurant (donc aussi la nouvelle buvette) gardera-t-il un ancrage local (accueil, convivialité, type de cuisine, prix abordables) ?
- Sera-t-il un modèle d’«écologie culinaire » en proposant des produits sains, régionaux, pour toutes les tendances actuelles de consommation de nourriture, contre la malbouffe habituelle dans ce genre de lieu en Suisse ?
- Le projet de « restauration globale », affreusement nommé catering, serait-il alors adéquat ?

Un projet si important nécessitera un large consultation préalable avant son vote au Conseil général le 28 janvier 2025. Les partis politiques mais aussi les associations citoyennes ( exemples : le club de supporters, les 2300 signataires de la pétition pour conserver le restaurant actuel, le TCS, l’Association transports et environnement, le Haut veut vivre, la ou les associations des commerçants de la Ville, les habitants du quartier, etc) devraient avoir le temps d’analyser le projet et de communiquer leurs points de vue. Une soirée d’information publique avant le vote du législatif est aussi nécessaire. Le 28 octobre, le Conseil communal n’a pas du tout évoqué ces consultations.
Je trouverais également bienveillant que la population puisse se prononcer, par un référendum obligatoire que le Conseil général déciderait d’instaurer, sur le plus gigantesque investissement du siècle. Une façon de lui donner encore une légitimité plus forte ! Le 28 octobre 2024, Thierry Brechbühler n’a ouvert aucune porte sur une éventuelle consultation populaire qui confirmerait le vote du Conseil général.
Avec toutes ces garanties, le projet a une chance de créer une vague d’approbation. Passer en force ou en catimini serait le mettre en péril.
Annexe : la nouvelle patinoire de Sierre
RTS Info, 12 décembre 2024
Les élus du législatif sierrois ont largement accepté le projet par 49 voix, contre 7 refus. Ils ont ainsi notamment validé un crédit d’engagement de 30 millions de francs, soit la part des collectivités publiques pour la construction de cette nouvelle patinoire de 6500 places.
Le projet est estimé à 89 millions de francs, dont 59 millions financés par des investisseurs privés emmenés par Chris McSorley, l’ancien homme fort de Genève-Servette. La Ville de Sierre participera à hauteur de 30 millions au maximum, sachant que ce montant pourra être réduit avec les participations du Canton du Valais et des autres communes du district.
Les élus sierrois n’ont pas souhaité, en revanche, soumettre la Valais Arena au vote populaire via un référendum facultatif. Il revient ainsi aux opposants, qui critiquent un projet « titanesque », de lancer eux-mêmes un référendum.
Ceux-ci ont déjà affirmé qu’ils iraient récolter les 970 signatures nécessaires. Si leur référendum aboutit, la population aura le dernier mot sur la Valais Arena.





Merci Daniel de me citer!!!! Batimag suit ce dossier, au même titre que le projet sierrois et genevois, après avoir parlé de celle de Gottéron et de Porrentruy.
Très bien. Il faudra qu’on en parle un jour.
Bravo, Daniel pour cet article. Tu apportes un éclairage lucide sur cet énorme projet avec des questions bien légitimes qui réclament de justes réponses..
On verra