Les villages perchés sont beaux de loin ou par le panorama qu’ils offrent de leurs belvédères. Doublement magnifique sur ces deux plans, Naso, en Sicile, est photogénique, typique et unique.
Vu du Sud, sur la route menant au pied de l’Etna, le village, ici à gauche de la photographie panoramique, est entre mer et montagne.
Dix kilomètres à vol d’oiseau le séparent de la mer Tyrrhénienne et des îles éoliennes (Alicudi, Filicudi, Salina et Lipari sur la photo). À droite de la vallée s’étirent les Monts Nebrodi. Ils forment une partie des Apennins sicules, la continuation en Sicile de la chaîne traversant toute l’Italie continentale et qui se prolonge jusqu’à l’Etna, soixante kilomètres plus au sud. Les matins clairs et les soirs rosés, l’Etna et les îles ravirent mon regard. Je fus perpétuellement entre deux mondes, le volcan terrestre, l’Etna et le volcan marin, Salina


Les habitants de Naso, les Nasitani, n’éprouvent pas vraiment les émotions visuelles des visiteurs de passage, les sens en éveil comme moi. Ces paysages sont les leurs depuis leur enfance ; à peine les admirent-ils encore.
De plusieurs endroits, j’ai pris Naso en photo de loin. Du sud pour les plus belles vues sur les édifices publics (la questure, en jaune, et le théâtre, en rouge, encore bien actif ; la place-terrasse du village, la Piazza Roma, ses quatre palmiers et ses bancs publics ; et les deux églises importantes, si exceptionnelles avec leurs chapelles baroques, la Chiesa Madre, à côté de la piazza et, plus bas, l’Église San Cono).
Du nord, le sud de la bourgade fait voir les maisons et les palazzi (grandes maisons bourgeoises ou aristocrates). Ils s’étagent sur les flancs du village ; certains offrent de belles vues sur les îles éoliennes.
Dans la vallée au bas du promontoire de Naso commence le quartier de Bazia. C’est un petit village en soi, avec des églises, des commerces, des bars et une place de jeux. Il fait partie la commune de Naso. J’ai été impressionné par la découverte d’une plaque en céramique dans la rue Monte dei Giudei, le Mont des Juifs. Elle rend hommage à des céramistes juifs qui vivaient dans ce quartier où ils créaient des majoliques.
Vu de haut, Naso ressemble pour ainsi dire à une grenouille : allongé et bombé, avec une colonne vertébrale, deux flancs et deux cuisses. La colonne vertébrale du village est le corso Umberto. Du centre, Piazza Francesco Lo Sardo, on descend cette belle rue pavée jusqu’à la Piazza Roma. Mon émotion fut intense le dimanche de mon séjour en descendant ce corso. L’Etna enneigé se dressait au loin sous un ciel immaculé.


Ainsi pendant dix jours, mon regard a pu plonger et s’immerger dans les paysages de Naso. Il me les a révélés, me les a rendus familiers. Ils sont devenus miens. Un rapport presque érotique s’est tissé très vite entre ces lieux et moi.
En novembre, je publierai aux Éditions SUR LE HAUT un petit livre illustré intitulé Immersion sicilienne.
En voici la préface-dédicace, déjà écrite :
Je suis entré dans le village de Naso un soir de mai 2024. Casimiro, le frère de mon ami sicilien et chaux-de-fonnier Nino, était venu nous chercher à la gare de Capo d’Orlando. La voiture est passée par la Piazza Roma, s’est enfilée dans le corso Umberto et nous avons pénétré à pied dans la petite via Archimede.
Avant ce séjour, je ne savais presque rien de Naso. C’était le village natal de Nino. Il y possédait une petite maison, celle de ses parents et de son enfance. La mer n’était pas loin et la population diminuait. Volontairement je n’avais rien lu ni vu sur Naso, pour laisser venir les surprises.
Grâce aux deux frères, à leurs sœurs Gina et Rita, à la belle-famille de Nino, à ses cousin·e·s et petit·e·s cousin·e·s, je me suis immergé dans cette Sicile profonde. Pendant dix jours, j’ai baigné parmi les gens, les paysages, les plats de Gina, les œuvres baroques du village.
J’ai pu saisir la richesse de l’immigration sicilienne et italienne de La Chaux-de-Fonds. Là-bas, c’est chez eux, c’est aussi chez nous, nous qui aimons le Sud.
Aimer est un mot faible pour dire mon désir permanent du Sud. L’austère vie suisse manque de puissantes émotions sensuelles enchanteresses : difficile d’y jouir en liberté d’un morceau de pecorino, du bleu de la mer, des beaux visages d’une sainte sculptée en stuc ou d’une jeune vendeuse.
Ce petit livre est dédié à la famille Giallanza, à toutes leurs amies et tous leurs amis de Sicile, de Naso et de La Chaux-de-Fonds.





