Antonio Machado (1875-1939), de Séville à Collioure


Né dans la Casa de las Dueñas à Séville en 1875, le célèbre poète espagnol Antonio Machado est mort le 22 février 1939 à l’hôtel Quintana à Collioure, village français des Pyrénées atlantiques. Cet édifice restauré abrite une fondation Machado et un émouvant espace muséographique. Passer, en train, de la cité andalouse au village catalan est émouvant.

Antonio Machado Álvarez, père du célèbre poète Antonio Machado, né aux Dueñas en 1875, était l’un des administrateurs de la propriété des Dueñas. Machado se souvient des vers suivants des huit années de son enfance. Las Dueñas :

“Mi infancia son recuerdos de un patio de Sevilla 

y un huerto claro donde madura el limonero…” 

(Campos de Castilla,1912)

« Es esta luz de Sevilla… Es el palacio donde nací, 

con su rumor de fuente“ 

(Nouvelles Chansons, 1924) 

La résidence sévillane des ducs et duchesses d’Alba est l’un des bijoux de Séville. L’importance architectonique de ce bâtiment, exemple de l’architecture nobiliaire sévillane, se trouve à la jonction des styles gothique et mudéjar. L’attraction principale des Dueñas est la combinaison entre la majesté du bâtiment, avec ses patios et jardins et sa collection de peintures, sculptures, tapis, meubles et objets anciens.

 » En cette fin d’après-midi du 28 janvier 1939, Antonio Machado, alors âgé de 64 ans, descend du train bondé en provenance de Cerbère. Il est accompagné de sa mère, Ana Ruiz, de son frère José, de l’épouse de celui-ci, Matea Monedero, et de l’écrivain Corpus Barga. Miné par une grave affection des bronches, le poète est exténué. La route de l’exil a été longue depuis ce 24 novembre 1936, quand le Quinto Regimiento a organisé l’évacuation de Madrid assiégée d’un nombre important d’intellectuels.

À contrecœur Antonio Machado a quitté la capitale avec sa famille pour s’installer à la Villa Amparo, au village de Rocafort, non loin de Valence. En mars 1938, l’avancée des troupes nationalistes les chasse vers Barcelone, où ils logent à l’hôtel Majestic, puis à la Torre Castañer. Mais le 22 janvier, il faut partir de Barcelone, menacée par les troupes franquistes. La ville tombera le 26 janvier et c’est dans la confusion et le désespoir que s’organise l’exode vers la France. Machado et les siens font partie d’un convoi d’intellectuels qui met six jours pour arriver à Port Bou, avec des haltes à Cervià de Ter, à Raset et au Mas Faixat, où le poète et ses compagnons d’exode passent leur dernière nuit en terre d’Espagne.

Le matin du 27 janvier, on se remet en route pour atteindre Port Bou à la nuit tombante. Il fait froid et il pleut. Le flot énorme des réfugiés fait que, quelques kilomètres plus loin à peine, dans la montée vers la frontière du col des Balitres, Antonio Machado et sa famille doivent descendre de voiture, abandonner leurs bagages (parmi lesquels divers textes du poète, à jamais perdus) et gravir à pied les centaines de mètres qui les séparent de la frontière. Celle-ci est fermée sur ordre des autorités françaises et ne sera ouverte aux civils que le lendemain, 28 janvier (et aux militaires, immédiatement désarmés le 5 février). Grâce à son passeport, et à l’intervention de Corpus Barga (« Je dis au commissaire de police qu’Antonio Machado était à l’Espagne ce que Paul Valéry était à la France et qu’il était malade »), Antonio Machado et sa mère peuvent franchir la frontière et descendre à Cerbère dans un fourgon cellulaire que le commissaire de police met aimablement à leur disposition. Ils sont bientôt rejoints par José et Matea et tous passent cette première nuit en terre française dans un wagon oublié sur une voie de garage.

Le lendemain, « ligero de equipaje » (litt. léger de tout bagage), Antonio Machado arrive avec sa famille à la gare de Collioure. Ils descendent à pied jusqu’à la Placette où Juliette Figuères, qui tient une mercerie-bonneterie, les réconforte avec un café au lait et quelques biscuits. De là, ils vont à l’hôtel Bougnol-Quintana, que leur a indiqué le chef de gare, Jacques Baills, à leur descente du train.

C’est Jacques Baills, qui tenait le registre de l’hôtel pour Mme Quintana, qui reconnaît à son nom (il s’était inscrit comme simple professeur) le poète dont il avait étudié quelques poèmes durant ses études et qui lui demande confirmation. A noter l’erreur concernant l’âge de Machado sur le registre.

Jacques Baills, Juliette Figuères et son mari, Pauline Quintana, hôtelière au grand cœur, sont les nouveaux amis colliourencs du poète, à qui, outre une aide morale, ils apportent, ainsi qu’aux siens, une aide matérielle : linge, timbres-poste, livres, journaux et revues. Machado, très éprouvé par le voyage, sort très peu de l’hôtel. Son frère a raconté l’unique promenade qu’il fit en sa compagnie jusqu’au bord de la mer.

L’état de santé d’Antonio Machado se dégrade de jour en jour et il meurt le mercredi 22 février à trois heures et demie de l’après-midi, tandis que sa mère agonise dans la même chambre et s’éteint trois jours plus tard, le 25 février. La nouvelle de la mort du poète se répand très vite. Son corps est veillé par ses nouveaux amis colliourencs et aussi par Gaston Prats et Henri Frère, tous deux professeurs d’espagnol. Ce dernier, peintre de talent, fait plusieurs croquis du poète sur son lit de mort, à partir desquels il exécutera une gravure sur cuivre.

C’est Jacques Baills qui fait la déclaration de décès à la mairie et alerte l’ambassade d’Espagne à Paris ainsi que plusieurs personnalités. La presse locale et internationale se fait l’écho du décès « del poeta y español sin tacha », Antonio Machado (ABC, républicain, Valence, 26 février 1939).

Les obsèques civiles, comme l’avait demandé Antonio à son frère, ont lieu le jeudi 23 février, à quatre heures de l’après-midi. Présidées par le maire de Collioure, Marceau Banyuls, elles réunissent une foule de réfugiés, d’amis et d’admirateurs du poète. Le cercueil, recouvert du drapeau républicain, est porté par douze soldats espagnols de la Deuxième Brigade de cavalerie, reclus dans le Château Royal de Collioure. Le corps du poète est déposé dans une niche prêtée par la famille Py-Deboher, amie de Pauline Quintana. » (texte extrait du site internet de la Fondation Machado à Collioure).

Le pèlerinage catalan commence à Collioure par une visite au cimetière pour se recueillir devant la tombe du poète. On peut aussi refaire le chemin de Port-Bou à Cerbère par le petit col.

Tout près, on trouve l’ancien hôtel Quintana, maintenant siège de la Fondation Machado.

L’espace muséographique est sobre, avec les deux lits de mort du poète et de sa mère, des panneaux explicatifs des derniers jours de la vie de Machado, l’original du registre de l’hôtel avec son nom et sa profession, « professeur ».

Quelques-uns de ses vers les plus célèbres rendent hommage à cet écrivain majeur dont le destin attire beaucoup de citoyens espagnols et … des citoyens du monde.

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