ll y a des lieux dans lesquels nous aimons revenir. Ils nous sont chers parce qu’il exaltent nos sens, nous enveloppent de leur bien-être et nous préservent du surtourisme. Le village d’Ardez, en Basse-Engadine, m’est unique et je n’hésite à faire six heures de train pour le rejoindre de temps à autre. J’ai beaucoup de bonnes raisons de l’aimer dans sa région si chaleureuse et si préservée des hordes humaines.
À Ardez, il n’y aucune chance qu’on nous parle anglais dans un magasin, un restaurant ou un train. Dans ce village situé un peu au-dessus de la vallée de l’Inn, les enfants vont à l’école en romanche, on nous salue dans la rue par des Allegra et c’est un bonheur de parler italien avec les propriétaires de l’hôtel Alvetern, l’Edelweiss, Madame et Monsieur Schorta.



Bien sûr les Engadinois parlent aussi couramment suisse allemand mais on se trouve dans cette vallée au coeur de la langue romanche, loin du surtourisme asiatique qui préfère Lucerne ou Interlaken ou des yuppies zurichois qui sniffent à Davos ou Saint-Moritz.
Je pense intimement que la Basse Engadine va de pair avec le silence qui y règne. À part à Scuol, aucune remontée mécanique ne pollue le paysage. Il suffit d’aller dans le village de Tschlin, perché à 1500 mètres (45 minutes depuis Ardez), pour expérimenter la qualité d’un silence total dans un lieu habité. Devant l’église, seuls les pas d’un habitants, une fontaine qui coule ou une rare voiture qui descend dans la vallée viennent rompre ce que j’appellerais ce calme habité.


Et l’hiver, la descente à pied sur la piste de luge, bien damée, qui mène de ce village à Strada dans la vallée, nous fait ressentir une sensation agréable : une marche sur la neige crissante avec de bons crampons sur nos chaussures !
À Ardez, nos sens visuels sont en émoi à chaque coucher de soleil sur les montagnes en face de l’hôtel Alvetern. Que ce soit vers 16 h 30 en hiver ou vers 21 heures en été, les couleurs et les teintes composent des tableaux vivants.



Les senteurs estivales des foins coupés, qu’on retrouve dans des tisanes, des mélanges d’herbes ou dans du sel aux herbes, sont si intenses qu’elles se gravent à jamais dans notre mémoire olfactive. Dans de si intacts pâturages, entre 1500 et 2200 mètres d’altitude, la force des herbes et fleurs sauvages préservées par des agriculteurs bio se transmet aussi aux chèvres en estivage. Et devenir le parrain de l’une d’entre elles fut, vers 2015, une joie intense.






Quant à notre palais des saveurs, il sera en fête perpétuelle avec des produits locaux incontournables : la bière bio de Tschlin au goût prononcé de foin coupé, la tourte aux noix de chez Giacometti à Lavin (quelle alliance noix-miel-caramel-beurre !) et les capuns du restaurant Alvetern par exemple. Cette spécialité grisonne consiste en un gros morceau de spätzli, farci d’herbes et de gendarme et entouré d’une feuille de blette. Les capuns sont bouillis dans du lait coupé d’eau et servis avec une sauce à base de lait et de bouillon, recouverte de filament de viande de boeuf fumé.




Cette pinte de bière ci-dessus a été bue dans la belle salle à manger de cet hôtel magnifique : le Schorta’s Alvetern. Prix raisonnables (notamment dans l’annexe BandB), accueil exemplaire, douce atmosphère, bonne cuisine, belle cheminée, petit déjeuner avec la plupart des produits du coin (confitures, muesli, fromages, pain, neufs, charcuteries, jus de fruits, tisanes, café).





C’est bien ici un paradis : quand on sort de l’hôtel ou quand on y arrive de la gare, on traverse un musée vivant, la rue principale est bordée de maison engadinoises aux façades peintes.




La plus célèbre de ces demeures, peintes au 17e siècle, est la Haus Clalguna (1647) et sa représentation du paradis, justement. Pour peu que je puisse traduire le texte en latin écrit sur la façade, plus on méditera moins on tombera dans le péché. Méditation sur la beauté du monde et la joie procurée par ce site d’exception ? C’est ma vision à chaque passage devant cette façade !




