Dans l’ingrate rue de la Balance, on peut faire à La Chaux-de-Fonds une expérience gastronomique unique dans son dépaysement : manger tout un menu japonais comme si on était à la maison. C’est chez Hiro Omakase, ce mot signifiant justement « je te laisse le soin de faire ».
Les sept plats, avec le dessert, que le dévoué serveur Manuel nous a servis furent légers, exquis, d’une fraîcheur sans faille. Seuls les mochis du desserts sont annoncés comme non élaborés dans la petite cuisine ouverte sur la salle et la rue de la Balance.
» Un repas, un poème plutôt. Une déclaration d’amour. Des formes, des textures, des saveurs venues de très loin. » C’est ainsi que Jacques Perrin décrit son repas chez Toru Okuda à Tokyo dans son livre L’Archipel du goût.
Hiro n’est pas un restaurant triplement étoilé mais un simple petit local bien aménagé avec quelques tables en bois et six places au bar pour voir le chef Eduardo travailler ses poissons crus. D’ailleurs, le canton de Neuchâtel est le seul de Suisse où plus aucun restaurant n’a une étoile ou même un Bib gourmand dans le Guide Michelin.
Manger un grand menu chez Hiro ne coûtera pas bon marché, 110 francs sans les boissons mais restera raisonnable dans le rapport prix-plaisir à côté de chez soi. Et ce sera toujours mieux de favoriser les établissements locaux plutôt que de rechercher la qualité ailleurs dans des établissements étoilés à Yverdon ou Bienne !
La cérémonial, en tout cas voulu comme tel par le serveur attentionné qui nous explique tout comme si nous étions ses invités, commence par une bière japonaise à la patate douce avec un edaname, des fèves fraîches de soja au gros sel dont on extrait les fruits à la main.
Ensuite, un oeuf minute, dans un bouillon, de poisson sauf erreur. C’est un onsen tamago, où l’œuf est coagulé dans ce liquide à basse température : le jaune est coulant et le blanc très peu cuit. Délicat.


Puis un sunomono, un bol de concombres effilés légèrement vinaigrés et recouverts de sésame. À côté une fleur d’un poisson blanc cru, le hamachi, un sorte de chinchard, qu’on retrouvera dans les sushis du dernier plat : Puissant et doux.
Vient le tour d’un kani tempura, un crabe frit qu’on mange entier. Renversant.
Et une soupe miso shiro, dont le bouillon contient des cubes d’une pâte obtenue par la fermentation du soja et du riz pendant sept jours. Réchauffant et soyeux.
Avant les poissons crus j’ai commandé un petit verre de saké, l’alcool de riz à 16 degrés. Il a été servi débordant avec un surplus se déversant dans un petit caisson en bois d’eucalyptus, surplus qu’on boira par la suite. Revigorant.
Finalement, des sushis, des poissons crus.
Sur un plat en marbre sont posés d’abord des nigiris, des pièces de 30 grammes (17 de poisson et 13 de riz aromatisé de différentes manières selon le poisson sous le morceau de poisson roulé) : du saumon d’Ecosse, le fameux hagachi,, du thon rouge exceptionnel, du calamar, une grosse crevette. À côté, tiède, une tranche de saumon teriyaki, cuite avec du mirin, du saké sucré. Et derrière, les même poissons crus au naturel, des sashimis, avec en plus du thon snacké, en foncé sur l’image.
Fraîcheur absolue, sublimité du goût, beauté visuelle de ces poissons préparés au comptoir par le chef-propriétaire portugais Eduardo Diaz, formé de manière émérite au Japon et bardé de diplômes accrochés dans la petite salle.
Ma description est volontairement sommaire, sinon béotienne. J’ai l’impression que les images arrivent à faire ressentir les saveurs et les textures (mou/craquant, doux/fort, cuit-cru) caractéristiques de la cuisine japonaise.
Bref, une soirée chez Hiro, rue de la Balance 5, à 1000 mètres d’altitude, est une expérience qui vous rend léger de corps et d’esprit.







